Cet article est basé sur une recherche doctorale en cours portant sur l’identification, la caractérisation et l’analyse des obstacles à la performance des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) du Burkina Faso. Il s’appuient sur diverses sources statistiques africaines, sur des définitions non stabilisées et s’intéresse plus particulièrement aux entreprises du secteur des bâtiments travaux publics (BTP).
Le secteur formel et informel au Burkina Faso
En effet, le Burkina Faso fait du secteur privé, formel mais également informel, un moteur du développement économique et particulièrement un relais important en matière de création d’emplois. Ainsi, la Chambre de Commerce enregistre de nos jours un rythme de création de près de 4 000 entreprises par an. Cependant, il faut souligner un taux de morbidité qui varie entre 6,5 % et 15,2 % selon les secteurs d’activités sur les trois premières années de leur création (Maison de l’entreprise du Burkina, 2011).
L’idée est d’insister sur les facteurs qui influent négativement sur la performance. Longtemps analysé sur le plan unidimensionnel, les chercheurs utilisent de nos jours une approche globale intégrée pour mieux appréhender la performance, d’où la notion de la performance globale. Dans le cadre de cette étude, nous avons opté pour une approche globale en quatre dimensions : organisationnels, les difficultés d’accès aux financements, les difficultés d’accès aux marchés publics et le manque d’innovation des PME elles – mêmes. Ces difficultés peuvent être regroupées en deux grandes dimensions : dimension internes (difficultés organisationnelles, manque d’innovation, etc.) et dimension externe (difficultés d’accès aux financements, difficultés d’accès aux marchés publics, etc.)
Cette approche nous a permis de mieux cerner les facteurs ayant une influence sur le fonctionnement des entreprises.
La TPE et la PME comme réalité statistique
Au niveau du continent africain, l’intérêt des chercheurs et académiques pour les PME s’explique assez facilement. D’une part, il n’existe que très peu de grandes entreprises de statut réellement privé et d’autre part ces entreprises de tailles petites et moyennes sont la très grande majorité des entreprises observables (99 %). De plus, elles sont aussi la première source de création d’emplois selon l’OCDE en 2005 et les travaux de Roubeaux en 2007. Toutefois, leur délimitation statistique pose un problème – et pas seulement dans le cas des entreprises du secteur informel par définition opaque – notamment en raison de la diversité et de la fiabilité et de la fiabilité des sources.
Concernant le Burkina Faso, la structure du fichier des entreprises montre une répartition dominée à plus de 80 % par des petites et moyennes entreprises (PME) dans les différentes catégories professionnelles (Commerce, Industrie, Service, Artisanat) selon le Baromètre de l’accompagnement des PME au Burkina Faso (CCI BF) dans ses publications des 2013. De plus, 85 % de ces entreprises sont localisées dans la région centre selon le fichier NERE (Fichier national des entreprises et regroupements d’entreprises au Burkina Faso).
Auparavant pour les chercheurs, les petites entreprises étaient perçues comme « archaïques », « vulnérables », « efficaces selon leur capacité à croître rapidement » et autres qualificatifs à dimension négatives relayés dans une vaste revue de littérature académique parue en 2009. Plus récemment, les entreprises de petite taille, notamment en Afrique, peuvent être décryptées au travers de facteurs contingent, ethnique, religieux voire socioculturel ou familiaux. Elle est dès lors devenue digne d’intérêt !
Depuis les premières recherches anglophones sur les PME, orientées sur les facteurs favorisant leur création (Cantillon, Turgot, Schumpeter, Thompson, Mintsberg…) sont apparus des auteurs francophones qui eux ont plutôt abordé la question de leur gouvernance (Negre, Julien et Machesnais, Torres…). Jusqu’à évoquer l’univers impitoyable de l’entreprise familiale (Hirigoyen, 2015). De même, Albert Ouédraogo rédigea sa thèse en 1999 sur les déterminants de la création de PME au Burkina Faso. et un peu auparavant en 1991 A. L. Dia aborda la question du management africain comme mythe ou réalité notamment relié au pilotage de la PME.
La TPE et la PME comme objet d’étude académique
Un autre facteur ayant favorisé la recherche sur les PME est l’ouverture des frontières et l’arrivée de nouveaux concurrents étrangers rendant plus complexes et riches – et souvent moins éthiques – les joutes économiques sur les marchés locaux. Cette nouvelle donne sera appréhendée sous le terme de mondialisation de l’économie.
Dans le contexte de la globalisation, les petites et moyennes entreprises sont confrontées au risque de se voir fragilisées par les multinationales. La fameuse, et désormais indispensable, adaptation de l’entreprise à son environnement est devenue un facteur de survie
Toutefois, la plupart des recherches autres que celles relatives à la création des PME se sont limitées à quelques aspects de la croissance. Les chercheurs ont mis l’accent sur les questions d’accès au financement (H. Boukar (2009), Revue de proparco, 2009 ; CCI BF, 2014). Des recherches ont établi les relations qui existent entre la croissance et la Gestion des ressources humaines (Bruno et coll. CIFEPME 2004). Il s’agit d’approche parcellaire des fonctions qui utilise le critère de rentabilité financière comme élément de mesure de la performance.
