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Pays « submergents » ? L’endettement périlleux des pays émergents

L'ère des pays émergents pourrait se conclure avant même d'avoir véritablement commencé. Agência Brasil, CC BY

Au cours des trois dernières décennies, l’intérêt mondial pour l’économie des « pays émergents » a grimpé en flèche. Lors de la crise financière de 2008, les experts ont estimé à maintes reprises que les marchés émergents seraient le prochain moteur de la croissance mondiale.

De façon générale, les pays émergents se sont conformés à cet espoir des investisseurs ; mais dans leur imitation économique des modèles des pays développés, ils ont aussi adopté un aspect très négatif : l’endettement sévère de leurs grandes entreprises. Les sociétés géantes de ces pays ont émis une quantité énorme d’obligations.

Les marchés émergents sont maintenant plus criblés de dettes que jamais, mais plus particulièrement, c’est la dette assumée par leurs plus grandes entreprises qui a gonflé à des niveaux imprévus.

Cette dérive pèse lourd dans la finance mondiale : en 2014 les obligations des entreprises des marchés émergents ont représenté plus de 1,6 milliard de dollars.

En 2016, la volatilité des bourses mondiales a affolé les investisseurs partout dans le monde, mais dans les pays émergents les bourses ont connu un déclin encore plus effréné que dans la dernière crise financière asiatique de 1997, ce qui a suscité de vives inquiétudes chez les investisseurs.

La proportion de la dette des marchés émergents engagée par des sociétés plutôt que par des gouvernements souverains a augmenté à un rythme étonnant de plus de 25 % par an. Par comparaison, l’ensemble des obligations souveraines (gouvernementales) des pays émergents n’a augmenté que de 10 %. En conséquence, bien que la composante de dette des entreprises n’était que de 15 % du total en 1998, en 2014 elle avait gonflé à plus de 70 % de la dette totale des pays émergents.

Plusieurs facteurs ont propulsé cet endettement de façon spectaculaire. Premièrement, la politique monétaire des pays développés a été très lâche, avec des taux d’intérêt extrêmement bas, ce qui forçait les banques centrales des pays émergents à réagir avec une politique monétaire aussi lâche, afin de minimiser la tendance d’appréciation de leurs monnaies. Deuxièmement, la politique monétaire accommodante dans les pays développés a conduit les investisseurs à placer de l’argent sur les marchés émergents dans la recherche de rendements élevés.

Pays « submergents » ?

La situation actuelle provoque des craintes importantes chez les investisseurs : en adoptant les pratiques négatives en parallèle avec les positives – c’est-à-dire l’accroissement de la dette en parallèle avec les meilleures pratiques du commerce mondial – les nouvelles entreprises du marché sont extrêmement vulnérables aux fuites de capitaux. Cette situation est aggravée par la Réserve fédérale lorsqu’elle augmente les taux d’intérêt américains.

Les firmes des marchés émergents ne peuvent pas courir les mêmes risques de bilan que celles des marchés développés. Elles doivent donc commencer à exercer une plus grande prudence vis-à-vis de leurs bilans.

Les principales mesures à mettre en œuvre pour limiter les risques sont d’une part la surveillance des entreprises vulnérables et d’importance systémique, d’autre part l’amélioration de la transparence des données sur les finances du secteur des entreprises en se tournant vers les politiques macro- et micro-prudentielles et enfin la réforme des régimes d’insolvabilité.

Les économistes un peu plus pessimistes disent que les crises des bourses de cette année peuvent engendrer la « troisième vague » de la crise économique de 2008 (suivant les vagues américains et européens) et que l’ère des pays émergents pourrait se conclure avant même d’avoir véritablement commencé.

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