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Les cultures autochtones possèdent un savoir ancestral et une connaissance approfondie des plantes qui méritent d'être reconnus, préservés et valorisés pour le bénéfice de l'ensemble de la société. (Olivier Fradette), Fourni par l'auteur

Plantes de la forêt boréale : de la médecine traditionnelle autochtone à la médecine moderne

Les produits naturels de santé et phytomédicaments (médicaments à base de plantes) sont utilisés dans de nombreux pays comme première option de médication. Ce marché représente une part importante du commerce des produits de santé, en particulier dans les pays en développement où une grande partie de la population dépend de ces produits pour se soigner.


Cet article fait partie de notre série Forêt boréale : mille secrets, mille dangers


La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !


Ces produits sont profondément enracinés dans les connaissances et les traditions ancestrales, transmises de génération en génération par les communautés autochtones. Ces savoirs représentent une source d’informations inestimable pour la recherche scientifique.

En explorant ces connaissances, les chercheurs peuvent découvrir de nouvelles molécules médicinales. Certaines de ces molécules isolées de plantes sont aujourd’hui des agents thérapeutiques très importants de la médecine moderne. On peut par exemple penser au paclitaxel, un agent anticancéreux utilisé en chimiothérapie, qui a été isolé de l’if du Canada (Taxus canadensis), un arbuste que les peuples autochtones utilisent pour soigner divers problèmes de santé.

Depuis plusieurs années, le laboratoire LASEVE, situé à l’Université du Québec à Chicoutimi, a mis de l’avant son expérience en recherche phytochimique, pharmacognostique et pharmacologique pour explorer les composés actifs de plantes endémiques du Canada en se basant sur les connaissances ancestrales des peuples autochtones. Le laboratoire dispose d’une expertise complète, allant de l’identification des plantes à fort potentiel thérapeutique, à la détermination de la composition chimique, au développement de méthodes d’extraction, à l’isolement des composés ainsi qu’à l’évaluation des activités biologiques.

La forêt boréale : une source de médicaments naturels

Plusieurs espèces de plantes de la forêt boréale répertoriées dans la médecine traditionnelle autochtone ont été étudiées par l’équipe du LASEVE.

Le quatre-temps (Cornus canadensis), par exemple, est traditionnellement utilisé comme remède antiviral par les Premières Nations. Nos travaux de recherche sur cette espèce ont mis en évidence que l’extrait des feuilles détenait une activité thérapeutique contre l’herpès simplex de type 1 (HSV-1), un virus responsable des feux sauvages. Grâce à une analyse chimique approfondie, nous avons isolé une dizaine de molécules de cet extrait. Ces molécules, appartenant à la famille des polyphénols, sont des substances naturelles aux propriétés antioxydantes que l’on retrouve dans de nombreux aliments et qui aident à protéger le corps contre les dommages causés par les radicaux libres. Parmi elles, le tannin nommé Tellimagrandin 1 a été identifié comme la molécule polyphénolique la plus active de l’extrait pour inhiber le virus HSV-1.

Le quatre-temps est traditionnellement utilisé comme remède antiviral par les Premières Nations. (Jacques Ibarzabal), Fourni par l’auteure

D’autres études de notre laboratoire se sont intéressées à l’utilisation traditionnelle des bourgeons de peuplier baumier (Populus balsamifera) pour lutter contre les problèmes inflammatoires et les infections. Plusieurs molécules qui se trouvent dans les bourgeons ont été identifiées et certaines appartenant à la famille chimique des balsacones ont montré des propriétés antibactériennes intéressantes, en particulier contre le staphylocoque doré résistant à la méthicilline, aussi appelé SARM. Cette bactérie peut causer des infections très graves, difficiles à traiter de par sa résistance à plusieurs antibiotiques, dont la méthiciline. D’autres molécules de cette même famille ont montré des effets prometteurs dans le traitement du psoriasis, en raison de leur capacité à réduire l’inflammation et les dommages oxydatifs.

Les bourgeons de peuplier baumier sont utilisés pour lutter contre les problèmes inflammatoires et les infections. (Jacques Ibarzabal), Fourni par l’auteure

Plusieurs composés aux propriétés anti-inflammatoires, dont de nouvelles molécules nommées nudicaulosides, ont été isolés à partir de l’aralie salsepareille (Aralia nudicaulis), une plante connue par les autochtones pour ses multiples bienfaits. L’extrait obtenu à partir de la tige souterraine (ou rhizome) a montré des activités antioxydantes et anti-inflammatoires prometteuses. Ces dernières indiquent des effets protecteurs potentiels contre le stress oxydatif induit par le soleil sur les cellules de la peau. Cette activité est due à la haute teneur en composés phénoliques dans l’extrait.

L’aralie salsepareille est une plante connue par les autochtones pour ses multiples bienfaits. (Jacques Ibarzabal), Fourni par l’auteure

Plantes adaptogènes de la forêt boréale

Dans notre société moderne effrénée, le stress est un véritable fléau qui peut avoir de graves répercussions sur la santé. Face à ce problème de santé publique, il est devenu crucial de trouver des moyens de renforcer notre capacité à résister à ce stress et de préserver notre bien-être. Les plantes dites adaptogènes attirent l’attention des chercheurs pour répondre à ce défi.

Ces plantes exercent une action régulatrice, notamment sur notre système immunitaire, ce qui améliore la capacité de l’organisme à s’adapter au stress environnemental. L’échinacée, l’astragale ou encore le fameux ginseng sont quelques exemples de plantes adaptogènes.

Comme la demande pour ces plantes est en constante augmentation, nous avons choisi d’explorer le potentiel comme plante adaptogène de deux espèces d’aralies originaires d’Amérique du Nord, soit Aralia nudicaulis et Aralia hispida. Ces deux plantes, qui sont de la même famille que le ginseng, ont été jusqu’alors que très peu étudiées, bien qu’elles soient fréquemment utilisées dans la médecine traditionnelle. La caractérisation chimique et biologique de ces plantes a débuté dans nos laboratoires et plusieurs molécules bioactives ont déjà été identifiées.

Pour conclure, notre groupe de recherche consacre ses efforts depuis plusieurs années à explorer les potentiels thérapeutiques cachés dans les plantes de la forêt boréale. Dans ce contexte, la médecine traditionnelle des Premières Nations est un atout précieux.

Ces cultures possèdent un savoir ancestral et une connaissance approfondie des plantes qui méritent d’être reconnus, préservés et valorisés au bénéfice de l’ensemble de la société.

Il est important de rappeler que la prudence est de mise lorsqu’il s’agit de produits naturels. Ces produits ne sont pas toujours sans danger, puisqu’ils contiennent un mélange de composés dont seuls certains ont des propriétés bénéfiques, alors que d’autres peuvent causer des effets indésirables ou interférer avec d’autres médicaments.

Il est donc important de consulter un professionnel de la santé avant de prendre tout remède naturel.

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