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Soleil se couchant sur l'océan Atlantique avec des bateaux au premier plan.
Le soleil est-il en train de se coucher sur le système des courants océaniques de l'Atlantique? Bien que ce ne soit pas impossible, ce n'est certainement pas près d'arriver, et les articles sensationnalistes ne font pas avancer la cause de la lutte contre la crise climatique. (AP Photo/Robert F. Bukaty)

Le Gulf Stream ne s’effondrera pas en 2025 : voici comment le sensationnalisme n’aide pas la science ni le climat

Quiconque suit les derniers développements en matière de science du climat a sursauté en lisant les gros titres de la semaine dernière proclamant que « selon une étude, le Gulf Stream pourrait s’effondrer dès 2025 ». Cela faisait suite à une publication récente dans Nature Communications.

« Craignez le pire : l’effondrement du Gulf Stream pourrait provoquer un chaos mondial d’ici 2025 », annonçait aussi le New York Post. « Un système crucial de courants océaniques se dirige vers un effondrement qui affecterait tout le monde sur la planète », notait CNN aux États-Unis, repris par de très nombreux médias.

On ne peut qu’imaginer comment les personnes déjà frappées par l’écoanxiété ont intériorisé ces nouvelles apocalyptiques, au moment où les records de température sont pulvérisés dans le monde entier.

Cette récente rhétorique alarmiste est un cas d’école sur la manière dont il ne faut pas communiquer sur la science du climat. Ces titres ne contribuent en rien à sensibiliser le public, et encore moins à influencer les politiques publiques en faveur des solutions climatiques.

On voit le monde que l’on décrit

On le sait, l’écoanxiété est alimentée par les messages véhiculés par les médias sur la crise climatique imminente. Par conséquent, de nombreuses personnes se désintéressent de la situation et baissent tout simplement les bras, croyant que nous sommes tous voués à un destin funeste et qu’il n’y ait rien que l’on puisse y faire.

De la végétation brûle dans un environnement désertique
Si les conséquences du réchauffement climatique, des incendies de forêt aux inondations, sont bien réelles, les discours trop alarmistes ne font qu’intensifier l’écoanxiété. (AP Photo/Ty ONeil)

Ces messages sensationnalistes et alarmistes font partie de l’esprit collectif de notre époque, l’Anthropocène.

Ce n’est pas la première fois que de tels titres apparaissent. En 1998, le Atlantic Monthly a publié un article sonnant l’alarme sur le fait que le réchauffement de la planète « pourrait conduire, paradoxalement, à un refroidissement draconien – une catastrophe qui pourrait menacer la survie de la civilisation ».

En 2002, des éditoriaux du New York Times et du magazine Discover ont « prédit » un effondrement prochain de la formation d’eau profonde dans l’Atlantique Nord, ce qui pourrait conduire à la prochaine ère glaciaire.

S’appuyant sur les affirmations infondées de ces articles, BBC Horizon a diffusé en 2003 un documentaire intitulé The Big Chill (Le Grand refroidissement) et, en 2004, le magazine Fortune a publié The Pentagon’s Weather Nightmare (Le cauchemar météorologique du Pentagone), reprenant les points des articles précédemment mentionnés.

Voyant l’opportunité d’un film catastrophe excitant, Hollywood a produit The Day After Tomorrow (Le jour d’après) dans lequel toutes les lois connues de la thermodynamique ont été enfreintes.

Les courants marins ne s’effondrent pas (et ne le feront pas de sitôt)

Bien qu’il soit relativement facile de démontrer qu’il n’est pas possible que le réchauffement climatique provoque une ère glaciaire, cela n’a pas empêché certaines personnes de promouvoir de telles faussetés.

La dernière série de titres alarmistes n’a peut-être pas mis l’accent sur l’imminence d’une ère glaciaire, mais elle laisse entendre que la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC) pourrait s’effondrer d’ici 2025. Il s’agit là d’une affirmation au mieux scandaleuse, au pire totalement irresponsable.

