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sportifs qui dorment
Peut-on apprendre à dormir pour améliorer ses performances et sa récupération? Master1305, Shutterstock

Sommeil et performance : les secrets des athlètes de haut niveau

Chers sportifs, que vous soyez en préparation pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ou amateurs, avez-vous déjà entendu parler d’une méthode si efficace qu’elle vous permette en à peine cinq semaines de diminuer votre temps de réaction, d’améliorer votre vitesse en sprint, vos habiletés techniques de 9 %, le tout en améliorant votre vigueur et en diminuant votre niveau de fatigue ?

Si cela semble trop beau pour être vrai, c’est pourtant ce qu’ont observé des chercheurs de Stanford en proposant à des basketteurs universitaires américains de… passer plus de temps au lit.

Les « heureux » sujets de l’expérimentation avaient en effet pour consigne de passer un minimum de 10 heures au lit chaque nuit durant cinq à sept semaines. Leur durée de sommeil effectif au cours de la nuit, évaluée au moyen d’une montre actimètre, passait en moyenne de 6h40 au début de l’expérience à 8h30 au cours de la phase d’extension de sommeil. Avec pour conséquence de multiples retombées positives sur leur performance et leur niveau de bien-être.

D’autres études ont montré l’intérêt d’une telle stratégie d’extension de sommeil sur la performance en natation ou encore sur la performance psychomotrice et le niveau de vigilance.

Le sommeil des sportifs de haut niveau fait aujourd’hui l’objet d’une attention de plus en plus grande au sein des centres d’entraînement sportif de par le monde. Si être un bon dormeur ne fait pas forcément gagner, mal dormir peut par contre être préjudiciable à la performance, d’autant plus dans un contexte de très haute performance où la différence entre les meilleurs est infime.

Un sommeil insuffisant, que ce soit d’un point de vue quantitatif ou qualitatif, impacte plusieurs déterminants de la performance sportive et de la récupération : la vitesse de resynthèse des stocks de glycogène musculaire est ralentie, tout comme celle de cicatrisation des dommages musculaires induits par la pratique, le risque de blessure est éventuellement majoré.

sportif équipé de capteurs
Pour étudier les phases du sommeil, on utilise un dispositif de polysomnographie avec mesure de l’activité cérébrale (électroencéphalographie), oculaire (électro-oculographie), musculaire (électromyographie), cardiaque (électrocardiographie) et respiratoire. Mathieu Nédélec, Fourni par l'auteur

Ainsi, à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la performance (INSEP), nous avons passé au crible le sommeil de près de 800 sportifs et sportives de haut niveau français issus d’une trentaine de disciplines olympiques. Et nos résultats tendent à montrer que la quantité et la qualité de sommeil de certains sportifs sont insuffisantes, en particulier dans certaines disciplines telles que la natation qui se caractérise par des entraînements parfois très matinaux.

Une bonne quantité de sommeil, c’est entre 7 et 9 heures de sommeil par nuit selon les recommandations de la National Sleep Foundation. Et même davantage – entre 9 et 10 heures – pour les sportifs engagés dans des disciplines d’endurance et qui cumulent jusque 35 à 40 heures d’entraînement par semaine. Roger Federer vantait régulièrement les bénéfices d’une bonne nuit de sommeil lors de ses conférences de presse, lui qui déclarait avoir besoin de ses 11 à 12 heures de sommeil quotidiennes.

Une bonne nuit de sommeil permet de récupérer d’un jour d’entraînement à l’autre, si bien que le sommeil est reconnu aujourd’hui comme l’une des méthodes de récupération de référence. Au cours d’une nuit de sommeil, composée de différents stades de sommeil (stades N1, N2, N3, et Rapid Eye Movement – REM), l’activité métabolique de l’organisme est à son plus faible niveau (respiration ralentie, fréquence cardiaque ralentie, flux sanguin cérébral réduit) tandis que la sécrétion de l’hormone de croissance via l’hypophyse (en stade N3) permet la récupération physiologique. Les apprentissages moteurs ainsi que la mémorisation des gestes sont associés au sommeil lent profond, au sommeil paradoxal et aux fuseaux de sommeil, ce qui se traduit par une plasticité cérébrale de niveau systémique au cours de la nuit, incluant notamment une augmentation de l’activité du cortex moteur primaire.

