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Les bulles de savon géantes, émerveillement pour petits et grands. Alexander Dummer, Unsplash, CC BY

Comment faire des bulles de savon géantes

Fragiles, éphémères, fascinantes, les bulles de savon et en particulier les bulles de savon géantes sont souvent utilisées par les artistes pour accompagner leurs numéros. Chaque artiste a une recette qui lui permet d’optimiser son numéro, d’obtenir des bulles plus grandes, plus belles, plus stables.

Une de nos questions de recherche, travaillée en collaboration avec des artistes, est de mieux comprendre comment faire de grosses bulles, ce qui fixe leur taille et l’intérêt de chacun des ingrédients utilisés par les artistes. Nous pourrons ainsi vous donner tous les trucs et astuces pour créer des bulles géantes chez vous.

Faire des bulles, tout un art, toute une science (Frédéric Restagno).

La première question est de comprendre ce qui fixe la taille des bulles de savon. Pour former une bulle, on trempe un objet dans une solution savonneuse, ce qui crée un film de savon quand on retire l’objet. Il faudra ensuite étirer le film, ce qui nécessite de l’amincir tout en évitant que la bulle n’éclate. La taille des bulles est essentiellement fixée par la taille initiale du film de savon.

Les bulles des enfants

Ainsi, les jouets à bulles des enfants permettent de former un film de deux centimètres environ et les bulles formées font quelques centimètres de diamètre. En effet, lorsqu’on souffle sur le film, on fabrique un tube de savon de forme cylindrique. Au lieu de se fermer et de former une seule grosse bulle, ce tube se déstabilise pour former plusieurs petites bulles sphériques, à cause de l’instabilité dite « de Rayleigh-Plateau » : créer de la surface de film savonneux coûte de l’énergie, et de nombreuses bulles ont une surface totale plus faible qu’un long tube.

Les bulles de savon faites avec les réservoirs commerciaux pour enfants ont une taille limitée car le cercle en plastique est petit. Giu Vicente/Unsplash, CC BY

Si on souffle fort sur un film d’un diamètre donné, on va ainsi obtenir des bulles deux fois plus grandes que le diamètre du film. Nous avons montré récemment que si l’on soufflait à l’inverse tout doucement sur le film, on pouvait fabriquer des bulles significativement plus grandes (il faut ensuite souffler un petit coup sec pour détacher la grosse bulle obtenue).

Comment faire des bulles géantes

Mais pour faire des bulles géantes, pas question de subtilité sur le débit d’air envoyé sur le film : le vent doit pouvoir s’en charger. On fabrique donc simplement des films les plus grands possible, qui permettront de fabriquer des bulles de taille comparable.

Pour faire des bulles plus grandes, il faut agrandir la taille de l’objet sur lequel repose le film initialement. Maxime Bhm/Unsplash, CC BY

En principe, la taille des bulles ne dépend donc que de la taille du film formé et du débit avec lequel on souffle dessus : la solution savonneuse utilisée n’a que très peu d’importance. Pourtant, chacun sait que remplacer simplement par du liquide vaisselle la solution commerciale contenue dans un jouet n’est pas toujours efficace.

Pour comprendre pourquoi la recette du « savon à bulles » est si importante, il faut se pencher sur les mécanismes qui permettent l’amincissement du film lorsque la bulle se forme, et sur ceux qui ralentissent cet amincissement.

Une bulle de savon, c’est de l’air entouré d’un film de liquide extrêmement fin, lui-même entouré d’air. Ce film a initialement une épaisseur de quelques micromètres et va avoir tendance à s’amincir au court du temps jusqu’à devenir extrêmement fragile, et à éclater. Lorsque l’on forme une bulle géante, on étire très fortement le film initial, ce qui a tendance à l’amincir.

Formation d’une bulle de savon. À l’échelle moléculaire, la partie compatible avec l’eau se tourne vers l’intérieur de film, tandis que la partie plus compatible avec l’air se tourne vers l’extérieur du film.

Pour éviter l’éclatement du film, il faut du savon. Au niveau moléculaire, les molécules de savon sont des molécules « amphiphiles » : elles comportent une partie énergétiquement plus compatible avec l’eau et une autre partie plus compatible avec l’air. Elles ne sont tout à fait l’aise ni dans l’eau ni dans l’air, et elles ont tendance à se répartir à l’interface entre les deux. Les films de savon comportent ainsi deux interfaces avec l’air, chacune délimitée par une couche de molécules de savon qui protège le film.

Un peu de savon, mais pas trop

Ces molécules sont très importantes pour stabiliser les films de savon pour plusieurs raisons. D’une part, quand les films deviennent très minces, les molécules situées sur chacune des interfaces air/liquide commencent à se toucher. Elles se repoussent alors, soit parce qu’elles ne peuvent pas s’interpénétrer, soit parce qu’elles sont chargées positivement ou négativement et que les charges identiques se repoussent.

