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Dans les sociétés occidentales, le végétarisme et le végétalisme sont essentiellement motivés par des préoccupations de santé ou par des préoccupations relatives au bien-être animal ou à la protection de la nature. Shutterstock, CC BY-SA

Comment se construisent les identités végétariennes ou végétaliennes

L’été battant son plein, il se pourrait bien que pour vous octroyer un petit plaisir vous recherchiez un restaurant où savourer de succulents mets en famille ou entre amis. Peut-être même que vous utiliserez une application mobile, telle The Fork, TripAdvisor ou encore Yelp pour vous aider à trouver le lieu parfait.

Mais dans certains cas, par exemple si vous ou l’un des convives pratiquez une alimentation végétarienne (exclure la viande rouge, la volaille ou le poisson) ou végétalienne (exclure toute forme de produits d’origine animale), d’autres applications plus spécialisées peuvent être mieux adaptées à vos besoins. Par exemple, Happy Cow se présente comme « la plus grande communauté végétalienne et carte alimentaire au monde ».

Au-delà de sa fonctionnalité de carte alimentaire, Happy Cow regroupe une communauté qui permet à ses membres d’entrer en contact et d’échanger des conseils pour suivre avec plus de facilité leur régime alimentaire. Cette pratique n’est pas nouvelle et fait écho à ce que la littérature académique nomme les communautés en ligne. Plus largement, une communauté, qu’elle soit en ligne ou non, peut se révéler intéressante et utile dans le soutien à une pratique alimentaire végétarienne ou végétalienne.

Nous avons mené une enquête et interrogé 19 végétariens et végétaliens. L’objectif était de mieux comment se construit l’identité végétarienne et végétalienne et le rôle de différents types de communautés mentionnées : communautés imaginaires ou réelles (physiques ou en ligne). La recherche en comportement du consommateur indique que les consommateurs construisent leurs identités personnelles et sociales via leurs interactions avec les ressources disponibles sur le marché (par exemple, les marques, les produits et les expériences), leurs choix de consommation et leurs comportements. Pour certaines personnes, être végétarien ou végétalien peut être bien plus qu’un simple régime alimentaire ; cela définit qui elles sont et constitue une caractéristique centrale de leur identité.

Des identités souvent mises à rude épreuve

Dans les sociétés occidentales, le végétarisme et le végétalisme sont essentiellement motivés par des préoccupations de santé ou par des préoccupations relatives au bien-être animal ou à la protection de la nature.

Adopter ce mode de vie est un processus complexe dans une société qui fait traditionnellement la part belle à la viande, et cela nécessite un effort certain.

Les personnes qui excluent la viande et les produits d’origine animale peuvent par ailleurs facilement se trouver stigmatisées ou confrontées à des attitudes ou stéréotypes négatifs. Par exemple, les hommes qui ne consomment pas de viande sont perçus comme plus féminins ou moins masculins que leurs homologues omnivores.

Ainsi, pour défendre leur identité et leurs valeurs, les végétariens et végétaliens rechercheront volontiers aide et soutien auprès d’autres personnes ayant un profil similaire au leur, et qui pourront les guider et les conforter dans leurs choix et leurs comportements de consommation.

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Les effets du recours à des communautés

Une première expression d’une communauté évoquée par les répondants concerne les communautés « imaginaires ». Ces dernières sont abstraites, fondées sur une identité commune, et se caractérisent par l’absence d’échange entre les membres : « Je fais partie des personnes qui ont commencé à réfléchir à changer leur façon de consommer » affirme ainsi Baptiste, l’une des personnes interrogées au cours de notre enquête. Christophe, lui, s’associe à « ceux qui pensent à l’avenir ».

/// Shutterstock, CC BY

Ces communautés « imaginaires » représentent un ensemble de personnes avec lesquelles les individus se sentent connectés ou par rapport auxquelles ils se définissent, dans leurs pratiques ou leurs convictions.

