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Trois combattants talibans montent la garde à un poste de contrôle.
Des combattants talibans prennent le contrôle du palais présidentiel à Kaboul après la fuite du président afghan Ashraf Ghani. (AP Photo/Zabi Karimi)

Les talibans réduisent les femmes et les jeunes filles en esclaves sexuelles et le monde ne peut se détourner les yeux

Depuis le retrait d’Afghanistan des troupes américaines et de l’OTAN en juillet, les talibans ont rapidement pris le contrôle de vastes régions du pays. Le président a fini par s’enfuir, dimanche, et le gouvernement par tomber.

Enhardis par leur succès, l’absence de résistance des forces afghanes et une faible pression internationale, les talibans ont intensifié leur violence. Pour les femmes afghanes, cette montée en puissance est terrifiante.

Début juillet, après que les dirigeants talibans se sont emparés des provinces de Badakhchan et de Takhar, ils ont ordonné aux chefs religieux locaux de leur fournir une liste des filles de plus de 15 ans et des veuves de moins de 45 ans « à marier » avec des combattants talibans. On ignore si ces derniers ont obtempéré.

Une jeune Afghane regarde par le volet d’une tente, ses cheveux cachant son visage
Une jeune fille afghane déplacée regarde par une ouverture dans sa tente de fortune dans un camp du nord de l’Afghanistan en juillet 2021. (AP Photo/Rahmat Gul)

Si ces mariages forcés ont lieu, les femmes et les jeunes filles seront emmenées au Waziristan, au Pakistan, pour être rééduquées et converties à un « islam authentique ».

Cet ordre a provoqué une grande peur chez les femmes et leurs familles qui vivent dans les zones visées et les a poussées à fuir et à rejoindre les rangs des personnes déplacées à l’intérieur du pays, aggravant ainsi la catastrophe humanitaire qui se déroule en Afghanistan. Ces trois derniers mois seulement, 900 000 personnes ont été déplacées.

Rappel du régime brutal des talibans

Cette directive des talibans constitue un grave avertissement de ce qui est à venir ainsi qu’un rappel de leur régime brutal qui a duré de 1996 à 2001. Durant cette période, les femmes subissaient des violations constantes de leurs droits, n’étaient pas autorisées à travailler ni à s’instruire, étaient contraintes de porter la burqa et ne pouvaient quitter la maison sans un « tuteur » masculin oumahram.

Bien qu’ils prétendent avoir changé leur position sur les droits des femmes, les talibans démontrent tout le contraire par leurs actions et leurs efforts récents pour livrer des milliers de femmes à l’esclavage sexuel.

En outre, les talibans ont signalé leur intention de refuser l’éducation aux filles après l’âge de 12 ans, d’interdire aux femmes de travailler et de rétablir la loi qui exige que les femmes soient accompagnées d’un tuteur.

Des femmes et des enfants afghans voyagent dans une charrette à moto
Des femmes et des enfants afghans circulent dans la province de Herat, à l’ouest de Kaboul, en août 2021. (AP Photo/Hamed Sarfarazi)

Les progrès réalisés par les femmes afghanes au cours des vingt dernières années, notamment en matière d’éducation, d’emploi et de participation politique, sont gravement menacés.

Offrir des « épouses » est une stratégie dont le but est d’inciter des militants à rejoindre les rangs des talibans. Il s’agit d’asservissement sexuel, et non de mariage, et forcer les femmes à l’esclavage sexuel sous le couvert du mariage constitue à la fois un crime de guerre et un crime contre l’humanité.

Voici ce que stipule l’article 27 de la Convention de Genève :

Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur.

En 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la Résolution 1820 qui veut que « le viol et les autres formes de violence sexuelle peuvent constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ». Elle reconnaît la violence sexuelle comme une tactique de guerre qui vise à humilier, à dominer les membres civils de la communauté et à susciter la peur chez ceux-ci.

Trois combattants talibans montent la garde à un poste de contrôle
Des combattants talibans montent la garde à un poste de contrôle dans la ville de Farah, capitale de la province de Farah, dans le sud-ouest de l’Afghanistan, en août 2021. (AP Photo/Mohammad Asif Khan)

Que peut-on faire ?

L’ONU doit agir de manière décisive pour empêcher de nouvelles atrocités contre les femmes en Afghanistan.

Je propose à la communauté internationale quatre actions politiques destinées à instaurer une paix durable. Elles sont guidées par la résolution 1820 qui souligne l’importance d’inclure les femmes en tant que participantes égales au processus de paix et qui condamne toutes les formes de violence sexiste contre les populations civiles dans les conflits armés :

  1. Appeler à un cessez-le-feu immédiat pour garantir que le processus de paix puisse se poursuivre de bonne foi.

  2. Veiller à ce que les droits des femmes — inscrits dans la Constitution afghane, la législation nationale et le droit international — soient respectés.

  3. Insister pour que les négociations de paix aient lieu avec une participation significative des femmes afghanes. Actuellement, il n’y a que quatre femmes négociatrices pour la paix dans l’équipe du gouvernement afghan et aucune dans celle des talibans.

  4. Rendre la levée des sanctions contre les talibans conditionnelle à leur engagement à respecter les droits des femmes. L’Union européenne et les États-Unis, qui sont aujourd’hui les principaux donateurs de l’Afghanistan, doivent subordonner leur aide aux droits des femmes et à leur accès à l’éducation et à l’emploi.

Les femmes d’Afghanistan et de toute la région accueilleraient favorablement des efforts déployés par les Nations unies et la communauté internationale pour faire en sorte que les victimes de violences sexuelles bénéficient d’une protection au regard de la loi et d’un réel accès à la justice.

Il ne doit y avoir aucune impunité pour les actes de violence sexuelle dans le cadre d’une approche globale en vue de parvenir à une paix durable, à la justice et à la réconciliation nationale en Afghanistan.

This article was originally published in English

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