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Theresa May : victoire partielle à Londres mais mission impossible à Bruxelles

Theresa May, le 13 décembre, à Bruxelles, avec ses pairs européens. Emmanuel Dunand / AFP

Après une journée dramatique à Londres, le jeudi 12 décembre, où Theresa May a survécu à une tentative de remplacement à la tête du parti conservateur, la première ministre britannique essaie encore une fois de sauver son accord avec l’Union européenne.

L’avenir de Theresa May en tant que première ministre du Royaume-Uni est assuré - du moins, pour le moment. Mais sa victoire est loin d’être à la hauteur du soutien dont elle a besoin. 200 députés conservateurs de la Chambre des Communes ont exprimé leur confiance en Theresa May en tant que chef du parti, contre 117. L’anticipation d’une forte opposition - un tiers de ses députés - l’a obligé à promettre, avant le vote, qu’elle démissionnerait avant les prochaines élections législatives (normalement en 2022).

Néanmoins, malgré sa victoire partielle, le seul objectif de son mandat - achever le processus du Brexit - reste un problème sans solution. Le vote obligatoire du Parlement sur le texte de l’accord et sur la déclaration politique concernant l’avenir des relations entre l’UE et le Royaume-Uni avait été annulé la veille du vote (mardi 11 décembre). Il a été finalement repoussé à la mi-janvier.

Des « clarifications » possible mais pas de nouvelles négociations

Pour tenter d’amadouer l’aile la plus europhobe de son parti, Theresa May a promis de renégocier la disposition la plus controversée de l’accord : le « backstop » entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Cette article affirme que si l’UE et le Royaume-Uni ne parviennent pas à conclure un accord de libre-échange dans un avenir proche, l’Irlande du Nord restera dans l’union douanière de l’UE, afin de maintenir les relations commerciales transfrontalières en Irlande.

Pour certains, dont le mouvement pro-Brexit Parti unioniste démocrate (DUP) de l’Irlande du Nord, lequel assure la faible majorité de May au Parlement, cette disposition est inacceptable. D’autres demandent une disposition facultative dans l’accord qui permettrait que le Royaume-Uni puisse éventuellement l’annuler unilatéralement. D’un point de vue juridique, cette position est illogique, et donc impossible à réaliser.

Il est clair que ni les institutions européennes ni les États membres ne souhaitent relancer les négociations. Michel Barnier, Jean‑Claude Juncker, Donald Tusk, Guy Verhofstadt et la quasi-totalité des chefs des gouvernements des 27 affirment que les textes actuels sont définitifs. Seules des « clarifications politiques » sur certains termes et dispositions seront possibles. Une impasse, donc.

Theresa May exclut tout nouveau référendum

La première ministre semble attendre le dernier moment, et la peur des effets catastrophiques d’une sortie sans accord - surtout au sein des pays voisins tels que la France, les Etats du Benelux et l’Allemagne - pour que l’UE soit prête a recommencer des négociations afin d’obtenir un accord plus favorable. Mais il s’agit là d’un jeu très dangereux.

Selon le traité (article 50), le Royaume-Uni va quitter l’UE le 29 mars 2019 – avec ou sans un accord de départ. Il y a deux exceptions possibles : le Royaume-Uni peut demander de repousser la date de départ (avec l’accord des 27 à l’unanimité). Cela serait nécessaire afin d’organiser un deuxième référendum.

L’autre exception consiste à retirer unilatéralement sa notification de quitter l’UE. Cette dernière possibilité a été confirme par la Cour de justice cette semaine (l’arrêt Wightman), suite à une demande de six députés nationaux et européens de l’Ecosse du Parti nationaliste écossais (SNP), du parti des Verts et du parti des travaillistes (Labour).

Mais Theresa May a exclu de recourir à ces deux exceptions, et notamment à la possibilité d’organiser un deuxième référendum. Selon elle, « la volonté du peuple », c’est-à-dire 52 % de l’électorat qui a voté pour le Brexit il y a deux ans, doit être respectée absolument.

En quête de quelques miettes

Afin de satisfaire son parti et d’essayer d’obtenir une majorité parlementaire suffisante, elle essaie actuellement d’obtenir l’impossible. Dans un sens, ses nouvelles discussions prévues à Bruxelles montrent que la première ministre s’inscrit dans une tradition toute britannique, celle d’obtenir encore et toujours des exceptions au sein de l’UE : sur l’euro, l’espace Schengen, le budget.

Mais cette fois, l’UE a montré qu’elle défendra ses intérêts et les intérêts de ces États membres, notamment ceux de l’Irlande. Theresa May est en train de découvrir que « l’exceptionnalisme » britannique ne fonctionne pas de la même façon lorsque le Royaume-Uni sort du club.

Lundi dernier, le quotidien conservateur The Times a convoqué la mémoire de Margaret Thatcher et de son sac à main, le célèbre « Handbagging ». Autrement dit, la technique fameuse de « Miss Maggie » employée pour forcer les autres à se soumettre à ses idées. Mais Theresa May ne dispose ni du soutien du Parlement à Londres, ni d’un tiers des députés au sein de son propre parti, sans parler de celui de ses homologues des Vingt-sept.

Elle est de fait en quête de quelques miettes pour tenter de sauver son accord et le Brexit - sans autorité, sans soutien et face à l’exaspération ailleurs en Europe. Le cauchemar de Theresa May va se poursuivre pendant cette période de Noël.

This article was originally published in English

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