Menu Close

Le quidditch, ce sport « réel » venu d’Harry Potter

France-Australie lors de la Coupe du monde en Allemagne, juillet 2016. Les Australiens l’ont emporté 110-60. Armand Cosseron/FQF 2016

Loin de n’être qu’une évasion dans un univers imaginaire, le quidditch (pratique sportive issue des fictions Harry Potter) se décline à présent dans le monde réel, comme en témoigne la récente Coupe du monde qui s’est déroulée en Allemagne au cours de l’été.

« Broom’s up ! »

Francfort, 23 juillet 2016, 9h. L’équipe allemande se place sur le terrain, face à l’équipe norvégienne. Une fois les joueurs mis en place, l’arbitre annonce : « Broom’s up ! » (littéralement, « Balai, debout ! »). Les participants montent alors sur leur « balai » et se précipitent sur les quatre balles disposées au centre du terrain.

Mais quel est donc ce sport aux sonorités étonnantes ?

Les fans des univers imaginaires n’auront pas manqué de reconnaître les noms spécifiques au quidditch, le sport favori du héros Harry Potter. Cependant, ici, il ne s’agit pas de la version magique, mais bien de sa variante « réelle » !

Quand Harry se met pour la première fois au quidditch.

Lors de la Coupe du monde, pendant deux jours, 21 équipes représentant 21 pays des quatre coins du globe (de la Corée du Sud au Mexique, en passant par l’Australie et le Canada), se sont affrontées pour le titre de « Champion du monde ». Les joueurs (aussi appelés Quiddkids) ont pu se rencontrer dans une ambiance conviviale, festive, presque familiale.

En finale, pour la première fois, les États-Unis n’ont pas remporté la victoire qui leur a été ravie par l’Australie. La troisième place est prise par l’équipe anglaise, tandis que leurs adversaires, les Canadiens, se contentent de la quatrième position. La France, quant à elle, manque le podium de peu et termine cinquième.

Loin de n’être qu’un jeu d’enfant, le quidditch s’adresse aujourd’hui à un vaste panel de joueurs, qu’ils soient fans d’Harry Potter ou non. Technique, physique et tactique, ce sport revêt des caractéristiques particulières en ce qu’il s’appuie sur la mise en vie d’un jeu imaginaire.

Pour autant, il s’éloigne aussi des romans de fiction en proposant de nouvelles règles. Il trouve ainsi une place au sein de l’espace sportif, comme en témoigne cette 7e édition de la coupe du monde (la première en dehors du continent américain).

Un sport « moldu » : de quoi s’agit-il ?

S’inscrivant dans le cadre de re-créations corporelles issues de fictions, le quidditch dit « moldu » (autrement dit, « non magique ») se présente comme un « sport de contact » mixte, ayant pour particularité d’utiliser un balai (symbolisé par un bâton en PVC), comme support de déplacement. Créé depuis une dizaine d’années aux États-Unis et se développant en France et en Europe depuis cinq ans, le quidditch invite à associer jeu, sport et fiction.

Les règles sont bien définies : trois anneaux sont positionnés de chaque côté du terrain, à différentes hauteurs ‒ 0,91, 1,37 et 1,83 mètre ‒, dans lesquels il s’agira de faire entrer le « souafle », tout en évitant les « cognards » adverses. À la dix-huitième minute, entre en jeu le « Vif d’or », suivi de près par deux attrapeurs, un de chaque équipe. Ce joueur « neutre » est chargé de défendre une balle jaune représentant le Vif. L’attrapeur qui s’en saisit rapporte 30 points à son équipe et met fin au match.

L’équipe hollandaise se concentre lors de la Coupe du monde de quidditch, en juillet 2016. Audrey Tuaillon Demésy, CC BY-NC-SA

Les rôles des joueurs sont variés et font directement écho à ceux existant dans la fiction : batteurs, poursuiveurs, gardiens, attrapeurs. Une particularité de cette pratique est la possibilité, pour les joueurs, de pouvoir changer de statut à tout moment. Un poursuiveur peut devenir batteur, gardien ou attrapeur en cours de jeu, lorsqu’il échange son bandeau avec l’un de ses coéquipiers (chaque rôle étant symbolisé par une couleur).

Par ailleurs, cette activité questionne les catégories de genre et l’absence de mixité au sein des compétitions sportives. En effet, ici, les équipes sont composées de 7 à 21 joueurs, incluant nécessairement deux genres différents sur le terrain.

À cet égard, la règle des « quatre maximum » doit s’appliquer : elle signifie que, sans tenir compte de l’attrapeur, seules quatre personnes s’identifiant au même genre peuvent être présentes sur le terrain en même temps. Les fédérations reconnaissent, par là même, la distinction entre sexe et genre et encouragent la participation de joueurs qui se définissent comme étant a-genre ou trans-genre. Concernant cette dimension, le quidditch innove par rapport aux autres pratiques sportives et met l’accent sur la tolérance au sein des équipes.

Que nous révèle le quidditch ?

Comprendre le quidditch sous l’angle des sciences sociales est une manière de porter attention à ces nouvelles pratiques sportives et aux valeurs auxquelles celles-ci attachent de l’importance. Au-delà d’un simple « sport de geek », tel que le définissent certains joueurs, le quidditch permet de découvrir une autre manière d’envisager l’activité physique, en mettant l’accent sur l’imaginaire et en puisant des valeurs dans les univers fictifs afin de les transposer à la vie réelle.

Un désir de trouver un « autre » sport et de se détacher des activités physiques habituelles se laisse deviner : l’engagement dans le quidditch se comprend à travers la recherche d’une part ludique dans la pratique sportive. Toutefois, un désir de normalisation, impulsé par la Fédération du quidditch français (FQF), est aussi à l’œuvre. Le quidditch « réel », en effet, se détache de plus en plus des règles fictionnelles, afin de se construire une identité qui lui soit propre et de permettre la mise en spectacle de l’activité.

Clip officiel de la Fédération du quidditch français (FQF, juillet 2016).

Ainsi, le quidditch expose des comportements oscillant entre réappropriation d’une fiction, désir de modification des valeurs associées au sport contemporain et adhésion à une communauté de joueurs. Comme l’illustre la motivation des centaines de participants et de bénévoles présents à Francfort, l’engouement pour le quidditch ne cesse de progresser et de proposer une nouvelle manière d’expérimenter l’imaginaire dans le réel.

La prochaine Coupe du monde, en 2018, aura probablement lieu aux États-Unis. Dans quatre ans, elle sera de nouveau en Europe. Peut-être en France ? En attendant, en 2017, se jouera la Coupe d’Europe par club (en Belgique) et les Français (et notamment le club vainqueur de l’édition 2016, les Titans) remettront en jeu leur titre de champions d’Europe.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,900 academics and researchers from 4,948 institutions.

Register now