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Pourquoi les universités ouvrent des campus à l’international (1)

Le succès n'est pas toujours au rendez vous, alors pourquoi continuer à établir des campus à l'étranger ? www.shutterstock.com.au

Tous les sites de The Conversation ont travaillé à une série d’articles sur la l’internationalisation de l’enseignement supérieur, afin d’examiner comment les universités s’adaptent à une nouvelle réalité. Voici le premier de trois articles sélectionnés.

Établir un campus international à l’étranger est l’un des plus grands risques que peut prendre une université, tant sur le plan financier qu’au niveau de sa réputation. Ces campus sont généralement loin de la maison mère, dans un environnement et dans un pays lointain et ils génèrent rarement des revenus importants ou même de grandes récompenses académiques.

Au moins 31 campus internationaux ont échoué. Certains ont échoué lamentablement, financièrement, académiquement, ou les deux, provoquant souvent un embarras considérable auprès de l’université qui les parraine.

Pourtant, il y a aujourd’hui près de 233 campus internationaux. Dans le monde entier, 13 nouveaux campus internationaux apparaissent en moyenne chaque année et il en est déjà prévu au moins 23 de plus.

Ceci est sans compter les opérations à l’international des institutions privées. Il y a, par exemple, 80 Laureate International Universities dans 28 pays, qui font toutes partie du réseau international mis en place par la société Laureate Education de Baltimore. L’institut SAE compte de son côté 54 campus dans 26 pays.

Mais pourquoi donc les universités se développent-elles à l’étranger et avec quelles perspectives de succès ?

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Un motif évident pour se lancer dans l’aventure d’un campus à l’étranger est la perception d’aides substantielles. Dans un rapport de 2012 sur les données et les développements de campus délocalisés, environ 60 campus – 30 % des 200 qui ont répondu aux questions – ont dit avoir reçu un soutien financier de la part du pays d’accueil.

Ce soutien peut prendre la forme d’une subvention importante en liquide ou de la mise à dispositions de terrains, sans compter de nombreux allègements fiscaux.

Au moins 31 campus internationaux ont échoué. AAP

Malgré cela, certaines universités qui ont reçu des subventions se portant à des dizaines de millions de dollars ont fermé leur branche internationale après quelques années parce qu’elles ne pouvaient pas attirer suffisamment d’étudiants pour couvrir leurs frais de fonctionnement, entre autres raisons.

Sur les 233 campus internationaux répertoriés sur le site web de l’équipe de recherche transfrontalière de l’Université d’État de New York à Albany, les chiffres d’inscription de 94 campus ont pu être analysés. L’inscription moyenne sur ces campus était de seulement 500 élèves, malgré le fait qu’ils existaient tous depuis une dizaine d’années. De tels campus avec des effectifs si modestes sont peu susceptibles de générer beaucoup de revenus, encore moins un bénéfice pour l’université mère.

Un rapport sur la valeur de l’éducation transnationale estime qu’en 2012-13 le revenu brut global des campus internationaux mis en place par les universités britanniques était d’environ 140 millions de livres (219 millions de dollars). Cela représente seulement 3 % du chiffre d’affaires généré par les activités internationales de ces mêmes universités.

Le rapport précise que les campus à l’étranger ne reversent que de faibles dividendes à leurs universités. Peut-être parce que ces campus génèrent peu de bénéfices, parce qu’ils ont des contrats avec des partenaires qui absorbent une grande partie de tout excédent, ou du fait des restrictions sur le rapatriement de bénéfices établies par les pays hôtes.

Internationalisation

Beaucoup d’universités bâtissent néanmoins des campus à l’étranger comme une extension de leur stratégie d’internationalisation. Elles ont généralement commencé par l’inscription d’étudiants étrangers sur leur campus d’origine, notamment pour augmenter leurs recettes. Mais alors que ces inscriptions ont commencé à croître et au fur et à mesure que l’université s’est familiarisée avec l’éducation internationale et ses multiples avantages, certains établissements ont décidé d’offrir des programmes avec des partenaires internationaux, avant de développer leurs propres structures à l’étranger, souvent encore en collaboration avec une institution locale.

Prestige

Les universités publiques ont aussi besoin d’établir leur réputation et un autre motif pour établir des campus internationaux est de renforcer leur prestige.

Les campus internationaux renforcent le prestige des universités. Shutterstock

Dans une enquête sur les universités avec des campus internationaux, l’un des “principaux moteurs” était “le prestige, soit la visibilité en tant qu’institution internationale avec des ambitions mondiales”. Peut-être certains membres de la direction de ces universités cherchent-ils aussi à émuler les multinationales.

