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Consommateurs, pourriez-vous vous empêcher d’essayer les produits ?

Essayer des produits en réalité augmentée, c'est possible mais est-ce motivant?

Afin d’accompagner le lancement de la nouvelle version de sa montre Tank, Cartier a fait le pari de la réalité augmentée : à travers un filtre Snapchat, les utilisateurs peuvent visualiser le produit à leur poignet et découvrir son évolution au fil du temps. Comme Cartier, de plus en plus de marques proposent aujourd’hui des façons innovantes d’essayer leurs produits : des matelas vendus avec 100 jours d’essai (Emma, Tediber…), Etam qui propose le try-at-home, c’est-à-dire de recevoir une sélection de produit à domicile et de ne payer que ceux que l’on décide de conserver…

Tout cela suggère à quel point les consommateurs ont encore besoin d’essayer. Les ventes en ligne ne cessent de croître mais l’absence d’essai des produits reste leur principale limite. Pour le client, cela limite le risque de regretter son achat. Puisqu’il n’est pas possible de mobiliser tous ses sens derrière une page web, certains ont développé des comportements « hybrides ». C’est par exemple se renseigner en ligne sur un produit, puis se rendre en magasin pour l’essayer avant de l’acheter.

Pour les distributeurs, il s’agit de tirer le meilleur de deux mondes : celui du catalogue en ligne pour lequel l’essai est impossible contrairement au magasin où l’on ne peut cependant pas présenter une gamme entière. Cela impliquerait un maillage géographique serré, de grands espaces de vente, mais aussi beaucoup de personnel.

Dans ce contexte, les nouvelles formes d’essai semblent donc prometteuses. Nous avons en particulier étudié les perspectives ouvertes par la réalité augmentée.

Un vêtement joli ? Oui mais pas forcément sur moi

Comment un essai impacte-t-il les intentions d’achat des consommateurs ? D’où cela vient-il ? Est-ce reproductible autrement ? Pour répondre à ces interrogations, nous avons mené une étude en plusieurs phases.

Nous avons tout d’abord demandé à un échantillon de 162 jeunes femmes de choisir un rouge à lèvres parmi une gamme de 30 références. Une partie de l’échantillon devait choisir à partir de photos uniquement, comme sur Internet ; l’autre partie pouvait essayer les produits, comme dans un magasin. Les intentions d’achat ont été bien supérieures dans le second cas, 36 % plus élevées.

Une phase d’entretiens a ensuite permis d’expliquer les raisons de ce phénomène. 16 personnes nous ont fait le récit de leur dernier achat de vêtement ayant impliqué un essai. Nous leur avons posé des questions plus spécifiques sur les raisons les ayant poussés à essayer et sur la façon dont essayer avait influencé leur décision finale.

Essayer permet de valider un ensemble de caractéristiques, telles que la taille, la matière, la couleur et le confort. Une répondante nous explique :

« C’est vraiment important pour moi d’essayer quand j’achète un vêtement. Je n’ai pas forcément une taille très standard donc je dois d’abord essayer, surtout pour les pantalons. Quand je vois un vêtement que je trouve joli, par expérience, ça ne l’est pas forcément sur moi. »

C’est parce que l’essai permet de valider ces éléments qu’il facilite la prise d’une bonne décision par les consommateurs. Un essai réussi renforce la confiance du consommateur dans sa décision et génère ensuite une plus grande satisfaction :

« Je suis plus satisfaite quand j’essaie, car j’ai davantage confiance dans ce que j’achète. Généralement, je ne rends pas ce que j’ai essayé en magasin. »

La technologie, pas la meilleure réponse

Ces entretiens ont été complétés par une phase d’observations. Nous nous sommes rendus dans un showroom de meubles ayant la particularité de ne pas vendre directement les produits : les clients y peuvent les commander en ligne via des tablettes mais ne peuvent pas repartir avec leur achat. Il s’agit d’un espace exclusivement dédié à la visualisation et à l’essai des produits.

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Il est apparu que l’essai peut être séquencé en trois temps : le consommateur commence par regarder le produit sous différents angles, puis il le touche des doigts avant d’interagir avec, par exemple en s’asseyant ou en s’allongeant dessus. Nous observons aussi une logique d’aller-retour entre les produits. Le premier produit essayé est souvent un produit de référence et les produits essayés ensuite vont être jugés non pas dans l’absolu mais par rapport à ce produit de référence : ce second fauteuil est-il plus ou moins confortable que le premier ? Pour qu’un essai soit « complet » et puisse conduire à une bonne décision, il semble nécessaire que ces différentes étapes soient possibles.

Pour ces raisons, un essai virtuel en réalité augmentée ne pourra pas se placer sur le même plan qu’un essai physique. La technologie ne semble donc pas être la meilleure réponse à l’absence d’essai en ligne et les dispositifs tels que les 100 jours d’essai ou le try-at-home paraissent plus à même de conduire à des bonnes décisions d’achat. Cependant, ce n’est pas non plus une recette miracle pour les marques : laisser un délai (plus ou moins long) pour essayer les produits nécessite de disposer d’une trésorerie importante, puisque la vente ne sera pas immédiatement définitive. Le try-at-home double par ailleurs les problématiques logistiques car une partie des produits sera renvoyée au distributeur.

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