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Macron-Bayrou, l’union des marques fait la force

Emmanuel Macron et François Bayrou aux funérailles de l'ancien président de la FNSEA, le 24 février 2017, à Orléans. Jean-François Monier / AFP

La semaine dernière fut celle des alliances politiques. Venant de la gauche et du centre, deux rapprochements ont été opérés. D’un côté celui entre ELLV (Europe Écologie les Verts) et le PS, de l’autre entre le Modem et le mouvement En Marche ont été officialisés. Au vu des études d’opinion, l’alliance des seconds risque de marquer durablement la campagne électorale, voire l’élection elle-même.

Même en marketing politique, l’union fait la force, l’isolement ne contribue pas au dynamisme d’une conduite de campagne. Mais cette alliance permettra-t-elle vraiment au candidat déclaré, Emmanuel Macron, d’atteindre les sommets ? L’éclairage des sciences de gestion en matière d’alliance de marque est intéressant à appliquer à ce cas d’espèce. Le rapprochement sur le plan du marketing politique reste un classique à bien des égards, mais aussi unique d’un certain point de vue.

L’offre politique, une marque

Notre parti pris est de considérer, dans la lignée des derniers travaux en marketing politique, qu’une offre politique est une marque. Plusieurs auteurs ont déjà opéré ce rapprochement dans la littérature académique (Reeves et ali, 2006 ; Marcus et ali, 2010 ; Nielsen, 2015 ; Speed et ali, 2015). Partant du principe que toute offre dans le champ politique générait des valeurs et des représentations, un parti ou un acteur politique pouvait être assimilé conceptuellement à une marque.

De ce fait, certaines stratégies de rapprochement peuvent s’opérer entre ces marques. Cette tendance est très répandue dans le monde des affaires, on ne compte plus ces rapprochements entre telle ou telle marque. A titre d’exemple, dans le secteur agroalimentaire, l’alliance de Coca Cola et de Karl Lagerfeld. Dans le secteur automobile, la série limitée de la Fiat 500 Gucci ou de la Hyundai Prada en sont quelques illustrations. On encore dans le domaine du textile, l’accord entre Adidas et Good Year. Ces nombreux exemples montrent que cette pratique est monnaie courante. Généralement, l’opération de co-branding en marketing associe officiellement les deux marques qui restent nommées, aux yeux des cibles.

Une alliance hors norme

Qu’en est-il dans le champ du marketing politique ? A vrai dire, les alliances sont également monnaie courante. Dans un système politique basé sur le multipartisme, la recherche d’association est induite afin de remporter le pouvoir à l’issue du scrutin. Généralement et classiquement, les alliances sont réalisées entre partenaires du même bord politique. L’UDI avec Les Républicains, dans un autre temps, celui de l’Union de la gauche entre Parti socialiste et Parti communiste.

La nouveauté pour cette élection de 2017, avec l’alliance proposée par François Bayrou et Emmanuel Macron est qu’elle n’est pas d’origine commune idéologiquement parlant. Les deux protagonistes ont été ministres mais dans des gouvernements qui représentent des familles politiques qui se sont constamment opposées au cours de la Ve République. C’est donc là un phénomène original qui aura certainement des conséquences sur le système partisan en France.

Le co-branding permettra-t-il au centre d’exister électoralement ? La recherche d’une offre politique dénouée de tout sectarisme idéologique saura telle séduire la majorité du corps électoral français ? La clé est certainement à rechercher du côté de la notion de « fit ».

« Fit » or « not fit »

Une revue de la littérature sur le sujet des alliances de marque permet de comprendre que la réussite d’une telle opération de rapprochement repose sur la notion de « fit ». Ce « fit » est défini comme étant le sentiment que la cible visée considère comme logique ou non ce dit rapprochement (Thompson et Strutton, 2012). Autrement dit, pour l’électorat susceptible d’être en passe de voter pour Macron, cette alliance avec Bayrou paraît-elle saugrenue ou pourrait-elle y trouver une certaine cohérence ?

Les avantages de ce type d’alliance sont essentiellement de quatre genres, en marketing classique (Rueckert, Rao, Benavent, 1994). Le premier permet de renforcer la perception de la performance de l’offre : ici, le manque d’expérience reproché ici ou là à Macron viendrait à être corrigé par Bayrou. Le deuxième permet d’accentuer la différenciation avec les offres concurrentes : la candidature de Macron sortait de l’ordinaire, ce second aspect serait donc à être plus en retrait.

Le troisième concerne l’accès à de nouveaux segments de marché : ici, très clairement, Bayrou amène à Macron le centre droit qui pouvait à ce jour toujours être indécis et hésiter à apporter sa voix à Fillon. Enfin, le quatrième concerne l’efficacité opérationnelle : bien que le Modem soit une structure modeste, elle sera au service d’un mouvement En Marche encore plus jeune et plus immature qui donc bénéficiera de l’expérience de son nouvel allié.

La place enviée du second

Les premiers effets sur l’opinion sont réels. L’offre Macron sort renforcée (+3,5 points dans le sondage Ifop pour Paris Match dès le lendemain de l’annonce du rapprochement) au détriment de la droite. Rappelons que la place du second de ce premier tour, n’a jamais été autant disputée et malheur au troisième qui aura tout à perdre de cette compétition. Le grand perdant de cette association pourrait en effet être Fillon, qui décidément poursuit son chemin de croix.

L’originalité de cette alliance dans le champ du politique entre Bayrou et Macron tient dans le fait qu’il s’agit d’une association certes du centre mais qui vient des deux côtés de l’échiquier, gauche et droit. Cette rupture de la dichotomie ancestrale de la vie politique française saura-t-elle dépasser ce risque de « no fit » potentiellement ressenti par les électeurs ?

Tel est tout l’enjeu de cette alliance « new look » qui peut être voué à l’échec comme au contraire être l’amorce d’une redistribution totale du système politique français.

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