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Paludisme : deux vaccins révolutionnaires ont été mis au point, mais l'accès et le déploiement restent des obstacles majeurs

Une femme surveille un enfant atteint de paludisme dans un hôpital près d'Abidjan. SIA KAMBOU /Getty Images

_L'approbation de deux vaccins contre le paludisme - le vaccin RTS,S/AS01 en 2021 et le vaccin R21/Matrix-MTM en 2023 - permettra de contrôler et, à terme, d'éradiquer une maladie qui cause plus de 600 000 décès annuellement. Près de 2 millions d'enfants au Ghana, au Kenya et au Malawi ont été vaccinés avec le vaccin RTS,S/AS01. Il sera étendu à d'autres pays africains à partir du début de l'année prochaine.

_Le deuxième vaccin, R21/Matrix-MTM, approuvé par l'Organisation mondiale de la santé en octobre, sera prêt à être déployé à la mi-2024.

Rose Leke, lauréate du Prix Virchow 2023pour l'ensemble de son œuvre en faveur de la santé mondiale et figure de proue des protocoles vaccinaux, nous éclaire sur ces avancées.__

Pourquoi les vaccins sont-ils importants pour l'Afrique ?

Environ 40 millions d'enfants nés chaque année dans les régions d'Afrique touchées par le paludisme pourraient bénéficier d'un vaccin.

Le vaccin RTS,S/AS01 réduit les décès dus au paludisme de 30 % et est particulièrement important pour les enfants, qui sont les plus exposés au risque de paludisme. Si 100 enfants peuvent mourir de paludisme grave, on pourrait en sauver 30.

Les mères qui ont fait vacciner leurs enfants au cours de la phase pilote ont exprimé leur reconnaissance pour le vaccin car il a empêché la mort de leurs enfants de paludisme grave.

Le deuxième vaccin, R21/Matrix-M, est très efficace car il réduit les cas de paludisme de 75 %. Des centaines de millions de doses de ce vaccin peuvent être produites chaque année.

Il sera prêt à être déployé dès la mi-2024.

Ces deux vaccins sont de nouveaux outils, mais ils doivent être utilisés en complément avec les autres mesures dont nous disposons pour lutter contre le paludisme. Il s'agit notamment des moustiquaires et de l'administration d'antipaludiques aux enfants les plus exposés au risque de paludisme à des moments précis de l'année.

Si on ajoute le vaccin à ces mesures de manière efficace, on pourra progresser davantage vers l'élimination du paludisme.

Comment toutes les communautés peuvent-elles en bénéficier ?

Il y a une forte demande de vaccins antipaludiques, estimée entre 40 et 60 millions de doses pour la seule année 2026.

Gavi, l'Alliance du vaccin, a donné son feu vert au Bénin, à la République démocratique du Congo et à l'Ouganda parmi les 12 pays d'Afrique qui recevront les premières doses du vaccin. Ils se verront attribuer un total de 18 millions de vaccins pour la période allant jusqu'à 2025.

Gavi est une organisation internationale créée en 2000 pour améliorer l'accès aux vaccins nouveaux et sous-utilisés pour les enfants vivant dans les pays les plus pauvres du monde.

Comme on peut le constater, la demande a été beaucoup plus importante que l'offre. Lorsque nous n'avions qu'un seul vaccin, le RTS/S, les quantités étaient limitées et l'OMS a dû développer un cadre équitable pour la distribution des doses limitées.

Les pays ont été classés par catégories. Ceux de la catégorie 1 étaient les plus nécessiteux et les premiers à être vaccinés.

Cela me préoccupait un peu. Si quelqu'un venait dans mon pays, pour administrer des vaccins dans un village de catégorie 1 et qu'à 20 km de là, dans un village de catégorie 2, un enfant ne pouvait pas être vacciné, cela poserait un problème sur le plan social et même politique.

J'étais coprésident du groupe d'experts de l'OMS chargé d'étudier la question. Nous avons passé beaucoup de temps sur l'élaboration du cadre, en essayant de déterminer qui reçoit le vaccin et qui ne le reçoit pas.

Voici les principes que nous avons suivis :

  • Les zones où les besoins sont les plus importants : là où la charge de morbidité due au paludisme est la plus élevée chez les enfants et où le risque de décès est le plus élevé.

  • Là où l'impact attendu sur la santé est le plus important : là où le plus grand nombre de vies peuvent être sauvées avec les doses limitées disponibles.

  • Les pays qui se sont engagés à faire preuve d'équité dans leurs programmes de vaccination.

L'un des critères était qu'une fois le nouveau vaccin était introduit par les services de santé publique de routine dans une région donnée, l'accès continu et durable devait être maintenu.

Pourquoi la fabrication locale est-elle si importante ?

Pendant le COVID, nous avons constaté que l'Afrique était en queue de peloton. Le meilleur moyen de garantir l'approvisionnement est de le fabriquer soi-même.

C'est pourquoi la fabrication de vaccins en Afrique est l'une des principales priorités des Centres africains de contrôle des maladies.

J'espère que de mon vivant, je verrai certains de ces vaccins produits sur le continent.

Tous les gens ne veulent pas être vaccinés, n'est-ce pas ?

D'après mon expérience en Afrique, la couverture vaccinale de routine est encore assez faible. Nous allons maintenant ajouter ce nouveau vaccin contre le paludisme. Si les taux de vaccination sont faibles, nous n'obtiendrons jamais l'impact souhaité.

Nous devons donc toujours encourager les mères à faire vacciner leurs enfants, et il faut vraiment mettre fin à l’hésitation vaccinale.

Il y a la croyance que ces vaccins étrangers vont tuer les enfants. Mais que n'avons-nous pas importé ? Le lait ? Le savon ? Les sardines ?

Pourquoi ces théories ne concernent-elles que les vaccins ?

Les vaccins ont été tellement efficaces et l'impact sur le continent africain a été tellement important.

La plupart d'entre nous, même vous et moi, aurions pu disparaître sans les vaccins. Nous devons informer les gens pour qu'ils se débarrassent de cette réticence à l'égard des vaccins qui existe sur tout le continent.

Cet article fait partie d'un partenariat médiatique entre The Conversation Africa et la Conférence 2023 sur la santé publique en Afrique.

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