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Il fait froid sur Mars! Mais ce n'est pas la seule des surprise météorologiques qui y attend les astronautes. NASA

Bonnes feuilles : « En avant Mars ! »

Mars est la destination de nombreuses missions spatiales depuis les années soixante. Des rovers, petits robots sur roues, arpentent sa surface depuis 1996. En ligne de mire désormais : les vols habités. À travers différentes questions accessibles, les auteurs de l’ouvrage « En avant Mars ! », paru aux éditions EDP Sciences, reviennent sur l’histoire de nos relations avec la planète rouge et expliquent les dernières découvertes des explorations martiennes. Dans cet extrait, il répondent à la question « Quel temps fait-il sur Mars ? »


Pour préparer une mission vers Mars, les ingénieurs et techniciens se demandent quel temps il va faire sur place. Après tout, un robot n’aime ni la pluie ni le givre, et pour bien fonctionner, certains rovers ont aussi besoin de l’énergie du Soleil. Voici donc un petit point sur la météo martienne.

Des températures glaciales

La surface de Mars est très froide, avec des températures autour de -63 °C en moyenne. Mais tout comme sur Terre, ces températures changent fortement selon les saisons et la latitude. Ainsi, au niveau des pôles, la température peut descendre jusqu’à -150 °C, tandis que l’on enregistre des températures grimpant jusqu’à 20 °C au niveau de l’équateur. Pourquoi la température est-elle si faible ? Eh bien tout simplement car Mars, située une fois et demie plus loin du Soleil que la Terre, reçoit deux fois moins d’énergie de notre étoile sur une surface équivalente.

Un second facteur vient également amplifier la différence de température entre la Terre et Mars : l’épaisseur de l’atmosphère martienne. En effet, sur Terre, sans l’atmosphère et ses gaz à effet de serre, il ferait en moyenne -18 °C. Bien que l’atmosphère de Mars soit principalement composée de CO2, elle est si ténue que l’effet de serre est négligeable, ne permettant pas de réchauffer la surface de Mars, contrairement à ce qui se passe sur notre planète.

Vue d’artiste de Phoenix, atterrisseur américain qui a visité le pôle Nord de Mars en 2008. Ce robot disposait d’une station météo miniature. Il a mesuré la température et la pression dans la basse atmosphère et a même pris en flagrant délit des flocons de neige en altitude ! NASA/JPL-Calech/University of Arizona

S’il fait si froid, doit-on s’attendre à rouler dans la neige ? À priori non, car l’atmosphère martienne reste beaucoup trop sèche pour observer des précipitations sur Mars. En revanche, localement, l’air se trouve parfois assez humide pour former des nappes de brouillard temporaires et de fins nuages de glace. On peut aussi observer du givre se former autour du pôle Nord, comme le montraient déjà les premières images envoyées par les atterrisseurs Viking. La sonde Phoenix, qui s’est posée près du pôle Nord, a aussi détecté la présence de quelques flocons de neige 4 km au-dessus d’elle en septembre 2008. Mais ces flocons n’ont jamais atteint le sol ! Ils se sont sublimés en gaz très rapidement et ont disparu.

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Une bonne dose d’UV

Si la surface de Mars peine à se réchauffer, il faut pourtant se méfier des coups de soleil ! En effet, sur Terre, une partie des rayons solaires est directement absorbée dans l’atmosphère, notamment par la couche d’ozone. D’autres rayons se trouvent déviés, bien plus loin de la surface, par le champ magnétique de notre planète. Mais Mars ne possède ni atmosphère épaisse, ni couche d’ozone, ni champ magnétique pour protéger sa surface des rayonnements solaires les plus dangereux. La quantité de rayons ultraviolets (UV), responsables des coups de soleil, est bien plus importante que sur Terre. Et d’autres rayonnements à haute énergie, tels que le vent solaire et les rayonnements cosmiques, atteignent la surface dans des quantités dangereuses pour tout être vivant qui se trouverait sur place.

L’inexistence de champ magnétique sur Mars a même une conséquence irréversible pour sa fragile atmosphère. En l’absence de cette précieuse protection, certains rayons solaires très énergétiques brisent les molécules de gaz de l’atmosphère, qui deviennent alors tellement légères qu’elles échappent à la gravité martienne et fuient définitivement vers l’espace : Mars perd donc son atmosphère au cours du temps.

