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 Labrador Tea plant with green and orange leathery leaves
Le thé du Labrador est l'une des plantes boréales considérées comme nuisible. Cette plante est importante pour les communautés autochtones en raison de ses propriétés curatives. (J. Baker), Fourni par l'auteur

La réconciliation avec les peuples autochtones doit aussi passer par la protection des plantes boréales

Le thé du Labrador, l’épilobe, le cerisier de Virginie et le framboisier comptent parmi les plantes de la forêt boréale considérées comme des « mauvaises herbes » par la Société canadienne de malherbologie. Ces plantes sont traitées aux herbicides par les entreprises d’exploitation forestière dans l’ensemble de la forêt boréale canadienne.


Cet article fait partie de notre série Forêt boréale : mille secrets, mille dangers


La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !


Cependant, ces espèces de plantes boréales sont des plantes traditionnelles importantes pour de nombreuses communautés autochtones au Canada et dans le monde entier. Outre leur utilisation alimentaire, ces plantes indigènes traditionnelles ont une énorme importance médicinale, culturelle et matérielle.

Ces espèces végétales ont prospéré avant l’arrivée des Européens et sont respectées et entretenues par les communautés autochtones, ce qui contribue à accroître la diversité bioculturelle.

En tant qu’anthropologue de la culture et de l’environnement, je travaille depuis 2006 pour et avec les communautés des Premières Nations dans la forêt boréale albertaine. Dans l’article que j’ai récemment publié, je révèle comment l’appropriation indue de ces plantes sur les territoires traditionnels est fondée sur un préjugé colonial quant à la valeur économique des plantes.

La forêt boréale est menacée

Au cours des dernières décennies, les plantes boréales ont été soumises à de nombreuses menaces, notamment des tentatives d’extraction à des fins commerciales ou d’éradication à l’aide d’herbicides.

Le problème réside dans ce que l’on appelle le « bois d’œuvre », en comparaison à l’abondance des plantes de la forêt boréale qui couvrent le sol sous les arbres.

Une plage jonchée de billots
Une plage jonchée de billots au parc national de Pukaskwa sur le lac Supérieur en Ontario. La forêt boréale canadienne est soumise à de nombreuses menaces. LA PRESSE CANADIENNE/Colin Perkel

Lorsque les agences gouvernementales et les entreprises d’exploitation forestière respectent leur obligation de consulter les Premières Nations, elles ont tendance à ignorer les préoccupations exprimées au sujet de la destruction des plantes traditionnelles qui poussent en abondance.

Par exemple, les peupliers baumiers et peupliers faux-trembles, les bouleaux, le thé du Labrador, les bleuets et la menthe sauvage sont des plantes qui poussent en abondance dans la forêt boréale et qui ont une grande importance culturelle.

Au cours du processus de consultation, lorsqu’un aîné ou un membre de la communauté identifie les plantes à protéger, les représentants des entreprises forestières répondent souvent que ces plantes poussent abondamment dans toute la forêt et que leur destruction n’a donc aucune incidence significative sur les droits inhérents protégés par le traité.

Cette décision externe peut compromettre l’accès des membres des Premières Nations à leur territoire ancestral.

La perte d’accès à des plantes qui peuvent paraître abondantes est exacerbée par l’utilisation de l’herbicide glyphosate lors du reboisement, ainsi que par la présence de pipelines et de lignes électriques le long des routes.

Les plantes à forte valeur nutritionnelle et médicinale, comme le thé du Labrador, sont éliminées afin qu’elles n’interfèrent pas avec les pratiques de reboisement en monoculture axées sur le bois d’œuvre. Cette pratique témoigne d’un intérêt commercial marqué, au détriment d’une forêt saine et diversifiée.


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La destruction de la forêt boréale a un impact sur les communautés autochtones

Lorsque les communautés perdent leurs territoires de cueillette, elles doivent se tourner vers des zones plus vastes. Ce compromis implique de demander l’accès aux terres d’autres communautés, en plus de risquer de récolter des plantes contaminées par des composés organiques volatils, des métaux lourds ou des herbicides.

Des recherches menées dans la forêt boréale ont révélé que le glyphosate persiste dans les tissus végétaux pendant au moins une décennie. Les communautés avec lesquelles je collabore dans le cadre de mes recherches demeurent très préoccupées par l’utilisation d’herbicides sur leur territoire, et ce à juste titre.

rangées de feuilles séchant sur une surface plane
De la menthe sauvage de la forêt boréale - utilisée comme aliment et comme médicament - qui est en train de sécher. (J. Baker), Author provided

Les aînés des communautés des Premières Nations sont également préoccupés par les effets de la bioaccumulation, c’est-à-dire l’accumulation progressive de substances telles que les pesticides ou d’autres produits chimiques dans la chaîne alimentaire. Ces préoccupations sont fondées sur leurs systèmes de droit naturel, leurs traditions orales et leur respect et réciprocité dans leur lien à la forêt.

La réconciliation passe aussi par les plantes

Alors que le Canada tente de se réconcilier avec les communautés autochtones par l’intermédiaire de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, la reconnaissance des espèces végétales ayant une valeur traditionnelle est essentielle.

Les appels à l’action pour l’amélioration de l’éducation portant sur les peuples autochtones, des programmes pour la jeunesse, de la langue et de la culture, et des soins de santé sont directement liés à la participation à des activités axées sur le territoire. Les espèces végétales doivent être présentes pour que de telles activités soient possibles.

La disponibilité de ces espèces signifie qu’elles doivent être respectées et conservées sur la base des approches autochtones et du savoir écologique traditionnel.

Négliger les espèces végétales, dans le contexte des systèmes juridiques naturels autochtones, revient à ignorer l’intendance autochtone, ancestrale et actuelle. Ignorer les espèces indigènes mène à l’appropriation indue et répétée des territoires traditionnels, une plante à la fois.

This article was originally published in English

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