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Le coup de force de Trump en Syrie : et maintenant ?

À Damas, le 7 avril, quelques heures après le raid américain sur une base près de Homs. Louai Beshara/AFP

Le choix de Donald Trump de frapper des installations militaires en Syrie n’est pas émotionnel mais répond à une émotion collective, tout en s’inscrivant dans une stratégie de court terme qui rend inséparables, une fois de plus, la politique étrangère et la politique intérieure américaines.

Ainsi, ce n’est pas la première fois qu’Assad assassine son peuple, mais les images d’enfants gazés, qui ont tourné en boucle sur les chaînes de télévision, ont choqué l’opinion américaine. Trump se devait donc de réagir. Il l’a fait, le 6 avril, en disant qu’une « ligne a été franchie » et qu’il avait « changé d’avis sur Assad ». Puis en prenant la décision, avec ses conseillers, le secrétariat d’État et Le Pentagone, de bombarder, depuis la Méditerranée, une base de l’armée syrienne près de Homs.

Trump montre les muscles, il renouvelle son souhait de s’afficher comme un homme fort, qui décide seul et ne se laisse pas intimider par l’ONU, l’opposition, et même le droit. En cela, il veut une nouvelle fois marquer une rupture avec son prédécesseur : sur le fond, avec le principe de « ligne rouge » qu’Obama avait conceptualisé mais jamais appliqué, et dans le style puisque Trump a choisi l’effet de surprise, l’intervention militaire unilatérale et sans négociations préalables. Il se met, d’ailleurs, en scène pour l’annoncer, depuis sa résidence de Floride : « J’ai décidé de frapper » pour « mettre fin aux échecs de la communauté nationale », a-t-il déclaré.

Faire diversion, bluffer et agir

C’est une opération avant tout symbolique, qui s’inscrit dans un contexte très particulier. Sur le plan national, tout d’abord, Trump est dans une situation d’extrême fragilité. Ses grands projets de réforme – décrets sur l’immigration, nouvelle loi sur la santé – se soldent tous par des échecs. De plus, plusieurs enquêtes sont en cours pour déterminer la responsabilité de son entourage dans l’ingérence russe dans la campagne présidentielle. Enfin, il a dû se résoudre à demander à son homme de confiance, le nationaliste Steve Bannon, de ne plus assister aux réunions du Conseil national de sécurité. Les frappes en Syrie permettent donc au Président de faire diversion, et ce, d’autant qu’il réussit par là même, pour un temps, à ressouder autour de lui des Républicains très divisés.

Sur le plan international, ensuite, Trump souhaite apparaître aux yeux du monde comme n’étant pas inféodé à la Russie, et comme celui qui, certes, sait bluffer, mais sait aussi agir. Le message envoyé à Assad, ainsi qu’à l’Iran, à la Corée du Nord, à la Chine – alors précisément que le Président chinois est en visite officielle aux États-Unis – et bien sûr à Poutine est clair : il veut qu’on arrête de le sous-estimer.

La question, désormais, est celle-ci : et maintenant ? Car l’impression domine que les États-Unis n’ont pas de stratégie au Moyen-Orient. La complexité des enjeux et des alliances dans la région échappe complètement à Trump qui doit comprendre que la guerre n’est pas un jeu comme peuvent l’être les affaires. Est-ce une frappe isolée, comme on peut le penser à ce stade et comme le laisse entendre le secrétariat d’État ? Va-t-on, au contraire, vers une intensification des combats contre les infrastructures, voire l’armée d’Assad ? Trump va-t-il faire le choix d’envoyer des troupes au sol – ce qui est peu probable ?

Nouvelle phase

Comme le note le New York Times, Trump, s’il a réussi son coup à court terme – les frappes sont saluées par de nombreux alliés des États-Unis –, est confronté à trois risques majeurs. Le premier est l’échec de sa tactique d’intimidation de la Russie. La visite de Tex Tillerson à Moscou, la semaine prochaine, se fera dans un climat tendu.

Le deuxième risque, c’est l’impossible combat contre Daech, d’autant que Trump, qui prétendait éliminer l’État islamique en 30 jours, n’a pas de stratégie et que son équipe est divisée.

Le troisième, enfin, est l’absence de plan de paix des États-Unis en Syrie, Trump ayant, de plus, coupé dans les budgets de l’aide internationale – ce qui avait été vivement critiqué, notamment par Madeleine Albright.

Une nouvelle phase de la Présidence Trump vient de commencer. Tous les regards sont braqués sur lui. Pour sa plus grande satisfaction, probablement.

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