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Le sulfure d’hydrogène est un gaz toxique malodorant, mais il présente des avantages pour la santé lorsqu’il est libéré en petites quantités dans l’organisme. C’est pourquoi manger plus de protéines végétales est lié à une meilleure espérance de vie. Shutterstock

La surprenante raison pour laquelle manger moins de viande fait augmenter l’espérance de vie : un gaz toxique odorant !

Les régimes à haute teneur en protéines ont la cote. On peut désormais acheter un bol de protéines dans n’importe quelle épicerie, se procurer un lunch fait d’œufs et de noix ou grignoter une barre protéinée.

Mais il est prouvé qu’en choisissant le style de protéines qu’on mange et, notamment, en réduisant sa consommation de viande, on améliore ses chances de vieillir en santé. La raison en est surprenante : cela oblige les tissus à fabriquer du sulfure d’hydrogène (H2S, un gaz qui sent les œufs pourris et qui est toxique s’il est inhalé, mais qui peut être bénéfique à l’intérieur du corps.

En tant que chercheur en physiologie, je m’intéresse depuis longtemps au rôle étrange du H2S dans l’organisme. Ce n’est pas un gaz dont on veut s’entourer. Il pue, c’est un composant de la flatulence et sa toxicité a été associée à au moins une extinction massive.

Et pourtant, le corps en produit naturellement de petites quantités sous forme de molécule de signalisation qui fait office de messager chimique. Nous commençons depuis peu à comprendre le lien entre l’alimentation et la production du H2S.

Des restrictions alimentaires qui augmentent la longévité

Dans le domaine de l’alimentation, moins est parfois synonyme de mieux. Lorsque les scientifiques ont astreint certains organismes à des régimes alimentaires soigneusement équilibrés mais restrictifs, cela a considérablement augmenté leur espérance de vie en bonne santé.

C’est le cas pour les levures, les drosophiles, les vers et les singes. Chez les souris, de tels régimes réduisent le risque de cancer, renforcent le système immunitaire et améliorent les fonctions cognitives.

Toutefois, comme le vieillissement et la longévité sont des processus complexes, il a été difficile pour les chercheurs de cerner les mécanismes en jeu. Des études récentes ont jeté un nouvel éclairage en montrant que le H2S y jouait un rôle crucial.

Des études menées depuis les années 1990 ont montré qu’en diminuant l’apport de certains acides aminés — ces éléments constitutifs des protéines — contenant du soufre, on augmentait la longévité des rats d’environ 30 %. Plus récemment, une équipe de collaboration dont je faisais partie et qui était dirigée par des scientifiques de Harvard a réalisé une série d’études sur des animaux où nous limitions la consommation de deux acides aminés soufrés — la cystéine et la méthionine — pour étudier les effets de cette restriction.

On a pu observer une hausse de la production de H2S dans les tissus des animaux, ce qui a engendré une cascade d’effets bénéfiques. Parmi ceux-ci, on note une augmentation de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, avec une incidence positive sur la santé cardiovasculaire, et une meilleure résistance du foie au stress oxydatif, avec une diminution des risques de développer une maladie du foie.

Mais il restait à voir si on obtiendrait des résultats semblables chez l’humain. Plus tôt cette année, une étude basée sur les données des 11576 adultes de NHANES III, l’enquête nationale américaine sur l’alimentation, a fourni des preuves que c’était bien le cas. On a constaté qu’un apport alimentaire réduit de ces acides aminés soufrés est lié à une diminution des risques cardiométaboliques, avec des taux inférieurs de cholestérol et de glucose dans le sang. Les facteurs de risque cardiométabolique sont associés aux maladies cardiaques, aux accidents vasculaires cérébraux et au diabète.

Vivre plus longtemps en mangeant moins de viande ?

Les haricots, les lentilles et les légumineuses constituent de bonnes sources de protéines pauvres en acides aminés soufrés. Shutterstock

Les résultats de cette recherche offrent de bonnes preuves qu’en limitant la consommation d’aliments contenant beaucoup d’acides aminés soufrés, on peut réduire les risques de maladies chroniques comme le diabète et les cardiopathies, et augmenter les chances de vieillir en santé. La plupart des habitants de l’Amérique du Nord sont loin d’avoir atteint cet objectif. Étant donné que les acides aminés soufrés sont abondants dans la viande, les produits laitiers et les œufs, tous très présents dans nos paniers d’épicerie, nous en mangeons en moyenne 2,5 fois plus que nécessaire.

La viande rouge est particulièrement riche en acides aminés soufrés, mais le poisson et la viande blanche de volaille en contiennent également beaucoup (la viande brune en a moins). Le passage aux protéines végétales permet de réduire cet apport.

Les haricots, les lentilles et les légumineuses sont de bonnes sources de protéines tout en étant pauvres en acides aminés soufrés. Mais attention : la protéine de soja, qui est la base d’aliments comme le tofu, est étonnamment riche en acides aminés soufrés. D’autre part, des légumes comme le brocoli contiennent beaucoup de soufre, mais pas sous forme d’acides aminés.

Il est important de noter que les acides aminés soufrés jouent un rôle vital dans la croissance. Les enfants ne devraient donc pas adopter des régimes alimentaires qui en contiennent peu.

Autres rôles du H2S

Il peut sembler étrange qu’un gaz toxique puisse aider à maintenir la santé, mais cela peut faire écho aux origines de la vie sur la Terre primitive, lorsque l’atmosphère était beaucoup plus riche en gaz sulfureux qu’aujourd’hui. Nous commençons à peine à comprendre l’importance du rôle de signalisation du H2S. Ainsi, il a été démontré que ce gaz réduit l’inflammation, ce qui ouvre la porte à d’éventuels nouveaux traitements pour l’arthrite ou à une utilisation comme analgésique.

Reste à trouver comment livrer le H2S là où il est nécessaire, et en toute sécurité. Plusieurs entreprises pharmaceutiques travaillent sur des composés qui se lient au H2S lors de son transit dans l’organisme et le libèrent à très faible dose dans les tissus. Avec le temps, ils pourraient être administrés de façon préventive pour favoriser un vieillissement en santé. Cela serait utile, car l’inconvénient d’un régime alimentaire à faible teneur en soufre est que les humains ont tendance à avoir de la difficulté à garder un régime à long terme.

En laboratoire, nous pouvons contrôler l’alimentation dans le cadre d’expériences. Dans le monde réel, les gens grignotent ou avalent un hamburger quand ils ne veulent pas cuisiner. Si l’on arrive à distribuer le H2S de manière suffisamment fiable et bon marché, il serait possible d’obtenir les effets de l’augmentation de sa présence dans les tissus sans avoir à dicter aux gens comment se nourrir.

This article was originally published in English

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