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Un an après Charlie, les Français en quête de renouveau

Décimée par l'attaque du 7 janvier 2015, l'équipe survivante de « Charlie Hebdo » ne cède rien. Jacques Demarthon/AFP

2015 a été une année rude pour les Français. Les attaques sur les locaux de Charlie Hebdo en janvier, les attentats du 13 novembre, et le succès du Front national en décembre, lors des régionales, ont secoué un pays qui, depuis longtemps, est englué dans une crise politique.

Ce sentiment aigu de crise explique la différence marquée des réactions chez les dirigeants politiques après Charlie et au lendemain du 13 novembre. En janvier, Manuel Valls avait évoqué un « apartheid social et ethnique » en métropole ; en novembre, les bombes s’abattaient sur la Syrie. Il aurait été difficile de trouver un contraste plus frappant.

Dans le même temps, la classe politique a dû faire face au retour inéluctable de l’extrême droite aux régionales de décembre. Le Front national (FN) n’a pas pu décrocher une présidence de région, mais les médias lui ont assuré une publicité à la hauteur de ses 27,73 % des suffrages obtenus au premier tour.

D’ailleurs, les conséquences de l’omniprésence du FN se font sentir au-delà de son électorat. Le débat actuel sur la « déchéance de nationalité » pour les binationaux montre clairement son impact. Le FN milite, en effet, en faveur de cette proposition depuis des années, mais c’est bien un président socialiste qui, aujourd’hui, propose de l’inscrire dans la Constitution.

Crise identitaire

Il est donc peu surprenant que les Français se trouvent déboussolés face à un tel retournement. Ils ont perdu leurs repères politiques. D’un côté, Nicolas Sarkozy change le nom de son parti – qui s’appelle maintenant « Les Républicains » (LR) – sans changer ni de composition, ni d’idéologie ; de l’autre, le Parti socialiste semble abandonner des valeurs républicaines qu’il défend depuis la fin des années 80. Quant à l’extrême gauche, elle peine à attirer les électeurs avec son message anti-austérité qui semble peu adapté à une crise identitaire. Seul l’extrême droite persiste et signe.

Comme en 2002, avec la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle, et en 2005 avec les émeutes dans les banlieues, l’année 2015 a révélé l’incapacité des principaux dirigeants politiques à formuler des projets de changement positifs.

Pire, c’est toujours les mêmes questions qui se posent. La France peut-elle conjuguer son modèle républicain avec un multiculturalisme de fait ? Quel doit être son rôle dans un monde post-impérial et post-communiste ? Comment réformer un système politique perçu par beaucoup comme corrompu et au bord du gouffre ?

Escapades néocoloniales

Il est vrai que, malgré tout, les choses évoluent. Les travaux sociologiques montrent que la France est devenue un pays plus tolérant et plus ouvert depuis dix ans. Elle est aujourd’hui pleinement engagée au sein de l’Union européenne et ne joue plus la carte de la grandeur gaullienne comme elle le faisait dans les années 60. Et la réforme territoriale, notamment l’abolition des départements, devrait faciliter la gouvernance du pays. Les réformes sont en marche et les Français, dans leur très grande majorité, s’adaptent à la nouvelle donne politique, sociale, économique et culturelle.

Toutefois, dans le domaine des symboles, le bilan est beaucoup moins édifiant. La manipulation par l’extrême droite de certains concepts républicains comme la laïcité risque de dénaturer et de fracturer le « pacte républicain » que François Hollande a voulu sceller après les événements violents de cette année. Les escapades néocoloniales de la France en Libye, au Mali et maintenant en Syrie ne donnent pas l’image d’une politique étrangère modeste et décomplexée. Et la classe politique aura du mal à convaincre l’électorat de sa bonne volonté si elle persiste à défendre le « cumul des mandats ».

Les réactions émouvantes après les attentats de janvier et de novembre, ainsi que la forte mobilisation de l’électorat au second tour des régionales en décembre, révèlent sans aucun doute que les Français sont conscients des enjeux. Mais ils ont rarement eu autant besoin de nouvelles idées et d’une nouvelle direction politique.

Pour que « l’esprit du 11 janvier » ne devienne pas une simple formule de rhétorique, il faut un changement de discours. Malheureusement, cette inflexion paraît bien improbable dans le contexte sécuritaire et crispé qui a cours actuellement. La France peut-elle renouer avec les racines ouvertes, positives et radicales de son modèle républicain ? Voici le véritable enjeu pour 2016.

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