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Les flacons ne font pas forcement l'ivresse. Reliance Machinery Co/You Tube

La véritable histoire du sérum, élixir de jeunesse qui ne tient pas toujours ses promesses

Il ne s’agit pas ici de traiter des sérums de vérité qui délient les langues les plus rebelles, mais bien des sérums de jeunesse utilisés par voie topique par toute femme souhaitant conserver le plus longtemps possible les signes visibles d’une jeunesse éclatante.

Ces cosmétiques ont une histoire amusante qui est peu connue et qu’il est bon de rappeler si l’on ne veut pas tomber trop facilement dans le piège tendu par les services marketing des sociétés qui les vendent. Le sérum est présenté dans toute école esthétique qui se respecte comme une forme galénique à part entière, comme une préparation extrêmement riche, comme un cosmétique sur-concentré en actifs. Nous nous proposons, aujourd’hui, de tordre le cou à cette légende qui se transmet de génération en génération.

Le rêve du Russe Bogomoletz

Afin d’y voir clair dans cette ténébreuse histoire, faisons un flash-back qui va nous ramener quelque 70 ans en arrière. Après la Seconde Guerre mondiale, on veut oublier, on veut rêver à tout prix… Et on est prêt à croire à tout ! On ne parle plus que du sérum de jeunesse de Bogomoletz. Ce chercheur russe a mis au point le « sérum anti-réticulaire cytotoxique » qui est censé stimuler les défenses et permettre de prolonger la vie jusqu’à 150 ans (quand même !) si un certain nombre de conditions (bonne hygiène de vie, alimentation équilibrée, limitation des conditions sources de stress) sont réunies (tout de même !). Bogomoletz publie le résultat de ces travaux en 1943. Guerre oblige, ce n’est qu’après celle-ci que le fameux sérum devient populaire. Mais celui-ci est rapidement contesté : Bogomoletz est voué aux oubliettes et les espoirs de longévité sont rangés de côté… tout du moins temporairement. `

Du sérum de cheval dans des ampoules

Font alors leur apparition sur le marché des sérums d’un tout autre genre, se classant cette fois-ci dans la catégorie des cosmétiques. Il est bon de préciser toutefois que ce type de produit n’est pas, initialement, une forme galénique particulière. Il s’agit tout simplement de sérum de cheval, c’est-à-dire d’un liquide sanguin dépourvu de cellules et de certaines protéines à fonctions spécifiques, et conditionné dans des ampoules.

Le sérum de cheval était vanté pour ses effets sur la peau, mais aussi pour son action fortifiante. Frédéric Bisson/Flickr, CC BY

Les publicités mettent à l’honneur ces cosmétiques très « biologiques ». Mais le sens donné à ce terme est totalement différent de ce que l’on entend aujourd’hui. Il ne s’agit aucunement de produits végétaux issus d’une agriculture soucieuse de l’environnement. On est « biologique » dans le sens où on raffole de tout ce qui est issu du corps humain (hormones, placenta…) ou du corps animal (embryons de poulet, crête de coq…). Tout ce qui, de nos jours, fait pousser les hauts cris à bon nombre de consommatrices est alors gage de qualité ! Sans se soucier d’un quelconque aspect toxicologique, l’on aime à se tartiner d’extraits hormonaux. Quoi de mieux que le placenta humain ou les extraits embryonnaires animaux pour conserver une peau de bébé le plus longtemps possible ?

Du sang sur les mains, gage d’une belle peau

Le sérum est très en vogue dans les années 1950 où il est considéré comme « un produit total, un agent de beauté complet ». Nul besoin de formulation galénique, on puise à l’abattoir le précieux cosmétique. Les mentalités sont alors aux antipodes des nôtres. La consommatrice d’alors ne s’offusque ni du mode d’obtention, ni de l’origine des préparations qui finiront sur sa peau. Partant du constat que les employés des abattoirs qui travaillent au contact du sang plusieurs heures par jour possèdent une peau magnifique au niveau de leurs mains, les magazines féminins de l’époque décident de faire l’apologie du précieux sérum. Celui-ci est conditionné dans des ampoules en verre qui donne à la préparation un cachet pharmaceutique bien appréciable.

Ainsi paré, le sérum semble ressembler à un véritable traitement d’attaque ! Le produit « Hormosein » (véritable sérum de cheval) de Jeanne Gatineau est un bon exemple (le numéro 6 du journal L’art et la mode l’évoque en 1960). Il viendra au secours des poitrines les plus flagada.

Des sérums de compositions variées

Petit à petit, apparaissent sur le marché des « sérums » qui n’ont rien à voir avec une quelconque fraction du sang de quelque animal que ce soit. Toutefois, leur origine biologique (placenta, embryons renfermant des biostimulines selon la théorie du Dr Filatov ) plaidera longtemps en faveur de cette appellation. On les présente alors comme de « véritables concentrés » puisqu’aucun additif mis à part les conservateurs ne vient altérer la formule. L’actif, sans fioriture aucune, est directement disponible pour la peau.

Le sérum est alors le roi des cosmétiques du fait d’une teneur extrêmement élevée (voisine de 99 %) en actifs. Il en a découlé, pendant longtemps, une véritable suprématie du sérum sur l’émulsion. Dans celle-ci, l’actif est généralement à faible concentration. Il est, pourrait-on dire, de façon imagée, noyé dans une mer d’excipient. L’excipient correspond à l’ensemble des matières premières capables de « porter » les actifs. Il s’agit de l’eau, des corps gras (cires, graisses et huiles de diverses origines).

Et aujourd’hui ?

Le principal composant des sérums d’aujourd’hui. Public domain pictures

Demandez à un professionnel de la beauté, en 2016, quelle est la différence entre un sérum et une crème. Il vous donnera la même réponse que celle que l’on donnait dans les années 1950 ou 1970 : « le sérum est beaucoup plus concentré que la crème ». Il est donc beaucoup plus actif. FAUX ! Les sérums de 2016 ne sont pas les sérums des années 1950 – 1970. Ce sont le plus souvent des gels fluides dont le composant principal est… l’eau, comme l’indiquent les listes d’ingrédients figurant sur les emballages. Cherchez la composition des sérums suivants : Visionnaire (Lancôme), Vinexpert fermeté visage (Caudalie), Capture totale one essential (Dior), Bio-Performance super corrective (Shiseido), Crème fraîche de beauté (Nuxe)… vous trouverez l’eau comme ingrédient principal. Que d’eau, que d’eau… comme aurait dit Mac Mahon !

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