Au-delà de ces communautés d’identité, la plupart des répondants font aussi référence à de « vraies communautés », en ligne ou physiques. Ils mentionnent souvent des sites spécifiques, des forums en ligne ou des groupes Facebook. À travers ces communautés en ligne, ils recherchent des informations pratiques sur ces régimes alimentaires et ils cherchent à étayer leurs choix par des arguments factuels (par exemple, les impacts environnementaux de la consommation de viande).

Les répondants mentionnent également des communautés physiques : des groupes formels comme des associations (par exemple L214 qui lutte contre la maltraitance animale) ou des partis politiques et des groupes informels définis autour d’un contexte, d’une situation ou d’un lieu spécifique (par exemple, un fast-food végétalien, un groupe d’amis véganes). Ces communautés physiques offrent un soutien pratique et un contexte social où les individus peuvent se rencontrer et échanger avec des personnes partageant les mêmes valeurs.

Toutes ces communautés sont, pour de nombreux répondants, un catalyseur du passage des convictions à la pratique. Alexandre a appris à être végétarien avec ses colocataires : « L’un était végétarien depuis 10 ans, et l’autre depuis au moins 5 ans. C’était parfait pour commencer à cuisiner avec des légumes, pour faire des repas équilibrés, sans viande ».

Les communautés sont fréquemment utilisées par nos répondants pour recueillir des informations pratiques et des connaissances liées à leur alimentation. Si certains peuvent utiliser ces ressources passivement, cherchant simplement des conseils pour faciliter leur propre pratique, d’autres comme Alexia contribuent activement à la communauté en échangeant des recettes de cuisine et autres astuces : « C’est bien de pouvoir diffuser tout ce que nous avons appris en quatre ans de compilation d’informations, car il y a beaucoup de gens qui s’intéressent aux recettes sans viande sans vouloir se dire végétariens. »

Pour certains, comme Edouard, ces communautés aident à partager des convictions et à développer des arguments grâce aux informations qu’il a trouvées via l’ONG Greenpeace. Cela lui a permis de demander à la cantine de son lieu de travail de proposer des plats végétaliens.

Que se passerait-il si tout le monde était végan ? (Le Monde).

Le rapport aux communautés dans le processus de construction identitaire

La communauté peut être comprise comme une forme de refuge, une façon d’être rassuré dans ses choix de consommation et de partager des bons moments. Cela intervient à différents moments de la construction identitaire, selon le vécu de chacun, et permet d’affirmer son identité en renforçant à la fois ses convictions et ses pratiques. Ce mécanisme d’affiliation semble perdre de son importance lorsque la pratique s’est installée.

Il semblerait donc que l’affirmation de son identité, tant pour soi que par rapport aux autres, soit plutôt recherchée au début du processus afin de renforcer les convictions qui ont commencé à se dessiner.


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Une fois les convictions et les pratiques mieux affirmées, plusieurs répondants expliquent comment leur identité se consolide ensuite en se distinguant de certaines sous-communautés, imaginées ou réelles. Autrefois végétarien, Alexandre a quitté sa colocation car il ne se considérait pas comme eux. Plus largement, il s’oppose aujourd’hui à ce qu’il appelle le « végétarisme sectaire ».

Louise, même si elle est végétalienne, ne se reconnaît pas du tout, dans ce qu’elle appelle la « police vegane ». Ces mécanismes d’affirmation par la distinction semblent prendre de l’importance lorsque la pratique s’est installée. Elle consiste à affirmer son identité tant pour soi que par rapport aux autres, à travers une affirmation plus précise de convictions.

Avec l’augmentation du nombre d’individus végétariens, végétaliens et fléxitariens (ceux qui cherchent à limiter leur consommation de produits d’origine animale), ces communautés auront certainement un rôle encore plus fort à jouer dans les années à venir.


Cet article a été réalisé en collaboration avec Margot Dyen (Université de Savoie, IREGE Chambéry), Lucie Sirieix (L’Institut Agro Montpellier, UMR MoISA France), Erick Suarez (Université de Montpellier, MRM France).

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