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Avec les nouvelles générations, il faut voir autrement les cheminements de carrière – surtout ceux des femmes

En juillet dernier, le Forum économique Mondial publiait son rapport sur les inégalités femmes-hommes dans le monde.

Le rapport, qui en est à sa seizième édition, analyse l’évolution des écarts entre les sexes dans quatre domaines : participation et opportunités économiques, éducation, santé et pouvoir politique. Il propose une réflexion sur les sources des écarts entre les sexes et suggère des politiques et pratiques pouvant permettre une meilleure égalité femmes-hommes.

Sa conclusion-choc : il faudra encore 132 ans (contre 136 en 2021) pour combler l’écart entre les sexes.

Cela me conduit à une nouvelle réflexion sur le cheminement de carrière des femmes dans nos organisations. J’étudie la présence des femmes dans les hautes sphères administratives depuis des décennies, et je constate que les choses ne bougent pas rapidement. Or, cette inégalité des chances entre les femmes et les hommes « implique un coût économique colossal, car elle bride la productivité et pèse sur la croissance », écrivent Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, et l’économiste américain Jonathan D. Ostry,

Des cheminements de carrière conçus pour les hommes

Ma vision d’une carrière réussie demeure encore aujourd’hui associée à l’atteinte de la plus haute fonction au sein d’une organisation, soit celle de PDG, poste majoritairement occupée par des hommes au fil des temps.

Les qualités de leadership requises pour gravir les échelons pour atteindre cette fonction ultime sont toujours davantage associées à celles des hommes (commandement, contrôle) plutôt que celles des femmes (empathie, compassion, collaboration). Dans cette vision traditionnelle de la carrière, l’homme qui occupait cette fonction phare pouvait compter sur l’appui d’une partenaire féminine qui veillait quasi exclusivement aux tâches domestiques, à s’occuper de l’éducation des enfants et à l’appuyer dans sa carrière de manière à ce qu’il puisse s’y consacrer totalement.

Encore aujourd’hui, il existe un déséquilibre important entre les hommes et les femmes en situation de direction dans les tâches reliées au bien-être familial.

Si un tel modèle s’avérait utile au milieu du siècle dernier, celui-ci s’est révélé progressivement dépassé avec l’arrivée sur le marché du travail de femmes ayant des ambitions professionnelles aussi élevées que les hommes, mais ne pouvant compter, dans un contexte familial, sur un partenaire masculin se dédiant uniquement à la réalisation de ses ambitions professionnelles.

Ce modèle traditionnel de parcours professionnel n’est également aucunement approprié pour les célibataires ou les couples sans enfant qui visent un équilibre de vie, et non une réussite professionnelle à tout prix.

Reconsidérer le travail

Cette quête de l’équilibre de vie est-elle seulement le propre des femmes ? Selon les résultats d’un sondage réalisé par le cabinet McKenzie auprès de travailleurs américains, près des deux-tiers ont déclaré que la Covid-19 les avait conduits à réfléchir sur leur but dans la vie. Près de la moitié ont répondu qu’ils reconsidéraient le type de travail qu’ils faisaient à cause de la pandémie.

Les millénariaux étaient trois fois plus susceptibles que les autres à vouloir réévaluer leur travail. Autre information intéressante à mentionner provenant de cette enquête : alors que 85 % des cadres intermédiaires et des cadres supérieurs ont déclaré qu’ils trouvaient un sens dans leur travail, seuls 15 % des gestionnaires et des employés de première ligne étaient d’accord. Cette nouvelle conception du travail conduit certains hommes à se repositionner et à y consacrer moins d’heures.

Serait-il temps, face à l’expression de tels besoins tant par les femmes que les hommes de la nouvelle génération, de repenser les cheminements de carrière ?

Le cheminement de carrière kaléidoscopique

Une revue de la littérature sur le sujet m’a conduite à un concept intéressant nommé le cheminement de carrière kaléidoscopique.

Selon les conceptrices de cette approche, une carrière menée par une femme prend souvent la forme d’un kaléidoscope qui produit des motifs changeants selon la position du tube. Les éclats de verre tombent alors dans de nouveaux arrangements. Les femmes modifient le schéma de leur carrière en faisant pivoter différents aspects de leur vie pour organiser leurs rôles et leurs relations. Ce modèle comprend trois paramètres qui portent sur le début de carrière, le milieu de carrière et la fin de carrière :

Authenticité : « Puis-je être moi-même dans ce choix de carrière et toujours être authentique ? »

Équilibre : « Si je fais ce choix de carrière, puis-je équilibrer les différentes sphères de ma vie en un tout cohérent ? »

Défi : « Si j’accepte cette option de carrière, aurais-je suffisamment de défis ? »

Une telle vision de l’évolution d’une carrière est ainsi en fonction des besoins de la personne et non seulement de ceux de l’organisation.

Enfin, si une telle approche offre une bonne lecture du chemin emprunté par plusieurs femmes pour vivre leurs ambitions professionnelles, il ne fait aucun doute à mon esprit que cette quête d’authenticité, d’équilibre et de défi est aussi le propre des nouvelles générations et de plusieurs hommes.

Tout avoir, oui, mais pas tout en même temps

On a longtemps vu la période de la trentaine comme le pivot d’un cheminement professionnel. Mais le contexte change : les postes de leadership pourraient reposer de plus en plus en plus sur des talents et des compétences en perpétuel changement, et non sur des échelons gravis verticalement à l’ancienne.

Comme le disait Madeleine Albright : « Women can have it all, just not at the same time » (les femmes peuvent tout avoir, mais pas tout en même temps).

Je crois que ce sera, dans l’avenir, le propre tout autant des femmes que des hommes à la quête d’un meilleur équilibre de vie quel que soit leur âge, leur sexe, leur appartenance culturelle ou leur handicap.

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