Schéma de la circulation méridienne de retournement atlantique
Schéma de la circulation méridienne de retournement atlantique. R. Curry, Woods Hole Oceanographic Institution/Science/USGCRP, CC BY

Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évalue depuis des décennies la probabilité d’un arrêt de la formation d’eau profonde dans l’Atlantique Nord. En fait, j’ai fait partie de l’équipe de rédaction du 4ᵉ rapport d’évaluation 2007, dans lequel nous avons conclu qu’il soit :

Il est très probable que la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC) ralentisse au cours du XXIe siècle. Il est très peu probable que l’AMOC subisse une transition abrupte de grande ampleur au cours du XXIe siècle.

Des déclarations quasi similaires ont été incluses dans le 5ᵉ rapport d’évaluation en 2013 et le 6ᵉ rapport d’évaluation en 2021. D’autres évaluations, dont celle de l’Académie nationale des sciences Abrupt Impacts of Climate Change : Anticipating Surprises, publiée en 2013, ont également abouti à des conclusions similaires.

Le 6e rapport d’évaluation est allé plus loin en concluant que :

Il n’y a pas de preuve observationnelle d’une tendance dans la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), sur la base de l’enregistrement décennal de l’AMOC et de plus longs enregistrements des composantes individuelles de l’AMOC.


Read more: Nouveau rapport du GIEC : toujours plus documenté, plus précis et plus alarmant


Comprendre l’optimisme climatique

Hannah Ritchie, rédactrice adjointe et chercheuse principale à Our World in Data et chercheuse principale à l’Oxford Martin School, a récemment écrit un article pour Vox où elle propose un nouveau cadre pour changer la manière dont les gens voient le monde et leur capacité à faciliter le changement.

La structure de Ritchie répartit les gens en quatre catégories, selon leur optimisme ou leur pessimisme à l’égard de l’avenir, et selon leur croyance ou leur scepticisme face à notre capacité à façonner l’avenir en fonction des décisions et des actions prises aujourd’hui.

Diagramme mettant en évidence les quatre principales catégories de communications sur le climat
Le point idéal de la communication sur le climat consiste à adopter un ton optimiste tout en renforçant l’idée qu’un changement est possible. (Andrew Weaver), Author provided

Ritchie soutient de manière convaincante qu’un plus grand nombre de personnes situées dans la case verte « optimiste et changeante » est nécessaire pour faire avancer les solutions en matière de climat. Les personnes situées ailleurs ne sont pas utiles pour favoriser le changement.

Plus importante est l’influence du groupe « pessimiste et changeant » (comme de nombreuses personnes au sein du mouvement Extinction Rebellion) : leur comportement extrême (alarmisme ou désobéissance civile) rejette l’idée que le réchauffement climatique est un problème que l’on peut résoudre.


Read more: Cinq points à surveiller dans le rapport du GIEC sur le climat


La responsabilité de communiquer de manière responsable

Malheureusement, les scénarios à très faible probabilité et souvent mal compris finissent souvent par être interprétés à tort comme des événements climatiques probables et imminents.

Dans de nombreux cas, les nuances de l’incertitude scientifique, notamment en ce qui concerne les différences entre la formulation d’une hypothèse et le test d’une hypothèse, sont perdues pour le lecteur profane lorsqu’une étude devient virale sur les médias sociaux. Ce phénomène est amplifié lorsque des scientifiques font de la spéculation. Les journalistes sont alors trop heureux de transformer ces hypothèses spéculatives en titres accrocheurs.

Des délégués devant une bannière à COP27
Les climatologues, les intervenants et les médias ont tous la responsabilité d’éviter le sensationnalisme lorsqu’ils discutent de l’avenir du climat. (AP Photo/Peter Dejong)

Grâce à des recherches indépendantes et à la rédaction des rapports du GIEC, la communauté des climatologues jouit d’une position privilégiée dans le discours public sur la science des changements climatiques, de ses impacts et de ses solutions.

Les scientifiques du climat ont un rôle à jouer afin de promouvoir des solutions climatiques, et ce rôle s’accompagne de la responsabilité d’éviter le sensationnalisme. En ne modérant pas leur discours, ils risquent d’exacerber une rhétorique pessimiste, sans rien offrir en termes de solutions globales ou de réduction des risques.

This article was originally published in English

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