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Clocher de l'église fissuré suite au tremblement de terre sur la commune de La Laigne.
Dégâts sur la commune de La Laigne. JC Audru, BRGM , Fourni par l'auteur

Que sait-on du séisme de La Laigne, en Charente-Maritime ?

Un fort séisme est survenu le 16 juin à 18h38, à 11 kilomètres au nord de Surgères et à 35 km à l’est de La Rochelle. Ce séisme a été ressenti dans une grande partie de l’ouest de la France, de Bordeaux au sud à Caen au nord, et jusqu’à Clermont-Ferrand à l’est. Plusieurs répliques ont été enregistrées à ce jour, les deux plus importantes ayant eu lieu le 17 juin à 04h27 et 09h31.

mur effondré
Des dommages structuraux et non-structuraux ont été infligés par le séisme de La Laigne sur les bâtiments de la région. BRGM-JC Audru, Fourni par l'auteur

La magnitude de moment du séisme est évaluée entre 4,8 et 4,9 d’après l’Observatoire de la Côte d’Azur et l’Institut de Physique du Globe de Paris. Cette magnitude relativement importante du séisme, combinée à une très faible profondeur du foyer estimée à seulement 3 kilomètres, s’est traduite par une forte intensité des secousses dans la région épicentrale : à ce jour, le Bureau central sismologique français estime l’intensité épicentrale à 7 sur une échelle 12 (communication personnelle des auteurs).

Ce niveau d’intensité correspond au niveau à partir duquel des dommages modérés peuvent apparaître sur les bâtiments les plus vulnérables. Et effectivement, les remontées de terrain montrent des dommages dans la zone épicentrale autour de la commune de La Laigne en Charente-Maritime.

La communauté scientifique est fortement mobilisée et des déploiements instrumentaux sont en cours depuis le 17 juin sur la zone épicentrale pour enregistrer les répliques et améliorer la compréhension du phénomène. Ces travaux permettront de mieux comprendre les mécanismes en jeu au niveau de la faille qui a rompu et les impacts liés au séisme.

Des failles et des sédiments

La région touchée par le séisme se situe sur la bordure nord du bassin d’Aquitaine au sud des reliefs du massif sud-armoricain. La zone épicentrale se situe approximativement à mi-distance entre La Rochelle et Niort.

Reliefs du Massif armoricain, recoupés par les grands systèmes de failles
Reliefs du Massif armoricain traversé par des grands accidents tectoniques hercyniens, recoupés par les grands systèmes de failles. Isabelle Thinon, topographie via l’IGN ; bathymétrie via Emodnet, Fourni par l'auteur

Les formations géologiques du sous-sol sont constituées d’une couche sédimentaire de calcaires marneux et argileux d’environ 150 à 200 mètres d’épaisseur, qui datent du Jurassique (c’est-à-dire entre environ 175 et 150 millions d’années). Cette couche est faiblement plissée vers le sud-sud-ouest. Ces sédiments sont recouverts localement par au moins 2 à 10 mètres d’argiles (illite et kaolinite dominantes) d’origine fluvio-marine, déposées il y a 19 000 ans lors de la remontée du niveau marin dans les dépressions du marais poitevin. Ce niveau superficiel d’argiles a pu induire un « effet de site » amplificateur du mouvement sismique : en présence d’une couche de terrain meuble en surface, les ondes sismiques peuvent être piégées, ce qui amplifie le mouvement sismique.

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Ce type d’effets s’est produit par exemple lors du séisme de Michoacán le 19 septembre 1985, séisme qui a produit des dommages considérables sur la ville de Mexico, pourtant située à plus de 350 kilomètres de l’épicentre.

Si le contexte géodynamique est globalement connu à l’échelle des plaques lithosphériques, la connaissance géologique du sous-sol à l’échelle de la région des Charente-Maritime et régions avoisinantes, à la fois sur terre et en mer, ne permet pas aujourd’hui d’affilier ce séisme à une faille précise.

Plusieurs équipes à Strasbourg, à Nice et en Allemagne ont déterminé les géométries possibles du plan de faille responsable du séisme à partir des ondes sismiques enregistrées à distance sur des sismomètres : on parle de « mécanismes au foyer ».

schéma de faille en décrochement
Faille en décrochement. R. Lacassin/Wikipedia, CC BY-SA

Pour le séisme de La Laigne, les résultats indiquent un mécanisme en « décrochement », c’est-à-dire un mouvement relatif ou un glissement entre les deux bords d’une faille verticale ou quasiment verticale. L’orientation de ces plans renseigne les scientifiques sur la faille à l’origine de la rupture sismique.