Or la seule rentabilité financière ne peut mesurer la performance d’une organisation et notamment pas en contexte africain.
Le cas emblématique du Burkina Faso
Au niveau du Burkina Faso, la méconnaissance du nombre des entreprises (Conseil Présidentiel pour l’Investissement, document de travail, 2009) liée à un manque de consensus sur la définition même des PME dans l’administration burkinabè constitue un frein à une appréhension réelle de leurs difficultés et défis.
En effet, le nombre d’entreprises répertoriées au Burkina Faso diffère selon les sources de collectes : Direction Générale des Impôts (DGI) ; Institut National de la Statistique et de la démographie (INSD), Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), Maison de l’Entreprise du Burkina Faso (MEBF), Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso (CCI – BF), (Conseil Présidentiel pour l’Investissement, 2009). Les différences s’expliquent par les besoins de chaque structure qui procèdent aux collectes des données.
Par exemple, au niveau de la Caisse Nationale de Sécurité Sociales (CNSS), sont répertoriées, les entreprises qui ont un numéro employeur actif. Est considéré « actif » l’entreprise qui déclare et verse régulièrement ses cotisations sociales. Ensuite, la Direction générale des Impôts (DGI) appréhende les contribuables (entreprises) qui effectuent régulièrement leurs obligations fiscales. Quant à la chambre de commerce, elle enregistre toutes les créations d’entreprises, qu’elles aient démarré leurs activités ou pas.
Par le prisme de la maison de l’entreprise du Burkina
Aussi, il faut noter que depuis la création de la Maison de l’Entreprise du Burkina (MEB) en 2006, un accent a été mis sur les opportunités d’entreprendre en partant de la formation à l’entrepreneuriat, à la création d’entreprise avec l’allègement des procédures et des coûts de création des entreprises. À cela s’ajoute l’organisation des journées de l’entrepreneuriat burkinabè. Ces journées récompensent les meilleurs plans d’affaire et constituent de ce fait une belle stimulation à la création d’entreprise.
En effet, la maison de l’entreprise du Burkina (MEBF) est la structure chargée de remplir les formalités de création d’entreprises au profit des demandeurs ; ses données sont transmises à la CCI. Elle apporte également des appuis-conseils aux promoteurs.
À ces actions de facilitation à la création des entreprises faites par la MEBF, s’ajoutent les actions directes du gouvernement à travers la formation des jeunes et la création des structures de soutien aux micros et petites entreprises : Fonds d’appui au secteur informel (FASI), Fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ), Fonds d’appui à la promotion de l’entreprise (FAPE). Ces fonds nationaux visent chacun une cible bien déterminée et couvrent tout le pays. Dans les localités autres que la ville de Ouagadougou, ces fonds ont été regroupés en un seul lieu appelé guichet unique afin de faciliter l’orientation et l’accès aux financements par les demandeurs.
En 2010, le Répertoire statistique des entreprises contenait 5826 entités légales actives (INSD, RSE 2010). Les entreprises actives sont celles qui exercent légalement leurs activités économiques, élaborent et déposent des déclarations fiscales à la Direction générale des Impôts (DGI). Ce nombre s’est accru de 38 % en 2010 comparé à celui de 2009 (INSD, RSE 2010).
Concernant les employés, il faut souligner qu’en 2011, 82,38 % des entreprises comptent moins de 10 personnes (MEB, 2011).
La vie d’une entreprise dure trois ans !
Les entreprises qui survivent après les trois premiers exercices représentent 62 % tandis que 38 % (plus du tiers) ne sont pas pérennes (MEB, 2011).
La même étude indique que 43,4 % des entreprises ont démarré leurs activités à l’année de leur création tandis que 8,8 % ont démarré un an après l’année de leur création. On note également que 2,7 % ont démarré deux années après l’année de création alors que 22,4 % n’ont pas encore démarré à la même date. Le « secteur des BTP connaît un démarrage tardif »
Du point de vue du volume du chiffre d’affaires, le secteur des BTP vient en troisième position (14,2 %) après le secteur du commerce et des services pour un chiffre d’affaires de plus de 408 milliards (INSD, RSE 2010).
On note également que les entreprises qui survivent ont un faible effectif. Il se résume quelquefois au seul chef d’entreprise ou tout au plus cinq employés (MEB, 2011).
Au regard du taux de survie des entreprises, la question de la performance des PME se pose au Burkina Faso. L’objectif de l’entreprise est avant tout de survivre dans un environnement complexe. Toutefois, la performance est souvent réduite à la seule dimension financière, alors que celle-ci demeure insuffisante pour apprécier le progrès d’une entreprise
Vers de nouveaux (et plus juste) indicateurs de performance
En Afrique, la mesure de la performance de l’entreprise par la seule dimension financière est de plus en plus contestée. D’où l’exploration et l’intégration de facteurs supplémentaires (pérennités, résilience, turn-over, sortie de l’informel, éthique, contribution fiscale, féminisation, solvabilité, etc.) capables de caractériser la performance d’une PME ou TPE. Ces organisations aux effectifs modestes sont l’essence même du tissu économique et social sur le continent et aspirent à en être l’avenir de son développement.