Évaluer la qualité du sommeil

La qualité du sommeil s’apprécie de diverses façons, par exemple par l’« efficacité de sommeil », qui est le ratio entre le temps total de sommeil et le temps passé au lit. Un sommeil est jugé suffisamment récupérateur si vous convertissez plus de 85 % du temps passé au lit en sommeil effectif.

Des méthodes d’enregistrement plus poussées telles que la polysomnographie permettent d’accéder à l’architecture de sommeil et s’assurer du bon enchaînement des stades de sommeil au cours de la nuit.

Un « hypnogramme » permet de visualiser l’enchaînement des différents stades de sommeil au cours de la nuit. Mathieu Nédelec, Fourni par l'auteur

La qualité du sommeil peut ainsi s’apprécier par la continuité du sommeil, ou encore la proportion de sommeil lent profond (N3 sur l’hypnogramme) au cours de la nuit. Le sommeil lent profond est principalement présent en début de nuit, et fondamental pour la récupération physique du sportif.

Un sommeil variable

Lorsque nous considérons les milliers de nuits que nous avons enregistrées, l’une des particularités du sommeil est qu’il est éminemment variable, d’un sportif à l’autre mais aussi pour un même sportif d’une nuit de sommeil à l’autre et tout au long de la saison.

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Afin d’appréhender de manière holistique l’ensemble des facteurs de stress susceptibles de perturber le sommeil, un collectif d’experts propose de considérer premièrement les facteurs sportifs (en bleu sur la figure) : la charge d’entraînement qui peut fragiliser le sommeil, les voyages avec décalage horaire ou encore l’anxiété avant une compétition importante telle que la finale des Jeux olympiques.

Mais chaque sportif de haut niveau est avant tout un homme ou une femme en proie à diverses croyances et attitudes personnelles autour du sommeil, à l’utilisation excessive des écrans ou encore aux contraintes scolaires ou professionnelles. Ce sont autant de facteurs non spécifiques au sport (en vert sur la figure).

Des facteurs liés au sport et non liés au sport peuvent perturber le sommeil des sportifs. Traduit d’une étude de l’auteur (Walsh et collaborateurs, British Journal of Sports Medecine, 2021), Fourni par l'auteur

Des stratégies pour soigner son sommeil

La bonne prise en compte de l’ensemble de ces facteurs permet d’accompagner au mieux chaque sportif dans sa singularité. Au cours des dernières années, en prévision notamment des Jeux olympiques de Paris 2024, nous avons développé et validé un ensemble de stratégies d’hygiène de sommeil.

La première stratégie concerne l’optimisation de l’environnement de sommeil et notamment la literie. Ainsi, nous avons montré l’intérêt d’utiliser un surmatelas à haute capacité thermique sur le sommeil de joueurs de rugby à l’issue d’un match. Un tel surmatelas favorise les échanges thermiques au cours de la nuit et diminue la température centrale nocturne de manière plus importante qu’un matelas classique. Un effet qui pourrait aussi être bien utile pour préserver sa qualité de sommeil en période de canicule…

Une autre manière de refroidir l’organisme consiste à réaliser un bain froid, une stratégie de récupération largement utilisée par les sportifs sur le terrain. Une étude menée à l’INSEP avec des athlètes a montré qu’un protocole original, à savoir une immersion de l’intégralité du corps – tête comprise –, permettait d’augmenter la profondeur du sommeil et assurait une meilleure continuité du sommeil avec moins de microéveils au cours de la nuit, comparativement à une immersion partielle du corps.

Enfin, nous proposons aussi des programmes d’éducation au sommeil auprès des sportifs au cours desquels nous leur distillons de précieux conseils afin de prendre soin de leur sommeil nocturne et de compenser éventuellement un manque de sommeil par des siestes judicieusement placées au cours de la journée.

Les applications pratiques des recherches que nous menons avec les sportifs de haut niveau ont bel et bien un intérêt aussi pour l’ensemble de la population, en particulier dans nos sociétés occidentales qui manquent cruellement de sommeil.


Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

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