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Photo d’une femme classant méticuleusement des trombones sur une table blanche
Les personnes souffrant de TOC subissent des pensées intrusives sources d’anxiété, qu’elles tentent d’apaiser par divers rituels. Microgen/Shutterstock

Les personnes souffrant de TOC ont une moins longue espérance de vie

Une nouvelle étude a récemment révélé que les personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ont un risque accru de décéder plus tôt que les autres, que ce soit de cause naturelle ou non naturelle.

De précédents travaux avaient déjà identifié des excès de mortalité chez les personnes souffrant de TOC, mais les causes spécifiques de ces décès n’avaient pas été étudiées plus avant – à l’exception peut-être du suicide. Il avait notamment été découvert que les personnes souffrant de TOC avaient des taux de suicide similaires à ceux de personnes atteintes d’autres troubles mentaux.

Les TOC affectent environ 2 % de la population. Les personnes qui en souffrent expérimentent des pensées répétitives et intrusives qui les plongent dans la détresse (elles sont, par exemple, obnubilées par la peur d’être contaminées, ou de devenir agressive envers d’autres personnes). Afin de diminuer l’inconfort causé par ses pensées, elles accomplissent des rituels extrêmement chronophages : rituels de nettoyage, de répétition, de vérification…

Ce trouble dégrade significativement leur qualité de vie, affecte leurs relations ainsi que leurs activités sociales et, d’une façon générale, leur capacité à vivre normalement.

Mes collègues et moi-même, au Karolinska Institute en Suède, avons décidé d’essayer de comprendre comment les décès de cause naturelle ou ceux de cause non naturelle contribuent à la mortalité plus élevée constatée chez les personnes souffrant de TOC.

Nous nous sommes pour cela appuyés sur les registres de population suédois, lesquels incluent des données administratives et de santé pour l’ensemble de la population du pays. Grâce à ces registres, nous avons pu comparer un groupe de 61 378 individus diagnostiqués comme souffrant de TOC avec 613 780 personnes non atteintes par cette pathologie.

Les données enregistrées dans ces bases nous ont permis de suivre ces deux groupes sur une période de plus de 40 ans, de 1973 à 2020. Nous avons ainsi découvert que les personnes atteintes de TOC mouraient à un âge moyen de 69 ans, contre 78 ans celles qui n’en souffraient pas.

Le risque de décès au cours de la durée couverte par cette étude était accru de 82 % dans le groupe des personnes ayant un TOC par rapport au groupe qui n’était pas atteint par cette pathologie.

Ce risque accru de décès s’est avéré attribuable à la fois à des causes naturelles (le risque est alors augmenté de 31 %) et à des causes non naturelles (risque augmenté de 230 %).

Des causes spécifiques

C’est la première fois que des travaux identifient les causes spécifiques à l’origine des décès « naturels » de personnes souffrant de TOC. Nos résultats révèlent que l’accroissement du risque de mortalité qui les concerne est dû à des risques accrus de maladie pulmonaire (73 %), de troubles mentaux et comportementaux (58 %), de maladie des tractus urinaires et génitaux (55 %), de maladies endocrines, métaboliques et d’origine nutritionnelle (47 %), ainsi que de maladies touchant les vaisseaux sanguins (33 %), le système nerveux (21 %) et le système digestif (20 %).

Curieusement, le risque de décès par cancer était inférieur de 13 % chez les personnes souffrant de TOC. La raison pour laquelle ce risque est moindre, à l’inverse des risques cités plus haut, n’est pas connue.

Parmi les causes de mort non naturelle, le principal contributeur à cette mortalité accrue s’est avéré être le suicide. Le risque de suicide est en effet cinq fois plus élevé chez les personnes atteintes de TOC que chez les autres. Les personnes avec TOC ont par ailleurs un risque 92 % plus élevé de mourir dans un accident, notamment dans des accidents de la route ou suite à des chutes.

La prise en compte de l’existence d’autres troubles mentaux, tels que l’anxiété, la dépression, ou des troubles liés à l’utilisation de substances n’a pas modifié ces résultats. Qui plus est, la comparaison au sein de fratries, de personnes souffrant de TOC avec leurs frères et sœurs qui n’en souffraient pas n’a pas non plus modifié ce résultat.

Ceci confirme que cette situation n’est pas attribuable à des facteurs annexes (environnementaux, génétiques, des troubles mentaux associés…), mais semble bien être lié aux TOC eux-mêmes.

Des décès en grande partie évitables

Ces résultats ne semblent pas particulièrement positifs pour les personnes souffrant de TOC. Cependant, il est important de noter qu’au sein du groupe étudié la proportion de personnes décédées de chacune des causes citées précédemment était relativement faible, même si par rapport au groupe ne souffrant pas de TOC, cela se traduit par un risque plus élevé.

Ainsi, au cours de la période sur laquelle s’étendait l’étude, 2,5 % des personnes atteintes de TOC sont décédées des suites de maladies cardiovasculaires (crises cardiaques, accidents vasculaires cérébraux…), un pourcentage plutôt faible. Ce pourcentage est néanmoins plus élevé que celui constaté dans le groupe sans TOC, qui est plutôt de 1,8 %.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas acceptable que les personnes atteintes de TOC aient à faire face à ces risques supplémentaires. Nous espérons que ces résultats contribueront à une meilleure prise en charge de ces patients, en incitant notamment les professionnels de santé à prendre conscience de cette situation.

Soulignons que la plupart des causes de décès pour lesquelles un risque accru a été démontré pour les personnes atteintes de TOC concernent des causes externes (telles que le suicide, les accidents) ou des maladies non transmissibles (maladies cardiovasculaires, diabète, maladies pulmonaires chroniques, troubles mentaux, troubles neurologiques…). Or, ces causes de décès sont généralement considérées comme évitables.

Les personnes atteintes de TOC doivent elles aussi être conscientes qu’elles sont concernées par l’augmentation de ces risques. Cela peut les motiver à modifier leurs comportements, en les incitant par exemple à faire davantage d’exercice et à adopter une alimentation plus saine, des pratiques qui peuvent jouer un rôle dans la prévention de ces maladies et des décès prématurés qui y sont associés.

This article was originally published in English

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