Menu Close
Entretenir des relations dans le monde politique, une bonne chose pour des femmes d'affaires ? Shutterstock

Entretenir des relations politiques, vraiment un avantage pour une dirigeante d’entreprise ?

Intuitivement, on aurait tendance à penser qu’une firme disposant de liens avec le gouvernement ou une autorité locale bénéficierait d’avantages du fait de ce statut privilégié. Il a même été démontré qu’une entreprise disposant de connections politiques aurait tendance à demander plus facilement un crédit, autrement dit d’être moins découragée de le faire, qu’une entreprise sans. Cela est principalement la résultante d’un accès privilégié à des informations. Penser qu’elle n’a aucune chance d’obtenir un emprunt peut décourager une entreprise de le solliciter et les connexions politiques semblent constituer un levier intéressant permettant pour contrebalancer le phénomène. Elles présentent en effet deux conséquences pour les entreprises.

Elles leur permettent, d’une part, d’avoir accès à des personnes influentes et d’en tirer des bénéfices personnels. C’est la théorie du « know-who » (savoir qui connaître). Une société peut ainsi avoir accès à des ressources supplémentaires, mais également à des soutiens supplémentaires. Il a été par exemple démontré que les relations politiques permettaient aux entreprises du Pakistan de faire pression sur les banques afin d’obtenir des taux de crédit préférentiel.

D’autre part, ces connexions permettent également de mieux comprendre les processus internes des gouvernements ou des régulateurs et d’en tirer parti. C’est la théorie du « know-how » (savoir comment). C’est cette théorie qui explique les réductions du découragement bancaire : grâce à leurs liens avec le monde politique, les entreprises ont une meilleure compréhension du marché du crédit et des attentes des régulateurs, ce qui leur permet d’être plus confiantes dans le montage de leur dossier et d’oser demander un crédit.

Notre étude récente suggère néanmoins que, de manière globale, ce résultat ne vaudrait pas pour les entreprises dirigées par des femmes à travers le monde.

Des intérêts identiques pour tout le monde ?

Que se passe-t-il en effet quand cette compréhension met en avant des problèmes sur le marché, tels que la discrimination ? Si la connexion politique confère aux entrepreneuses un accès privilégié à l’information et une compréhension de l’environnement dans lequel elles évoluent, elle leur permet également de percevoir avec plus d’acuité les barrières systémiques auxquelles elles font face. Une femme qui passe du temps à gérer des affaires professionnelles avec le gouvernement ou le régulateur aura tendance à être plus découragée qu’une femme qui ne traite jamais avec eux.

Cette interprétation se confirme lorsque l’on opère une décomposition en fonction de l’égalité des droits entre hommes et femmes selon les pays. En utilisant un indicateur de la Banque Mondiale, nous démontrons que les femmes avec des connexions politiques sont plus découragées surtout dans les pays où il existe une forte discrimination envers les femmes. À l’inverse, les femmes sont moins découragées lorsqu’elles se trouvent dans des pays au niveau d’équité assez élevé.

Tout dépend ainsi de ce qu’entretenir des relations politiques permet d’observer : en présence d’une forte discrimination, leur réseau permet aux femmes de la percevoir de manière plus accrue et tendent donc à augmenter leur découragement ; à l’inverse, en l’absence de discrimination, les connexions politiques permettent aux femmes de mieux comprendre le processus de crédit, de percevoir l’absence d’une potentielle discrimination, et donc de réduire leur découragement.

Combattre les connexions politiques ?

Les avantages conférés par des liens avec des personnalités politiques sont souvent considérés comme injustes, voire illégaux, principalement à cause du « know-who » permettant aux individus de faire pression pour en tirer un bénéfice personnel. Cependant, nos conclusions rappellent aussi qu’elles peuvent s’avérer positives lorsqu’elles permettent de lever une forme d’autocensure pour des femmes entrepreneures qui auraient besoin d’un emprunt. Que faire alors ? Vouloir les combattre ou les favoriser dans certains contextes ?

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Tant que la discrimination persiste, les femmes seront susceptibles de ressentir un découragement accru, plus encore lorsqu’elles ont des connexions politiques. Ce serait donc du côté de mesures visant à promouvoir l’égalité des genres et à éliminer les pratiques discriminatoires qu’il s’agirait de se tourner pour créer un environnement équitable et favorable aux entrepreneuses, plutôt que de chercher à les mettre en relation avec des personnalités proches du pouvoir.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,700 academics and researchers from 4,947 institutions.

Register now