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Après les attentats, une meilleure communication dans les classes (2)

Des dessins pour exprimer ses peurs. Dominique Macaire, Author provided

Après les attentats, que révèlent les activités de la salle de classe ? Elles parlent de l’influence des états physiologiques et émotionnels sur les apprentissages, notamment sur la perception qu’ont les élèves de leurs compétences et sur la façon dont ils mobilisent celles-ci pour apprendre, selon le psychologue canadien Albert Bandura.

Tensions

Pour bien apprendre, il convient d’être dans le bien-être. Les élèves qui ressentent des tensions ne sont pas dans des conditions idéales pour apprendre. On le constate dans les familles dans lesquelles l’un des parents est au chômage, lorsque l’un des membres de la famille est malade ou que les parents se séparent, etc.

Dans des périodes difficiles, lorsque la société est menacée dans ses valeurs fondatrices, les émotions négatives prennent le pas. Apprendre devient alors plus difficile. « L’école est le lieu où les émotions peuvent constituer un obstacle à l’apprentissage ou bien le faciliter », écrit en 2003 Jean-Pierre Cuq, didacticien des langues.

Le sentiment d’insécurité et même de peur constitue parfois la cause de l’échec de certains élèves. Pour bien des élèves, le sentiment de danger se révèle relativement plus marqué depuis cette nuit tragique. Il est parfois latent, il n’est pas nécessairement conscient.

Il est important de placer les élèves dans un environnement d’équilibre et de sérénité si l’on veut favoriser leurs apprentissages. Plusieurs enseignants ont confié avoir pris conscience de l’impact des émotions dans les apprentissages et de leur importance pour le climat de classe depuis les terribles évènements du 13 novembre. Depuis, ils sont plus attentifs au regard qu’ils portent sur les élèves, au temps d’accueil en début de cours, etc.

Les enfants face aux attentats. Dominique Macaire, Author provided

La communication dans la classe

Dans la classe d’Alain, comme dans celle de tous ceux qui ont lancé des débats citoyens dans leur classe, la communication s’instaure grâce aux échanges sur une question qui touche tous les élèves.

D’habitude, dans bien des cas, les enseignants pilotent le cours, proposent des activités plutôt guidées. Ici, bien plus que dans d’autres situations d’enseignement, les élèves prennent leur part dans le cours. Cela se voit au fait qu’ils posent de nombreuses questions. Ils ne se contentent pas de réagir à celles des enseignants.

Les élèves sont davantage actifs, proactifs et non pas réactifs. Être acteur et être responsable les stimule. L’enjeu est de taille. La communication leur permet de contribuer au dessein de la France.

C’est-à-dire de s’impliquer dans des interactions porteuses de sens, puisque les débats engagés renvoient au monde social réel. Dans ces débats, on passe d’un enseignement de type questions-réponses à un enseignement plus proche de la résolution de problèmes et de la coaction.

De l’école à l’université, apprendre à communiquer, c’est apprendre la langue en tant qu’ « objet », dans le cadre d’une discipline scolaire, en apprendre les règles de fonctionnement, et c’est l’utiliser en tant qu’ « outil » dans les activités que propose l’enseignant. Et c’est également être capable de transférer ce que l’on apprend à des usages sociaux.

Or si la langue en tant qu’objet est bien développée à l’école, elle est peu entraînée en tant qu’outil.

Les débats sollicités au moment des attentats ont favorisé un rééquilibrage des deux aspects de l’enseignement de la langue française comme outil et objet. Le français de l’école n’est pas seulement au service de l’apprentissage de la discipline. Il devrait contribuer au développement holistique de l’élève.

Ces évènements ont donné un éclairage didactique à la notion de communication. Les débats de l’école à la suite des attentats montrent un changement de relation à la langue. Dans ce cas, les attentats ont pour ainsi dire provoqué chez l’enseignant un changement de relation au groupe-classe et de posture dans les modes de guidage des groupes.

Un changement de pratiques ?

Effectivement, quelque chose a changé dans certaines pratiques d’enseignants depuis les attentats. Le changement n’est toutefois ni systématique, ni là où on l’attendrait. Il porte sur la nature de la communication, devenue plus authentique, du fait de l’enjeu émotionnel et des graves sujets abordés.

Le changement concerne les postures d’enseignement, davantage orientées vers le partage et les échanges. Il résulte d’une forme de libération liée aux fortes émotions ressenties, dans laquelle enseignant et élèves sont sur un même plan face aux évènements.

Le cadre de référence des enseignants a été interpellé dans ce cas de très forte émotion. Les dramatiques évènements ont permis des ouvertures didactiques et révélé des prises de risque favorables à des déplacements de postures chez les uns et les autres.

(1) Bandura, A. (2003, 2007). Auto-efficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle [« Self-efficacy »]. Paris : De Boeck Edition.

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