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Explosion d'une plate-forme pétrolière
Explosion de la base du méchant Blofeld, sur une plate-forme pétrolière, dans « Les diamants sont éternels » (1971). Diamonds are forever, 1971

Diamants, eau, volcans : James Bond entre ressources et risques naturels

Crise énergétique, accès aux ressources naturelles, course à l’innovation, spéculation et déstabilisation financière ou encore catastrophe naturelle rythment les scénarios bondiens. Dès le premier opus (Dr. No, 1962), les aventures de 007 reposent sur une base scénaristique intégrant la science et la technologie alliées aux enjeux géopolitiques mondiaux au gré des différentes époques de la saga. Et bien souvent, les géosciences ne sont pas loin…

Parmi les éléments scénaristiques, le cadre de l’action peut avoir un lien avec la géologie. Dans On ne vit que deux fois (1967), la base secrète de Spectre est localisée dans le cratère d’un volcan au Japon.

Il s’agit dans la réalité du volcan Shinmoe, sur l’île de Kyūshū, âgé d’environ 18 600 ans et dont la dernière éruption date de 2018. Gaz toxiques, séismes et éboulements, chaleur intense et ennoiement du cratère avec la possible formation d’un lac aux eaux acides, tout ceci est peu compatible avec l’établissement d’une base secrète souterraine, même temporaire.

Du point de vue géologique, il s’agit d’un volcan andésitique avec des éruptions explosives (type vulcanienne et plinienne). Le magma est assez visqueux (enrichi en silice) et les gaz se retrouvent piégés, la pression monte et des panaches, des pluies de cendres, des bombes et de rares coulées de lave se forment. À la fin du film, il s’agit en revanche d’une éruption effusive (coulées de lave très fluide (type hawaïen) et quelques explosions modérées de type strombolien).

volcan avec un lac
Le volcan Shinmoe (Japon) où s’est formé un lac de cratère, lieu de tournage dans On ne vit que deux fois (1967). Official website of Hydrographic and Oceanographic Department, Japan Coast Guard (JHOD)

Dans Meurs un autre jour (2002), le scénario axé géopolitique (réunification des deux Corée) repose sur l’usage d’une arme spatiale financée par les revenus de la vente de diamants de conflit par Gustav Graves. Officiellement, Graves possède une mine de diamants qui finance une action louable d’éradication de la famine dans le monde. Jusqu’ici, cela semble cohérent si ce n’est que la mine est localisée dans le film en… Islande ! Or, aucun gisement de diamants n’existe en Islande, tout simplement car le contexte géologique n’y est pas favorable.

diamant sur roche beige
Diamant sur kimberlite (collection du Muséum national d’histoire naturelle), une roche volcanique ayant permis la remontée de la pierre précieuse formée dans le manteau terrestre. N. Charles, Fourni par l'auteur

En effet, les diamants se forment à grande profondeur (manteau terrestre) et remontent dans la croûte terrestre par l’intermédiaire de violentes éruptions volcaniques. Les diamants se retrouvent piégés dans des roches nommées kimberlites qui sont exploitées aujourd’hui en Afrique du Sud, Australie, Canada, Russie ou encore au Botswana. Lorsque ces roches sont altérées et érodées, les diamants, très résistants, peuvent se retrouver piégés dans les sédiments des rivières.

En Islande, les seuls « diamants » visibles sont les blocs de glace échoués, entre autres, sur la plage de Fjellsfjara, au débouché de la vallée glaciaire de Breiðamerkursandur !

Solaire, pétrole : d’où vient l’énergie dans James Bond

Un autre élément scénaristique récurrent est l’accès aux matières premières ou à l’énergie. L’Homme au pistolet d’or est sorti en 1974, soit juste après le choc pétrolier de 1973 et les difficultés d’indépendance énergétique européenne, sujet toujours d’actualité… Le scénario repose sur l’intrigue visant à retrouver une technologie nommée « agitateur Sol-X ». Elle permettrait de capter l’énergie solaire avec un rendement de 90 % (quantité d’énergie lumineuse transformée en électricité), de quoi faire pâlir les actuels panneaux solaires dont les rendements sont plutôt de l’ordre de 10 à 25 %.

silicim metéal, galets et filon de quartz
Silicium métal, utilisé dans les cellules photovoltaïques qui convertissent l’énergie solaire en électricité. Il est produit à partir de quartz très pur (filon de quartz, galets de silex). Cette énergie est l’une des bases du scénario de « L’Homme au pistolet d’or » de 1974. Nicolas Charles, Fourni par l'auteur

Cette technologie utilise l’effet photovoltaïque découvert par Henri Becquerel en 1839. En effet, certains matériaux semi-conducteurs génèrent de l’électricité une fois soumis à la lumière du soleil, c’est le cas du silicium cristallin produit à partir de silicium métal, lui-même obtenu grâce à la transformation (à environ 2000 °C) de galets de quartz, de grès, de silex ou de quartzite très purs (> 98 % de silice).

