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Les progrès des robots et des technologies du sexe ont des applications dans les soins de santé, l'éducation et la recherche. Shutterstock

Au-delà des robots sexuels: l’érobotique explore l'interaction humain-machine érotique

Les films de science-fiction tels que Blade Runner (1982), Lars and The Real Girl (2007) et Her (2013) anticipent depuis longtemps l'avènement des relations humains-machines. Depuis quelques années la réalité rejoint la fiction.

Alimentés par les avancées en intelligence artificielle (IA) ainsi qu’en robotique sociale, les agents artificiels apprennent de plus en plus à communiquer et à socialiser – transformant ainsi nos sociétés. Toutefois, la recherche sur l'interaction humain-machine demeure embryonnaire, particulièrement dans les domaines de l'intimité et de la sexualité.

C’est pourquoi, en plus de nos recherches sur le sujet, nous mettons progressivement en place des initiatives (francophones et anglophones) visant à remédier au manque de connaissances sur les relations intimes entre humains et machines. Dans cet esprit, nous avons organisé le premier colloque sur l'érobotique lors du 87e Congrès annuel de l'Association francophone pour le savoir. Lors de cet événement, des chercheurs de diverses disciplines (éthique, sociologie, psychologie, sexologie, études médiatiques et féministes) ont abordé divers thèmes allant des représentations médiatiques et genrées des technologies sexuelles à leur potentiel médical et thérapeutique.

Une nouvelle révolution érotique

L’intimité et la sexualité sont parmi les domaines les plus importants à considérer lorsqu’on parle de révolutions causées par l’IA, puisque les technologies émergentes offrent des possibilités croissantes d’interaction entre humains et [agents érotiques artificiels ou érobots] (http: //www.lecre .umontreal.ca / feature / penser-transdisciplinaire-sur-la-robotique-sexuelle /. Le terme érobot caractérise tous les agents érotiques artificiels virtuels, incorporés et augmentés, ainsi que les technologies qui les produisent. Cette définition inclut, sans s’y limiter, les prototypes de robots sexuels, les personnages érotiques virtuels ou augmentés, les applications de partenaires artificiels ainsi que les agents conversationnels (chatbots) érotiques. Le terme érobot est formé du préfixe tiré de l’ erôs (un concept philosophique historiquement riche faisant référence à l'amour, au désir, à la sensualité et à la sexualité, et du suffixe tiré de bot (un agent logiciel) et de robot (une machine capable de réaliser de manière autonome des séries d’actions complexes). Le terme érobot vise à souligner les aspects agentiels et relationnels des nouvelles technologies érotiques et à mettre l’accent sur le fait que les agents artificiels deviennent progressivement des acteurs sociaux à part entière.

Plus que des robots sexuels

L'un des érobots les plus célèbres est le fameux robot sexuel. Cependant, les robots sexuels ne représentent qu’une partie de ce que sont et deviendront les érobots suite aux avancées, aux combinaisons et à l’interconnectivité des nouvelles technologies. Le développement actuel des agents conversationnels (programmes qui interprètent et répondent aux utilisateurs), de la robotique molle (« soft robotics »; un domaine fabriquant des robots semblables aux organismes vivants), de l'infonuagique et de la réalité virtuelle (RV) ou augmentée (RA) exposeront de plus en plus les humains à de nouveaux types des partenaires érotiques.

Ces partenaires se manifesteront à travers diverses interfaces telles que nos téléphones portables, ordinateurs, consoles de jeux vidéo et équipements de RV et RA. Ils apparaîtront sous différentes formes et adopteront des comportements insoupçonnés dans des environnements virtuels. Leur manière de penser et d’apprendre sera fondamentalement différente des humains et permettra une nouvelle gamme de relations érotiques entre humains et machines. Cela aura pour effet de redéfinir le sens que nous attribuons au fait de tomber amoureux ou d’avoir des relations sexuelles.

Dans le film Her, le protagoniste développe une relation avec son système d'exploitation. </ movie>

Et cela, en soi, devrait être considéré comme une révolution érotique justifiant de fonder une nouvelle discipline que nous baptisons l’érobotique.

L'étude scientifique de l’interaction humain-érobot

L’érobotique est un domaine de recherche transdisciplinaire émergeant qui explore notre interaction avec les agents érotiques artificiels, ainsi que les technologies qui les produisent. L’érobotique se concentre sur les aspects sociaux, relationnels et agentiels des agents artificiels et le fait que nous les traitons de plus en plus comme des acteurs sociaux à part entière. C’est pourquoi l’érobotique ne se contente pas d’explorer l'utilisation des technologies de pointe en sexualité. Elle étudie les êtres érotiques artificiels qui émergent de ce type de technologies.

L’érobotique vise surtout à développer des méthodes de recherche théorique, empirique et clinique afin d’étudier l’ensemble des phénomènes liés aux interactions humains-érobots, en s’intéressant à des questions telles que: quels types de relations développerons-nous avec les agents artificiels? Comment les érobots affecteront notre esprit et nos comportements érotiques ou influenceront nos relations interhumaines? Quelles réglementations devraient être mises en place concernant les érobots?

Tel que suggéré concernant l'emploi de jouets, poupées et robots sexuels, l’érobotique s’inscrit dans une approche optimiste et positive de la sexualité et de la technologie. Cela signifie que l’érobotique souligne l'importance du plaisir, de la liberté et de la diversité. L'érobotique vise à développer des technologies qui améliorent notre bien-être individuel et collectif.

Elle s'intéresse aussi aux implications éthiques et sociales des érobots: par exemple, qui devrait être autorisé à interagir avec les érobots, quelles formes et quels comportements devraient être permis et comment transformeront-ils nos normes sociales en matière de sexualité et d'intimité?

Futures applications des érobots

Les érobots pourraient être employés en santé, en éducation et en recherche.

Les érobots pourrait être utilisé pour les personnes qui ont du mal à trouver un partenaire, qui préfèrent les agents artificiels ou qui veulent simplement avoir du plaisir. Les érobots pourraient également être utilisés en contextes médicaux ou thérapeutiques afin de traiter les peurs et les anxiétés liées à l'intimité ou même afin d’aider les victimes de traumatismes à retrouver l’autonomie sur leur corps et leur sexualité.

Les érobots pourraient être utilisés à des fins d'exploration dans le but d'aider les gens à découvrir leurs préférences érotiques. Ils pourraient également être développés de manière à fournir une éducation sexuelle interactive, innovante et validée pas des experts, cela afin d’enseigner le respect, le consentement, la diversité et la mutualité.

Finalement, les érobots pourraient être utilisés comme des outils de recherche standardisés afin d’aider les chercheurs à surmonter certains défis éthiques et méthodologiques liés aux programmes de recherche sensibles (p.ex., en sexualité humaine). Ils pourraient servir à la fois de stimuli et d’outils d’analyse dans les protocoles expérimentaux et réduire les risques associés aux interactions érotiques entre humains.

Erobotics intègre une approche de sexualité positive, explorant des questions qui incluent d'autres approches éthiques et réglementaires des interactions humain-technologie. Shutterstock

Un futur collaboratif et transdisciplinaire

Ultimement, afin de maximiser le potentiel des érobots, nous devons établir des collaborations transdisciplinaires pour faire face aux réalités complexes soulevées par l’érobotique. Cela signifie qu'il faut mettre en commun les contributions de l’ensemble des disciplines - de l'ingénierie aux sciences sociales et humaines - ainsi que former des ponts entre le monde académique et le secteur privé.

La collaboration est la clé pour développer une érobotique qui contribuera à notre bien-être individuel et collectif.

This article was originally published in English

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