En France, la contrefaçon est un risque qui touche les entreprises de différentes tailles et secteurs. Le constat est assez alarmant : une entreprise sur deux et une PME (petites et moyennes entreprises) sur trois est victime de contrefaçon chaque année. De nombreuses conséquences peuvent en résulter : une perte de chiffre d’affaires ou des parts de marché à l’international, une influence sur la capacité d’innovation de l’entreprise, ou encore la création de confusion chez le consommateur.
Ces risques sont aujourd’hui multipliés car les entreprises recourent de plus en plus à la sous-traitance à l’international pour maîtriser leurs charges fixes ou simplement pour se concentrer sur leur cœur de métier. Or, il arrive souvent que de nombreux sous-traitants missionnés, sous-traitent à leur tour une partie des travaux à une seconde entreprise, laquelle va elle-même sous-traiter une partie à une tierce entreprise, etc. Ce mouvement qualifié de « sous-traitance en cascade » engendre alors une complexification du contrôle de la chaîne de valeur, et peut expliquer une partie de la contrefaçon.
Pour la PME, la situation devient compliquée car d’une part, les ressources relativement limitées des PME ne facilitent pas le contrôle des sous-traitants et de leurs sous-traitants, et d’autre part, elles ne permettent pas à l’entreprise de remonter toute la chaîne de production pour identifier la source de la contrefaçon.
Par exemple, la PME Atol, spécialisée dans l’optique, fabriquait l’intégralité de ses montures de lunettes en Chine et réalisait l’assemblage verres-monture en Thaïlande. Elle a décidé depuis 2005 de relocaliser ses activités en France après de nombreuses déceptions relatives aux défauts de fabrication asiatiques, de la hausse des coûts de transports, mais aussi des problèmes de contrefaçon qui ont porté préjudice à la marque.
Nous avons mené une recherche sur l’étude du risque de contrefaçon pour les PME innovantes à l’international dans le cadre spécifique de leur activité de sous-traitance industrielle internationale en s’intéressant à des PME de la région Auvergne-Rhône Alpes et Franche-Comté. Nous pouvons dès lors, dégager une série de six grands principes qui permettent d’aider les entreprises à anticiper et gérer le risque de contrefaçon.
1. Créer un portefeuille de propriété industrielle
Sans titre de propriété industrielle (PI), il n’est pas possible de mener une action contre la contrefaçon et de réclamer son droit. Le dépôt d’un brevet par exemple, reste certes très coûteux pour une PME, d’autant qu’il faudra encore dépenser de l’argent pour le défendre, mais indispensable sur les innovations les plus stratégiques pour l’entreprise.
Dans les pays « sensibles » en matière de contrefaçon, comme la Chine, il est conseillé de déposer au moins une marque et de bien s’armer avec tous types de protection. À titre d’exemple, chez une PME que nous avons étudiée de 140 personnes, spécialisée dans les composantes électriques, ne seront brevetées que les innovations à intérêt stratégique et qui seront intégrées dans l’activité à long terme de l’entreprise : soit « une » innovation sur « une soixantaine » !
2. Utiliser un dispositif technologique de sécurité
Afin de renforcer le dépôt des titres PI, il sera efficace d’ajouter un petit système de sécurité sur son produit, utilisant des technologies de marquage et de traçabilité (étiquettes, code-barres, QR code, etc.) : par exemple, un QR Code à prendre en photo ou un code à saisir sur son téléphone, permettant de vérifier, avant l’achat, que le produit n’est pas contrefait. Pour certains produits, ces outils sont envisageables plus que d’autres. L’intérêt est avant tout, d’évaluer l’intérêt stratégique de l’opération et le rapport « coût et retour sur investissement ».
3. Intégrer le risque de contrefaçon dans le choix du pays visé
Savoir si, dans un pays donné, la propriété intellectuelle est respectée ou non, est un critère pour choisir ses débouchés commerciaux et ses sources d’approvisionnement. Avant de se lancer à l’international, il faut recueillir un maximum d’informations sur le pays visé pour évaluer le risque potentiel de contrefaçon pour le type de produit que l’on vend, et adapter sa stratégie de protection en conséquence.
Il faut tenir compte des différences culturelles : dans certaines régions du monde, comme la Chine, la contrefaçon reste bien tolérée. Il peut être utile de bénéficier de conseils spécialisés sur certains marchés et de consulter les statistiques en la matière.
4. Être vigilant sur le choix du partenaire local
Le choix du partenaire local est crucial. S’il est fiable, il sera une aide précieuse pour franchir les barrières de la langue et de la culture, donner un vrai pouvoir de dissuasion et faire la police le cas échéant. Mais si c’est une personne malhonnête, il peut être au contraire une grande source d’ennuis.
Les contrats ne constituent pas une garantie suffisante car ils ne sont pas toujours – malheureusement – respectés. En la matière, il est conseillé de signer, plutôt que des « Non-disclosure agreements » (NDA), qui imposent non seulement de ne pas divulguer l’information mais aussi de ne pas l’utiliser à des fins de concurrence, ce qui permet d’avoir une base juridique plus sérieuse.
Au minimum, un contrôle de réputation, mené sur l’entreprise et sur son dirigeant, s’impose avant d’accorder sa confiance ; il s’agit de regarder si le partenaire potentiel n’a pas déjà été impliqué dans des affaires juridiques de contrefaçon. Par exemple, entre son sous-traitant roumain et un autre Chinois, une PME de 140 personnes qui produit des biens d’équipement industriels, modélisera sa stratégie en fonction de l’éventualité du risque qu’elle évalue chez son partenaire. L’anticipation et le dépôt de brevet ne constituent pas les fondements de sa logique de protection.
5. Mettre en place un dispositif de veille
Lorsque l’on est engagé à l’international, on a intérêt à mettre en place un système de veille sur la contrefaçon : une veille « cible » sur le pays visé et une veille « radar » au niveau international pour surveiller le marché, ne serait-ce que sur Internet. Dans cette optique, il est également utile de faire partie d’associations qui travaillent sur la contrefaçon dans son secteur.
6. Installer des bonnes pratiques
Innover et renouveler fréquemment ses offres est également un bon moyen de se protéger contre la copie. Et si l’on n’a pas d’innovation technologique sous la main, on peut toujours modifier le design ou le packaging de ses produits. Il ne faut pas non plus hésiter à communiquer sur la contrefaçon, en interne pour installer une forme de vigilance, et même, si besoin, à destination de ses clients, en leur expliquant comment distinguer des produits contrefaits des originaux, comme le font des entreprises comme Seb ou STIHL.
Être vigilant sur le transfert de connaissance et la protection de ses prototypes – dans le cas par exemple de la sous-traitance, mais aussi avec les stagiaires et les collaborateurs en interne, bien contrôler les déperditions et les non-conformités, mettre en place une organisation claire et dédiée pour traiter ce sujet sont autant de bonnes pratiques à recommander.