D’autre part, ces molécules savonneuses permettent de résister à l’amincissement du film grâce à l’effet Marangoni qui est dû à la présence d’un peu de molécules savonneuses, mais pas trop. C’est pour cela que les concentrations en liquide vaisselle utilisées pour faire des bulles géantes sont de quelques pour cent seulement.

Comprendre le comportement du film à l’échelle locale pour améliorer les recettes : on cherche l’équilibre entre molécules d’eau, de savon, de polymères, de glycérol…. Lanju Fotografie/Unsplash, CC BY

Mais les molécules de savon ne sont pas suffisantes pour faire des bulles géantes. Une des difficultés est qu’il faut fortement allonger le film de savon. Cette étape, qui nécessite d’amincir localement très fortement le film sans qu’il se casse, dépend beaucoup de la solution savonneuse utilisée.

Du savon… et d’autres molécules pour ne pas craquer

Pour cela, il faut ralentir l’amincissement en augmentant la « viscosité élongationnelle ». De même que la viscosité ralentit l’écoulement des liquides, la viscosité élongationelle ralentit l’élongation des films. Une forte viscosité élongationelle permet donc d’allonger fortement, mais tranquillement les films afin d’éviter leur rupture.

Ce paramètre peut être augmenté en ajoutant des polymères à la solution. Ce sont de longues molécules, formées de millions de petites molécules toutes identiques et attachées entre elles. Telles des spaghettis dans une assiette qui se renverse, ces molécules vont avoir tendance à s’aligner lors d’un écoulement et à frotter très fortement les unes contre les autres, empêchant ainsi un amincissement et une rupture trop rapide des films.

C’est pour cette raison que les solutions savonneuses des artistes contiennent du lubrifiant contenant un polymère à forte viscosité élongationelle (du polyéthylèneoxyde) – par exemple un lubrifiant vétérinaire commercial.

Longue vie aux bulles

Pour avoir le temps de les voir disparaître à l’horizon, voire de les manipuler pour les artistes les plus doués, il faut que la bulle n’explose pas tout de suite.

Cela nécessite d’éviter au maximum leur amincissement, car plus les films sont minces, plus ils sont fragiles. Or, les bulles s’amincissent avec le temps à cause de deux mécanismes. Le premier est le drainage : à cause de la gravité, le liquide contenu dans la mince pellicule liquide a tendance à tomber. La question de l’impact de la recette sur le drainage est aujourd’hui une question de recherche toujours ouverte.

Les bulles géantes survivent mieux par temps humide, car cela limite l’évaporation. Alfred Kenneally/Unsplash, CC BY

Le second mécanisme qui nuit à la longévité des bulles est l’évaporation. En effet, même à température ambiante, tout liquide s’évapore. Le film des bulles de savon est tellement fin que cette évaporation est très rapide.

Pour la limiter, on peut se placer dans un environnement humide. C’est pour cela que Sylvain Létuvée, artiste bulleur, se place dans la forêt au petit matin pour profiter de la rosée lorsqu’il veut battre son record de taille de bulle.

Une autre solution est de jouer sur la recette en ajoutant du glycérol, un liquide soluble dans l’eau et qui a tendance à absorber l’humidité (on dit qu’il est « hygroscopique »). Ainsi, une solution suffisamment concentrée en glycérol ne s’évapore plus. C’est pourquoi on retrouve souvent du glycérol dans les recettes de bulles géantes.

À vous de jouer !

Pour fabriquer des films géants, il faut se munir de deux grandes baguettes rigides entre 1 et 3 mètres de long. Ensuite, relier ces deux baguettes par deux morceaux de ficelle, l’un d’environ 1 mètre et l’autre d’environ 2 mètres. Elles formeront une surface sur laquelle on peut fabriquer un grand film. Il faut ensuite serrer les baguettes, tremper les ficelles dans l’eau savonneuse, les retirer et éloigner les baguettes l’une de l’autre pour former un grand film. Ensuite, reculez en tenant les baguettes loin devant vous pour gonfler le film et refermer les baguettes pour fermer la bulle… Quant à la recette, nous vous proposons la suivante, avec des informations supplémentaires disponibles ici, car les ingrédients ne sont pas tous aussi efficaces.

Mélanger, dans l’ordre :

  • 20 millilitres d’eau

  • 40 millilitres de liquide de vaisselle

  • 1 gramme de lubrifiant (mélange de polyéthylèneoxyde – PEO – et de sucrose)

  • 100 millilitres de glycérine

  • 40 millilitres d’eau

Vous pouvez conserver ce mélange. Ajouter 800 millilitres d’eau avant utilisation pour obtenir 1 litre de solution.

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