Perspectives

Les informations sur les campus internationaux sont souvent contradictoires, entre expansion et récession, souvent dans la même année. Tout cela sûrement parce que ces campus prennent beaucoup de temps à se mettre en place, à s’établir et encore plus de temps à connaître le succès.

Les écrits académiques sont beaucoup plus sceptiques, sinon critiques de ces filiales à l’étranger. Une étude observe que ces campus se multiplient partout dans le monde, comme des champignons après une pluie abondante. Et l’auteur affirme : beaucoup de ces champignons n’ont qu’une durée de vie limitée et quelques-uns pourraient être toxiques.

Une autre étude examine les raisons de l’échec des campus internationaux. Elle souligne que le faible nombre d’inscriptions est souvent dû à une mauvaise appréciation de la demande étudiante dans le pays hôte, mais aussi à une mauvaise analyse du nombre d’étudiants et du niveau de l’enseignement secondaire local. Sans compter la maîtrise de l’anglais et la capacité ou la volonté du marché d’accueil à payer des frais de scolarité élevés.

Certaines branches internationales auraient échoué parce qu’elles n’ont pas su adapter leurs programmes au contexte local, ou parce que le personnel d’accueil du campus n’était pas suffisamment flexible. D’autres arrivent dans des pays où il y a déjà saturation et où les projections financières ne sont pas légitimes.

Les campus internationaux peuvent échouer à cause de préjugés erronés sur le pays d’accueil. PAA

Les auteurs notent aussi un problème quant à l’identité de la filiale internationale. Dans le pays hôte, les futurs étudiants, leurs parents, les gouvernements et d’autres groupes d’intérêt veulent un campus qui porte le nom de l’université d’origine afin de partager un grand nombre des caractéristiques de cette université.

Pourtant, c’est en contradiction avec la nécessité pour le campus international de s’adapter aux conditions locales, avec des revenus souvent beaucoup plus faibles provenant des frais de scolarité, des financements du gouvernement, des subventions de recherche, du soutien de l’industrie, de consultants et d’autres sources.

Ceci est lié à la question centrale de l’intégration. À savoir dans quelle mesure la filiale internationale doit être intégrée à l’université d’origineou dans quelle mesure elle doit bénéficier directement de fonctions de base telles que la dotation en personnel, les finances, l’assurance qualité, les communications électroniques et la bibliothèque.

Les universités avec des campus internationaux reconnus sont l’université de Nottingham dont le campus à Ningbo (Chine) compte 5 500 étudiants et le campus en Malaisie 4 500 étudiants ; l’université de Liverpool dont le campus conjoint avec l’université Jiaotong de Xi’an compte 7 400 élèves ; l’Université RMIT (Melbourne) dont le campus au Vietnam compte 6 838 étudiants ; l’Université Monash dont le campus en Malaisie(http://www.monash.edu/about/who/glance) compte 6 757 étudiants.

Le site spécialiséde l’équipe de recherche transfrontalière de l’université d’État de New York à Albany répertoire également 15 campus internationaux pour les institutions françaises. Les deux établissements qui disposent du plus grand nombre de campus à l’étranger (six au total) sont une école de commerce, l’ESCP Europe (six campus au total) et une école des arts et techniques, l’ESMOD (cinq campus).

Les établissements français comptent notamment six campus en Europe, trois aux Emirats arabes unis et trois en Asie du Sud est.

Chacun de ces établissements a une forte proportion d’étudiants internationaux inscrits au campus d’origine et a adopté très vite une vaste stratégie d’internationalisation.

Une occasion manquée ?

La plupart de ces campus internationaux sont établis dans des pays à bas salaires par des universités qui résident dans les pays où les salaires sont élevés. Il semble donc y avoir des possibilités d’étendre l’internationalisation et de couvrir, sinon sauver, les coûts d’implantation en transférant les principaux services de main-d’œuvre vers l’économie locale.

Mais je n’ai trouvé aucune indication qu’une université a tenté cette option, même si la délocalisation est pratique commune dans de nombreux secteurs tels que les services légaux.

Beaucoup de campus délocalisés sont situés dans un fuseau horaire différent du campus d’origine, et établir des services d’assistance à la fois dans le pays d’origine et dans le campus international permettrait à une université d’offrir aux étudiants et aux enseignants un soutien quasi ininterrompu.

La version originale de cet article a été publiée en anglais.

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