La région étant historiquement sismique, des études à terre comme en mer au BRGM en collaboration avec des équipes universitaires, initiées il y a quelques années, sont encore en cours pour compléter la connaissance du schéma structural, c’est-à-dire la distribution et le fonctionnement des failles dans le passé et potentiellement actives dans la région.

carte des séismes historiques dans la région
Carte représentant les séismes historiques connus dans la région du séisme de La Laigne du 16 juin 2023. Les couleurs indiquent l’intensité macrosismique des séismes historiques. Les lignes noires indiquent la position des failles actives connues dans la région. Johanna Vieille, base de données SisFrance et BDFA, Fourni par l'auteur

Cependant, localement, certaines failles n’ont pas encore été cartographiées car non observables en surface, parce qu’elles sont recouvertes par des terrains sédimentaires récents ou la végétation. C’est possiblement le cas pour la faille responsable du séisme de La Laigne. Des investigations avec acquisitions de données plus ciblées (structurale, géophysique, géomorphologique, etc.) seraient nécessaires pour comprendre plus finement le contexte du séisme de La Laigne.

Des séismes historiques dans la région

La région est associée à une sismicité modérée, induite par la réactivation d’anciennes failles dans le contexte actuel de convergence des plaques Afrique et Europe. Elle est marquée par des événements historiques dont les plus importants ont généré des dommages, comme l’attestent les études menées par les historiens sur les écrits et documents anciens.

carte d’isoséistes
Les intensités recensées pour les séismes d’Oléron de 1972 et de Luçon de 1780 dans la base de données de sismicité historique Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN). L’échelle compte 12 niveaux, le violet représente la fourchette 2-3 ; le rouge la fourchette 7-8. Le séisme de juin 2023 est pour l’instant évalué au niveau 6. base de données SisFrance, Fourni par l'auteur

Les séismes de 1972 à l’île d’Oléron, de 1772 à Parthenay, de 1780 vers Luçon, ou de 1835 dans le Haut Poitou, sont les événements répertoriés les plus importants de la zone. Lors du séisme d’Oléron en 1972 par exemple, les journaux de l’époque font état de dégâts sur les phares de Chassiron et d’Antioche.

Ces événements historiques, emblématiques du potentiel sismogène de la zone, sont distribués dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres autour de la zone épicentrale. Comme le séisme du 16 juin 2023, ils sont associés à des « intensités macrosismiques » témoignant de dégâts dans la zone épicentrale. L’intensité macrosismique est la quantification de la puissance d’un tremblement de terre en un point particulier de la surface du sol sur les personnes, les constructions et l’environnement, à partir d’une estimation statistique des effets engendrés en ce lieu.

tableau des séismes historiques
Les séismes historiques dans la région. Les magnitudes de moment estimées Mw sont extraites de l’article de Manchuel et collaborateurs, et les intensités épicentrales I0 sont issues du catalogue Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN), sauf celle du séisme de 2023, communication personnelle de auteurs. Elsa Couderc et Anne Lemoine, CC BY

Les séismes d’Oléron de 1972 ou de Luçon de 1780 semblent avoir été d’une ampleur équivalente à celui du 16 juin 2023, aussi bien en termes de magnitude, d’intensité épicentrale que de distribution spatiale des intensités macrosismiques, comme indiquées sur le tableau.

Notons que des séismes similaires aux séismes de magnitude supérieure ou égale à 5 mentionnés ci-dessus peuvent se produire dans l’ensemble de la région, y compris autour de la commune de La Laigne, où seuls des événements plus modérés avaient été répertoriés jusqu’au 16 juin dernier – par exemple le séisme du 5 avril 1950 associé à une magnitude de moment Mw 3,4 et à une intensité épicentrale 5.

Quatre ans après le séisme qui a frappé la commune du Teil, le séisme de La Laigne nous rappelle l’importance de mieux comprendre le comportement des failles actives dans les régions associées à une sismicité modérée. L’évaluation de l’aléa sismique dans un tel contexte reste complexe mais primordiale.

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