Du vent, des tempêtes et des tornades

Rajoutant au climat inhospitalier de Mars, des vents balaient fréquemment la poussière très fine, surtout au cours de grandes tempêtes. Tous les étés martiens (soit tous les deux ans sur Terre), on observe de tels phénomènes dans l’hémisphère sud. Des nuages de poussière couvrant une grande partie de Mars sont alors observables depuis la Terre. Il arrive même que certaines de ces tempêtes s’étendent à l’ensemble de la planète, rendant son atmosphère opaque aux rayons du Soleil et faisant drastiquement chuter les températures en surface.

Ces deux images prises à environ un mois d’écart montrent le changement d’aspect de la planète lors d’une tempête globale. À gauche, on peut distinguer la surface, certains des plus grands cratères, des zones plus ou moins sombres ou encore la calotte polaire Sud. À droite, on ne voit qu’une boule ocre colorée par la poussière en suspension dans l’atmosphère. NASA/JPL-Caltech/MSSS

Les vents martiens s’expliquent, comme sur Terre, par la combinaison de deux mécanismes : les contrastes thermiques importants et la rotation de la planète. Les missions d’atterrissage martiennes ont permis de poser des instruments météo à la surface, recueillant des informations sur la circulation de l’air sur Mars. En temps normal, le vent martien souffle à une vitesse de 15 à 30 kilomètres par heure, mais cette vitesse peut atteindre des pointes d’environ 120 kilomètres par heure lors de tempêtes. Cependant, contrairement à un vent terrestre de cette vitesse, un humain sur Mars ne sentirait qu’une légère brise, en raison de la faible pression atmosphérique ! La différence de force d’un vent terrestre et d’un vent martien de même vitesse est comparable à la différence de force exercée par un courant d’eau et un vent terrestre de même vitesse : plus le fluide en mouvement est dense, plus la force qu’il exerce est grande.

Autour du pôle Nord, la différence de température entre la calotte et ses alentours provoque de forts courants d’air : ces vents dits catabatiques sont responsables de la formation de gigantesques champs de dunes que l’on peut voir avancer de quelques mètres par an entre deux passages de satellite. Des champs de dunes similaires sont fréquemment observés au fond des cratères et des dépressions topographiques sur Mars : leur forme et leur orientation sur les images à haute résolution donnent des indications sur la direction et la force du vent responsables de leur mise en place. NASA/JPL/University of Arizona
Bien qu’il en ait croisé moins que son jumeau Spirit, Opportunity a aussi observé des dust devils, petits tourbillons de poussière créés par une colonne ascendante d’air chaud. NASA/JPL-Caltech

Des saisons marquées

Tout comme sur Terre, les températures changent au cours d’une année martienne. En fonction de l’inclinaison de la planète par rapport aux rayons de soleil incidents, les hémisphères nord et sud reçoivent une quantité d’énergie solaire différente. Mais sur Mars, un second facteur vient jouer sur les saisons : son orbite autour du Soleil est plus ovale que ronde (autrement dit, son orbite est fortement elliptique), ce qui signifie que sa distance à notre étoile varie fortement au cours d’une année. Lorsque Mars est la plus proche du Soleil (le périhélie), elle reçoit 40 % plus d’énergie solaire qu’au moment où elle en est le plus loin (l’aphélie).

Comme sur Terre, les saisons martiennes sont contrôlées par la face que Mars présente au Soleil. Mais chez notre voisine, l’excentricité de la planète vient amplifier les saisons dans l’hémisphère sud et les atténuer dans l’hémisphère nord. Auteurs, Fourni par l'auteur

Ce second effet influe largement sur la durée et l’intensité des saisons martiennes. Les hivers dans l’hémisphère nord ont lieu au moment du périhélie. Ils y sont donc doux et courts tandis que les étés y sont longs et froids. Inversement, les hivers de l’hémisphère sud sont plus longs et froids, alors que les étés y sont courts et chauds.

Ces saisons ont des conséquences marquantes sur le climat martien. Ainsi, les tempêtes de sable ont plus particulièrement lieu au périhélie (au moment de l’été dans l’hémisphère sud), lorsque l’énergie solaire plus importante déclenche des vents plus violents. La différence d’intensité des saisons entre les hémisphères nord et sud joue aussi un rôle majeur dans la composition et la dynamique des calottes polaires. Lors de l’hiver de l’hémisphère sud, les températures descendent fortement et une part importante du CO2 de l’atmosphère martienne se condense sous forme de glace, diminuant la pression atmosphérique de la planète.

