La plupart des habitants d’Europe occidentale se préoccupent peu de la pollution de l’air. Elle passe souvent inaperçue, sauf à être coincé dans les embouteillages ou à regarder au loin l’horizon brouillé.
Jusqu’au mitan du siècle dernier, il en était tout autrement : l’industrie lourde et le chauffage domestique saturaient l’air des villes de fumée, de gaz nocifs et d’ozone. Ce sont ces polluants atmosphériques qui contribuent à la formation du smog, cette combinaison dangereuse de gaz et de particules qui irrite les poumons et cause à terme de sérieux dommages pour la santé. Dans nombre de pays en développement, des niveaux importants de pollution de l’air accompagnent aujourd’hui une expansion économique et industrielle débridée.
Une étude récente portant sur les impacts sanitaires de la pollution de l’air extérieur suggère que celle-ci serait responsable du décès prématuré de plus de 3 millions de personnes chaque année dans le monde. Un nombre qui pourrait doubler d’ici à 2050. L’étude examine notamment comment les principales sources de polluants atmosphériques – la circulation automobile, l’industrie, l’agriculture et certaines activités domestiques – contribuent à des niveaux de pollution dans différentes parties du monde ; elle estime de même les incidences de cette pollution sur le taux de mortalité provoqué par des maladies pulmonaires et cardiaques.
cinq fois plus. Résultat : un air lourd des gaz d’échappement et des rues engorgées. Le haut des grattes-ciel disparaît dans une brume de pollution qui donne au ciel une couleur blanchâtre et contraint les habitants à adopter des masques de protection.Les citoyens chinois sont bien conscients du problème : les questions environnementales arrivent ainsi en tête des préoccupations du public et sont débattues sur les forums de discussion en ligne. À l’échelle nationale, ce sont 1 000 sites qui servent de lieux d’étude et l’on ne compte plus les applications pour mobiles qui permettent de connaître en temps réel les niveaux de pollution de l’air. Admettre l’existence de ce problème a représenté un véritable progrès pour ce pays. Y faire face sans gêner la croissance économique représente un véritable casse-tête.
La géographie de Pékin n’arrange rien. La pollution générée par les innombrables usines, fermes et habitations situées dans la plaine de Chine du Nord – un territoire vaste et fertile, le cœur économique traditionnel du pays – se trouve piégée par les vents du Sud contre les montagnes qui entourent la ville, au nord et à l’ouest. Les polluants s’additionnent, se combinant pour former une brume qui s’étend sur des centaines de kilomètres et que l’on peut voir sur les images satellites ; elle ressemble à une couverture sombre qui cache le sol.
Des mesures concrètes
Le gouvernement chinois, soucieux de se présenter sous son meilleur jour aux yeux du monde, a imposé des contrôles stricts de la pollution de l’air en 2008 lors des Jeux olympiques d’été, à l’automne dernier pour le forum de l’APEC et plus récemment pour un défilé militaire à l’occasion de l’anniversaire marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale. À chaque fois, la brume a disparu, montrant de façon claire ce qui peut être atteint.
Mais les changements nécessaires à long terme pour obtenir ce ciel bleu réclament de plus grands efforts. Des plans sont ainsi en cours pour relocaliser des industries polluantes, produire une énergie plus propre et suivre de près l’application des réglementations environnementales.
C’est ainsi que l’aciérie de Pékin a été déplacée en dehors de la ville avant les Jeux olympiques, dans la province du Hebei voisin ; ce fut aussi plus récemment le cas d’autres usines. Les nouvelles installations, plus propres et plus efficaces devraient permettre de réduire les sources de pollution. Cependant, avec une population de plus de 100 millions d’habitants et une production du quart de l’acier chinois, Hebei doit déjà faire face aux défis de sa propre pollution de l’air, avec des contrôles qui sont moins stricts qu’a Pékin.
Le passage du charbon au gaz pour produire de l’électricité est également en cours, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la qualité de l’air. La Chine a aussi pris les devants sur le front des énergies renouvelables à coup d’investissements gigantesques dans les énergies solaire, éolienne et hydroélectrique. Celles-ci ne couvrent aujourd’hui que 10 % des besoins énergétiques du pays, mais elles sont censées atteindre les 16 % d’ici à 2020. Tous ces changements constituent la clé pour contrôler et réduire la pollution de l’air, mais il faut désormais faire un sort aux productions domestiques et agricoles pour être en mesure de voir le ciel bleu.
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C’est tout l’équilibre entre développement économique et protection de l’environnement qui est en train de se réorganiser, à l’image de ce qui se passa en Occident il y a un demi-siècle. On peut dire que les nouvelles politiques destinées à être adoptées devraient placer la Chine sur une trajectoire plus propre que celle supposée dans l’étude publiée dans Nature (voir ci-dessus). Si les auteurs ont mis en évidence le coût humain de la pollution de l’air et ont tiré la sonnette d’alarme par rapport aux futurs dangers du scénario « business as usual », on peut également souligner qu’en Chine, on voit émerger les signes d’un vrai désir de lutter contre la pollution atmosphérique et ses conséquences fatales.