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tortue dans l'eau
Alors que le changement climatique entraîne une hausse des températures, il est important de comprendre comment les tortues d'eau douce survivent à l'hiver. (Shutterstock)

Certaines tortues survivent à l’hiver en bougeant sous la glace

C’est l’hiver, vous vous promenez sur un lac ou un étang gelé quand vous apercevez soudain des centaines de tortues sous vos pieds. Mais que font-elles sous la glace  ?


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Les tortues d’eau douce de régions tempérées comme le Canada doivent affronter pendant plusieurs mois chaque année des conditions hivernales rigoureuses avec des températures pouvant descendre sous 0 °C et la formation de glace sur les plans d’eau.

Pour les huit espèces de tortues d’eau douce du Canada, cette couche de glace – et surtout l’eau qui se trouve dessous – constitue un refuge contre les températures glaciales de l’air. Si la glace protège les tortues des froids intenses, elle leur pose néanmoins un défi en leur restreignant l’accès à l’oxygène atmosphérique.

La vie sous les glaces

Certaines espèces, comme la tortue serpentine (Chelydra serpentina) et la tortue peinte (Chrysemys picta), se sentent parfaitement bien en passant plusieurs mois immergées dans une eau pauvre en oxygène. Cependant, d’autres espèces sont plus affectées par le manque d’oxygène et ne peuvent survivre plus de quelques semaines à la fois sans un apport adéquat en oxygène. Ces espèces doivent extraire l’oxygène dissous dans l’eau pour survivre.

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Tortue serpentine sous la glace dans le Sud de l’Ontario. (Lucas Foerster/iNaturalist), CC BY

La tortue géographique (Graptemys geographica) est l’une d’elles. On a pu l’observer en train de se déplacer sous la glace en hiver.

Les biologistes marins Barton Warren Evermann et Howard Walton Clark ont observé des tortues géographiques il y a plus d’un siècle.

En novembre 1991, au cours d’une plongée dans un site d’hibernation collectif situé au Vermont, des biologistes marins ont pu voir des tortues géographiques marcher sur le fond d’une rivière avant qu’elle ne soit couverte de glace, alors que la température avait descendu à près de 0 °C.

Ces observations nous incitent à penser que ce comportement peut être important pour la survie des tortues en hiver. Sinon, pourquoi puiseraient-elles dans leurs réserves d’énergie hivernales limitées pour se déplacer  ?

Mais les tortues se déplacent-elles beaucoup pendant l’hiver  ?

Avancées technologiques

Pour suivre les mouvements des tortues géographiques sous la glace, notre équipe a collé un accéléromètre triaxial – un dispositif qui recueille des données – sur 40 tortues dans un site d’hivernage connu de l’est de l’Ontario. Les appareils ont enregistré les mouvements, la profondeur et la température des tortues pendant les sept mois où elles sont restées sous la glace.

Les accéléromètres triaxiaux fonctionnent de la même manière qu’une montre FitBit ou Apple – ils produisent une valeur appelée accélération dynamique globale du corps. Ce résultat calcule la quantité de mouvements quotidiens de chaque tortue.

En combinant ces informations avec les mesures de profondeur et de température, nous avons pu dresser un tableau détaillé du comportement de toutes les tortues sans les observer directement.

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Une tortue géographique nage sous l’eau avec un accéléromètre triaxial fixé sur le dos. (Grégory Bulté), CC BY

Mouvements quotidiens

Nos résultats nous ont surpris. Les données montrent que les tortues géographiques se déplacent localement tous les jours de l’hiver. Bien que cela puisse varier d’un individu à l’autre, il est intéressant de noter que le mouvement est continu tout au long de la saison froide et qu’il n’est pas si différent de celui des semaines précédant la formation de la glace qui emprisonne les tortues pour l’hiver.

Bien que nous anticipions un certain niveau d’activité sur la base d’observations antérieures, nous ne nous attendions pas à ce que les tortues bougent autant tout au long de l’hiver.

Comme on ne trouve que peu d’oxygène sous la glace et que les tortues géographiques ne peuvent s’en passer très longtemps, on peut présumer qu’elles se ménagent pour limiter leur consommation d’oxygène. Nos instruments nous ont également indiqué que les tortues évoluaient dans une eau d’environ 1 °C, température à laquelle la plupart des reptiles développent une léthargique incontrôlable.

C’est peut-être le fait de rester au frais qui permet aux tortues de demeurer actives. Il est probable qu’en se trouvant à des températures proches du point de congélation, le métabolisme des tortues géographiques ralentisse, diminuant ainsi leur besoin en oxygène et prolongeant l’utilisation de cette ressource limitée.

Vidéo montrant l’activité sous-marine de la tortue géographique pendant l’hiver.

Effets du mouvement

Nous pensons que les tortues géographiques restent actives en hiver pour satisfaire leur besoin en oxygène afin de survivre pendant cette saison. Une activité réduite sert peut-être à remplacer la couche limite d’eau pauvre en oxygène sur leur peau par de l’eau fraîchement oxygénée, améliorant ainsi leur capacité à « respirer » par la peau.

Peut-être les tortues se déplacent-elles aussi pour chercher dans leur environnement des microclimats avec une concentration accrue d’oxygène ou qui présentent des profils de température et de profondeur qui leur conviennent mieux. Cela pourrait leur permettre de mieux satisfaire leurs besoins physiologiques et leur apport en oxygène tout au long de la saison froide.

La majeure partie de ce que nous savons sur les reptiles des régions tempérées est basée sur des recherches effectuées pendant les mois où ils sont les plus faciles à observer. Nous passons ainsi à côté de plusieurs mois de leur cycle annuel. Avec le climat qui change de plus en plus, il est important de comprendre la vie hivernale des reptiles afin de pouvoir prévoir les incidences des bouleversements climatiques sur leur vie.

This article was originally published in English

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