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Très loin du scénario bondien, le rendement théorique maximal de cellules photovoltaïques simples est d’environ 33 % (on peut « empiler » des cellules et concentrer le rayonnement solaire – en théorie, avec une infinité de cellules, ceci permettrait de monter jusqu’à environ 68 %, ce qui est bien sûr infaisable en pratique).

Toujours dans l’accès aux ressources, Le monde ne suffit pas (1999) nous plonge dans le milieu du pétrole. Elektra King (Sophie Marceau), héritière d’une entreprise pétrolière, construit un pipeline pour concurrencer l’or noir venu de Russie et qui alimente l’Europe. Pour ce faire, le scénario s’oriente vers l’explosion d’un sous-marin nucléaire dans le détroit du Bosphore visant à générer une instabilité sur les approvisionnements pétroliers du Vieux Continent.

Autre clin d’œil à l’or noir, la base du méchant Blofeld dans Les diamants sont éternels (1971) se localise sur une plate-forme pétrolière.

Il faut rappeler que le pétrole, le charbon et le gaz naturel demeurent encore aujourd’hui les ressources minérales les plus utilisées pour produire l’énergie consommée dans le monde (80 % en 2019). La transition énergétique qui tend à se défaire des ressources carbonées fossiles se fera par la consommation d’autres ressources minérales comme certains métaux stratégiques (lithium, terres rares, cobalt, nickel, etc.).

Accès à l’eau, problème majeur du XXIᵉ siècle… et de Quantum of Solace

Une autre ressource minérale, vitale, c’est l’eau. En 2022, les Nations-Unies estimaient qu’environ 99 % des réserves en eau douce liquide de la planète résidaient dans les nappes phréatiques (entre 11,1 et 15,9 millions de kilomètres cubes), autrement dit le sous-sol, domaine de l’hydrogéologue.

La thématique de l’accès à l’eau sert de base au scénario de Quantum of Solace (2008). L’intrigue prend place en Bolivie, où James Bond (Daniel Craig) découvre des lacs souterrains que Dominic Greene (Mathieu Amalric) a créés en faisant construire des barrages pour priver les populations locales d’accès à l’eau, faisant main mise sur les ressources hydrogéologiques du pays.

schéma de différents types de réservoirs
Les différents types de réservoirs d’eau souterraine. BRGM ; modifié d’après Collin, 1992, Fourni par l'auteur

L’image de grands lacs souterrains pour matérialiser les nappes est souvent utilisée auprès du grand public, or c’est largement trompeur. Dans l’immense majorité des cas, les nappes phréatiques ne sont ni des lacs ni des rivières souterraines ! Il s’agit d’eau contenue dans les pores ou les fissures des roches saturées par les eaux de pluie qui se sont infiltrées. Les rivières et les lacs souterrains demeurent donc une exception et se rencontrent dans certains massifs calcaires où se développe un karst.

Quand James Bond provoque des séismes

Pour finir, Dangereusement vôtre (1985) repose sur un scénario s’inspirant du risque sismique. Maximilian Zorin (Christopher Walken) entend détruire la Silicon Valley, poumon économique des technologies du numérique aux États-Unis. Zorin compte déclencher un séisme par une forte explosion en profondeur et en injectant de l’eau dans les failles de San Andreas et de Hayward.

Les géologues parlent de « séisme induit », à savoir un séisme déclenché par une activité humaine, comme la fracturation hydraulique (par exemple à cause de l’extraction des gaz de schiste), les mines ou carrières, les barrages, la géothermie profonde, ou le stockage souterrain.

A certains endroits, le sol change de nature lors de séismes
Risque de liquéfaction en cas de séisme dans la région de San Francisco. USGS-California Geological Survey, Fourni par l'auteur

Le scénario est ici poussé à l’extrême avec un séisme majeur alors même que les séismes induits sont de faible à moyenne intensité dans l’immense majorité des cas. La Californie se situe à la limite entre deux plaques tectoniques (Pacifique à l’ouest et Amérique du Nord à l’est) qui coulissent l’une par rapport à l’autre, générant des séismes naturels le long d’un système de failles actives dont celles de San Andreas et de Hayward.

Si le scénario prévoit la submersion de la zone, dans la réalité, le risque majeur en cas de séisme est en fait le « phénomène de liquéfaction ». La Silicon Valley repose en effet sur des sols sablo-argileux qui, lorsqu’ils sont saturés en eau et soumis à un séisme, perdent leur portance causant de graves dommages aux bâtiments, c’est ce que l’on appelle un « effet de site ». Ce fut le cas à Mexico en 1985, et peut-être également à La Laigne en Charente-Maritime, lors du séisme du 16 juin 2023.

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