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Un homme passe des clés à un autre.
Les questions auxquelles il faut tenter de répondre en amont de la transmission concernent aussi « l’après-transmission ». Shutterstock

Entreprises familiales : le défi du retrait progressif pour le cédant

La transmission d’une entreprise familiale n’est pas un long fleuve tranquille. Cette aventure collective chamboule tout à la fois la vie de la famille et celle de l’entreprise, renvoyant le cédant dans une position éminemment inconfortable et exigeante. Céder sa place n’est jamais chose facile mais en matière d’entreprise familiale le défi est vraiment de taille. En effet, il s’agit pour le cédant d’accepter de démarrer un processus de désengagement progressif, tout en accompagnant le successeur dans sa montée en compétences en tant que dirigeant de l’entreprise familiale.

En outre, le cédant doit penser non seulement à la transmission de son entreprise elle-même mais aussi à son propre retrait progressif, dans une perspective réaliste et apaisée. Tout plan de transmission devrait en effet s’accompagner d’un plan de départ à la retraite pour le cédant car, en l’absence d’un tel projet de retraite, le désengagement risque d’être plus long et plus douloureux psychologiquement pour tous les acteurs en présence.

« Comment continuer à vivre ? »

Ainsi, un dirigeant dans un article de recherche publié en 2016 s’interrogeait :

« Comment vais-je pouvoir continuer à vivre, à exister, à rester valable, à avoir une image positive de moi-même si je me sépare de mon entreprise ? »

Ce témoignage illustre les résultats de l’enquête mondiale de 2019 du réseau STEP Project Global Consortium for family enterprising, dont la Chaire Entrepreneuriat Familial & Société d’Audencia est adhérente. Ces données montrent que la plupart des dirigeants partent en retraite au-delà des 70 ans et n’ont pas ou peu de projets pour l’« après » transmission de leur entreprise.

Enquête mondiale de 2019 du réseau STEP

Une bonne proportion des dirigeants d’entreprise familiale dans le monde déclare vouloir se retirer après 70 ans, 40 % d’entre eux en Amérique du Nord, 60 % en Europe et Asie centrale et 46 % en Asie.

À la question « Quels sont vos projets pour « après » ? Avez-vous de nouveaux projets pour la retraite une fois parti de l’entreprise familiale ? », on constate qu’en Amérique du Nord, 50 % des dirigeants n’ont aucun projet pour la retraite, de même que 42 % en Europe et Asie centrale.

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Parmi ceux qui ont des projets pour « après », 37 % veulent passer plus de temps en famille et voyager, certains envisagent une semi-retraite (ils vont continuer à rester engagés dans des projets mais d’une manière moins active) notamment en Amérique latine ; en Asie et au Moyen-Orient, les dirigeants souhaitent prendre part à des activités philanthropiques après la transmission de leur entreprise.

« Fausses peurs »

Pour conclure, les dirigeants d’entreprise familiale soulignent unanimement l’importance de la transmission familiale à la fois sur le volet capitalistique et managérial. Se projeter dans la planification de la transmission entraîne une série de questionnements et de doutes pour le dirigeant et ses successeurs potentiels.

Les questions auxquelles il faut tenter de répondre en amont de la transmission concernent donc aussi « l’après-transmission ». Que vais-je faire de ma vie à la retraite ? Que vais-je devenir, quel sera mon rôle dans la famille, dans la communauté, une fois la transmission effective ?

Dans le rapport « La culture entrepreneuriale et familiale : un levier pour la transmission ? » de notre Chaire paru en 2020, nous avions publié un « avis d’expert » qui illustrait que ces craintes étaient généralement infondées :

« Nous remarquons une incapacité à anticiper les enjeux de transmission. C’est un sujet qui n’est pas fluide et à maturation lente. Plus on s’empare de la transmission en amont plus elle est digeste. Souvent, les dirigeants pensent qu’à 70 ans ils ont encore la vie devant eux ! Cette incapacité à anticiper est fréquente. Il y a une forme de peur des dirigeants. Souvent, ils hésitent à s’en emparer. Cela ne leur paraît ni simple ni prioritaire face à des sujets de croissance ou de digital. Ce sont souvent de fausses peurs ! En réalité, évoquer ces sujets provoque une décontraction pour tous. Traiter ces sujets-là est compliqué pour les Français alors que pour les Anglo-Saxons, c’est fluide. La France est spécifique car les frais fiscaux sont lourds et culturellement ces sujets sont tabous. Malgré tout, ça bouge pour la génération des dirigeants de 40-50 ans : ils pensent qu’il faut ouvrir les enfants à la culture entrepreneuriale ».

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