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Une femme dentiste et un patient
La carie dentaire est la maladie non transmissible la plus répandue dans le monde, mais son traitement n’est pas inclus dans notre système de santé publique. (Pexels/Cedric Fauntleroy)

Les soins dentaires devraient être inclus dans les soins de santé et figurer au programme des partis fédéraux

Au Canada, les soins dentaires ne font pas partie des soins médicaux. Environ six % des soins dentaires sont payés par des fonds publics, le reste l’est par une assurance privée (56 %) ou par les contribuables (38 %).

Cela engendre des inégalités importantes en matière de santé bucco-dentaire et de soins dentaires, les Canadiens les plus pauvres étant à la fois les plus touchés par les maladies bucco-dentaires et ceux qui ont le plus de difficultés à accéder aux soins.

Bien que le système de santé ne soit pas exempt de problèmes au Canada, le fait qu’il soit gratuit aux points de service améliore considérablement son accessibilité. Les dents et la bouche font partie du corps, et cette fausse ségrégation des soins coûte à chaque Canadien et au pays dans son ensemble des montants que nous pouvons difficilement nous permettre de dépenser. En tant que chercheur dans le domaine de la santé publique dentaire, je suis d’avis que les soins dentaires devraient faire partie des soins de santé.

Chaque fois qu’il est question de soins de santé dans le cadre d’une campagne électorale fédérale, on devrait inclure les soins dentaires dans la discussion.

Paradoxe et inégalité

Des images aux rayons X de l’intérieur d’une bouche
Vingt-deux pour cent des Canadiens, soit environ huit millions de personnes, évitent d’aller chez le dentiste en raison des coûts. (Pexels/Tima Miroshnichenko)

Il est paradoxal que la carie dentaire figure parmi les maladies non transmissibles les plus répandues dans le monde, mais que son traitement ne fasse pas partie de notre système de santé publique. Le fardeau des maladies bucco-dentaires est énorme pour les personnes qui ressentent de la douleur, qui ont de la difficulté à manger, qui s’empêchent de sourire ou de parler et qui doivent s’absenter du travail ou de l’école.

De plus, 22 % de la population canadienne (environ huit millions de personnes) déclarent éviter de se rendre chez le dentiste en raison du coût. Par conséquent, le système médical public finit par traiter les maladies bucco-dentaires, mais souvent de manière inefficace et inappropriée.

Ainsi, de 2010 à 2012, le traitement des caries dentaires était de loin la raison la plus fréquente pour laquelle les enfants d’un an à cinq ans recevaient une anesthésie générale, ce qui représente 31 % de tous les soins d’anesthésie générale dans ce groupe d’âge. En outre, cette procédure était beaucoup plus fréquente chez les enfants autochtones, les familles les plus pauvres et les habitants des zones rurales. Ces enfants ont souvent plusieurs dents gravement cariées, car leurs parents n’ont pas les moyens de les emmener chez le dentiste.

Qui plus est, un nombre croissant de Canadiens ont des emplois précaires avec de faibles salaires et moins d’avantages sociaux, et doivent payer eux-mêmes leurs soins dentaires. Il en résulte que de plus en plus de personnes consultent des médecins ou des services d’urgence pour des problèmes dentaires, et qu’elles reçoivent souvent des soins inadéquats, car ces établissements ne sont pas équipés pour fournir les traitements nécessaires.

Les soins bucco-dentaires sont des soins de santé

Outre ces problèmes directement liés aux maladies et aux soins bucco-dentaires, il faut comprendre que notre organisme ne sépare pas la bouche du reste du corps et que les exemples de liens directs entre la santé bucco-dentaire et la santé générale sont nombreux.

Ainsi, une aggravation d’une maladie des gencives peut entraîner une détérioration du diabète, et vice versa. Cette charge de morbidité et les difficultés d’accès aux soins dentaires affectent de manière très inégale les Canadiens. Les groupes les plus pauvres, les Autochtones, les immigrants récents, les personnes handicapées et celles qui vivent dans des régions rurales et éloignées du Canada ont beaucoup plus de problèmes. Ces inégalités touchent davantage les femmes que les hommes.

Cependant, il est possible d’œuvrer à revoir cette situation. L’Organisation mondiale de la santé l’a reconnu, et on en convient de plus en plus au Canada. Cette année, l’OMS a adopté une résolution qui ouvre la voie à l’amélioration des soins de santé bucco-dentaire à l’échelle mondiale en faisant le constat suivant :

… la santé bucco-dentaire devrait être intégrée dans le plan d’action contre les maladies non transmissibles, et les soins bucco-dentaires devraient être inclus dans les programmes de couverture sanitaire universelle.

Les élections fédérales actuelles offrent l’occasion de mettre cette question au premier plan du débat sur les soins de santé au Canada. En décembre 2019, la lettre de mandat du premier ministre pour la ministre de la Santé lui demandait de « travailler avec le Parlement pour étudier et analyser les voies à suivre concernant le régime national de soins dentaires. »

Une dentiste et un jeune patient
Le traitement des caries dentaires est une raison fréquente pour laquelle on administre une anesthésie générale à des enfants d’un an à cinq ans. La plupart de ces cas auraient pu être évités. (Pixabay)

En octobre 2020, le Bureau du directeur parlementaire du budget a publié une estimation des coûts d’un programme fédéral de soins dentaires pour les Canadiens non assurés. Cette estimation était basée sur la proposition du NPD qui visait que les Canadiens gagnant moins de 90 000 $ par an aient droit à ces soins. Le coût total a été estimé à 1,5 milliard de dollars par an pour couvrir les soins d’environ 6,5 millions de Canadiens.

Cependant, un autre rapport récent a comparé les coûts d’un système « Denticaid », avec une assurance publique pour tous les enfants de moins de 12 ans et les autres personnes sans assurance privée, à ceux d’un système « Denticare », dans lequel les soins dentaires sont couverts pour tous, comme dans le système d’assurance maladie. Le rapport a conclu que les coûts nets de l’assurance « Denticare » étaient inférieurs et que le Canada devrait adopter ce système.

Les soins dentaires devraient être intégrés au système d’assurance maladie. En plus des économies réalisées par les individus et la population dans son ensemble, cela contribuerait à réduire les inégalités en matière de santé bucco-dentaire et d’accès aux soins, ainsi qu’à promouvoir l’intégration des soins médicaux et dentaires. Un tel système permettrait de mieux traiter les personnes qui souffrent de maladies des gencives et de diabète, de dépister la carie dentaire chez les jeunes enfants et de tenir compte du fait que la bouche fait partie du corps pour de nombreux autres problèmes de santé.

This article was originally published in English

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