Mais ce cycle saisonnier n’est pas le seul à influencer le climat martien. Au cours de ces derniers millions d’années, l’intensité des saisons et la distribution de la glace ont probablement changé de nombreuses fois. En effet, sur Terre, l’inclinaison de l’axe de la planète par rapport au plan orbital moyen, appelé obliquité, est stabilisée autour de 23,4 °C par la présence de la Lune. En conséquence, les pôles se présentent toujours au Soleil avec le même angle tous les étés. En revanche, l’absence de satellite massif autour de Mars entraîne une forte oscillation de son obliquité à l’échelle de la centaine de milliers d’années : l’ensoleillement des pôles en été varie largement, et la glace a tendance à s’accumuler tantôt aux pôles, tantôt près de l’équateur, lorsque la planète bascule sur son axe ! Outre les modélisations numériques, la présence d’anciennes langues glaciaires sur les flancs de Tharsis en témoigne : même si elle reste froide et sèche, Mars connaît de fréquents chamboulements climatiques depuis plusieurs millions d’années.

Des calottes polaires

Les calottes pérennes de Mars possèdent des bords assez raides, qui ont permis d’étudier leur structure interne : elles semblent formées d’un empilement de dépôts stratifiés composés de poussière et de glace. En été, la couche de glace de CO₂ qui recouvre la calotte polaire Sud se sublime partiellement. Au creux des zones fondues, on peut alors apercevoir la calotte pérenne composée de glace d’eau. Cet aspect bien particulier de la calotte Sud a été qualifié de « gruyère » par les chercheurs. Les « araignées » martiennes apparaissent au moment du printemps dans l’hémisphère sud. Elles seraient dues à la sublimation de la glace de dioxyde de carbone en profondeur : la formation de poches de gaz ferait craquer la surface et provoquerait alors des mini-geysers de poussière. Cette poussière, plus sombre que la couche de givre de CO₂, serait responsable des taches sombres ou « dark spots ». NASA/JPL/University of Arizona, Fourni par l'auteur

Repérées au télescope dès 1666 par Cassini et quelques années plus tard par Huygens, les calottes polaires martiennes ont été décrites comme deux taches blanches aux pôles. Les mêmes observations permettent déjà de remarquer l’existence d’un cycle saisonnier avec des calottes de taille variable, ainsi que des cycles de condensation et de vaporisation de la glace entre l’hiver et l’été. Il reste cependant toujours une calotte résiduelle dite « pérenne », épaisse de 2 kilomètres et large d’environ 1 000 kilomètres au nord, contre 3 kilomètres d’épaisseur pour 400 kilomètres de largeur au sud.

Les calottes polaires Nord et Sud ne se ressemblent donc pas, du fait des saisons inégales entre les deux hémisphères, mais aussi de leur forte différence d’altitude. En effet, la base de la calotte Sud culmine à plus de 6 000 mètres au-dessus de celle du pôle Nord. La variation de pression est donc suffisante pour modifier les conditions de stabilité de la glace de CO2 (dite glace sèche).

Les spectres acquis dans le domaine infrarouge par les orbiteurs martiens confirment un fort contraste de température entre les deux calottes : -130 °C pour la calotte Sud et -120 °C pour la calotte Nord en hiver, et -100 °C au Sud et -50 °C au Nord en été. Ainsi, les calottes présentent de légères différences de composition.

EDP Sciences, Fourni par l'auteur

Au Sud, les étés sont froids et courts : ces conditions permettent la formation d’une couche de glace sèche permanente, d’environ 8 mètres d’épaisseur, qui recouvre la glace d’eau. En été, cette glace sèche se sublime parfois localement, formant les fameux « gruyères » ou « Swiss cheese » de la NASA.

Au Nord, les hivers plus chauds et la pression atmosphérique plus forte entraînent la sublimation de la totalité du mètre de glace sèche déposé durant l’hiver.

Explorer les calottes polaires serait très intéressant pour comprendre l’histoire récente de Mars et mieux connaître la quantité d’eau présente sur la planète. Cependant, aucune mission ne s’est encore aventurée sur les calottes de Mars : il y fait froid, mais il y a aussi peu de luminosité aux pôles, et la calotte n’est pas toujours très lisse.


Cet ouvrage a été co-écrit par Nicolas Beck, directeur de la vie universitaire et de la culture de l’Université de Lorraine.

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