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La construction de narrations interactives sur Twitter

Quels mécanismes pour la narration sur Twitter ? Jisc.co.uk, CC BY-SA

Atelier de recherche du MJMN, 1/5 : Les étudiant·e·s du Master Journalisme et médias numériques de l’Université de Lorraine font la synthèse de leur atelier de recherche 2017-2018, au cours duquel elles et ils ont rencontré des chercheur·e·s travaillant sur les médias – depuis les pratiques professionnelles jusqu’aux thématiques récurrentes dans l’information. Une série réalisée pour The Conversation France en partenariat avec le Centre de recherche sur les médiations (Crem). Pour ce premier épisode, le texte et la vidéo sont signés Camille Bresler, Kévin Bressan et Cassandre Jalliffier.


« Les représentations médiatiques de certains événements d’actualité, à travers leur processus de narration, construisent des récits. Et cela impacte la circulation de l’information dans les réseaux numériques. »

Telle est l’analyse de Justine Simon, chercheuse au Crem, qui a étudié les mécanismes d’appropriation et de circulation des récits sur Twitter à partir de trois corpus de tweets « multimodaux », c’est-à-dire contenant d’autres éléments que du texte – en premier lieu des images détournées, modifiées ou moquées dans un but politique.

Dans un premier temps, elle analyse le buzz médiatique créé par le Lab d’Europe 1 qui, en octobre 2013, proposa aux internautes de détourner la photographie de Ségolène Royal publiée par Le Parisien Magazine et la mettant en scène en Marianne guidant le peuple. La photographie d’« origine » étant elle-même une citation, les détournements se faisaient sous la bannière du mot dièse #RoyalDelacroix.

Dans son deuxième corpus, Justine Simon s’applique à comparer 336 tweets, récoltés entre le 7 janvier et le 9 août 2015, afin d’identifier les illustrations les plus reprises sur le réseau social à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo. Résultat ? La caricature réalisée par Plantu et parue dans l’édition du 9 janvier 2015 du Monde, le crayon guidant le peuple de Stéphane Mahé, paru dans le Times du 12 janvier, ainsi que la photographie « Le triomphe de la république » de Martin Argyroglo, parue dans L’Obs du 12 janvier, sont les 3 œuvres qui ont été le plus reprises, appropriées et reformulées.

Enfin, le dernier corpus repose sur 546 tweets du 16 au 23 décembre 2015. Ils font suite à l’interview de Marine Le Pen par Jean‑Jacques Bourdin sur RMC, au cours de laquelle le journaliste avait comparé le Front national à Daech. L’analyse montre qu’il s’ensuit une surenchère argumentative avec les tweets « Daesh c’est ça » qui peuvent faire référence au troisième Reich comme aux mèmes Disney.

Qu’ils aient pour but la performance technodiscursive, la créativité ou la visée argumentative, les détournements d’illustrations sont nombreux dans chacun des trois corpus. Ces constructions de récits interactifs invitent à penser les réseaux socionumériques comme des espaces publics. À travers l’analyse de ces tweets multimodaux, Justine Simon cherche à comprendre la montée en puissance des images à travers leurs multiples formes (émoticônes, émojis, images fixes, vidéos, Twitter cards, gif, livestream) et usages. Ces modes d’énonciation, qu’ils soient authentifiant, fictif ou ludique, ont un point commun : ils participent d’une forme de crowdsourcing. Selon elle, la construction et la narration partagées entre internautes forment un récit interactif et permettent sa circulation, à l’image d’un mème.

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