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Homme d'affaires travaillant sur des données financières - stylo à la main
L'étude documentaire est la première étape clé pour développer une bonne intelligence de marché. (Shutterstock)

Les études de marché sont essentielles à la réussite du parcours entrepreneurial

L’absence de marché est la deuxième raison, après celle du manque de financement, susceptible d’expliquer l’échec du parcours entrepreneurial, selon la société d’études et de conseils américaine CB Insights.

Pourtant, nombre d’entrepreneurs et de professionnels de l’accompagnement continuent de dénigrer la phase d’étude de marché, au profit du principe de Fail Fast, Pivot Quickly. Très tendance, en particulier dans le monde des start-up, cette logique suggère de lancer rapidement son entreprise quitte à adapter ensuite l’offre en fonction des retours de la clientèle.

Mais comme en a fait l’amère expérience, l’entrepreneur canadien Tom Zaragoza, l’apprentissage par répétition n’est pourtant pas une recette miracle pour s’assurer de la bonne adhésion de son offre avec le marché. En 2017, après des mois d’efforts, il a lancé son site Gymlisted afin de faciliter la mise en relation entre clubs de gym privés et utilisateurs potentiels pour finalement se rendre compte qu’il n’y avait finalement aucune demande pour un tel service.

Au travers de mes activités de professeur en marketing entrepreneurial, je rencontre malheureusement de plus en plus d’entrepreneurs convaincus d’avoir identifié l’idée du siècle, mais peu soucieux d’étudier le marché de façon plus structurée. Pourtant, l’étude de marché reste une étape essentielle pour les entrepreneurs, car si le porteur de projet n’est pas l’expert de son marché, alors qui le sera ?

Deux idées reçues sur les études de marché

En dépit du récit sur l’entrepreneur intuitif et visionnaire, et dans un contexte où la modernité encense l’action aux dépens de toute réflexion préalable, l’étude de marché s’avère pourtant essentielle et pertinente pour peu qu’on lève deux idées reçues qui freinent son adoption.

Première idée reçue : l’étude de marché est un processus linéaire et rationnel peu compatible avec le contexte d’une entreprise en création.

En fait, il s’agit d’un ensemble de méthodes et d’outils dont la finalité est de permettre une boucle d’apprentissage continue, en alternant phases de réflexions et phases d’expérimentation. La démarche, quelle que soit la taille de l’entreprise qui la met en œuvre, est donc beaucoup plus itérative (par répétition), inductive et diversifiée qu’on ne le pense.

Comme le montre l’approche « disciplinée » proposée par Bill Aulet, un professeur du MIT, il est en réalité tout à fait possible d’étudier un marché de façon structurée et agile. Afin d’encadrer le parcours de création, le processus composé de 24 étapes démarre avec l’étude des fondamentaux du marché. Cette première étape est essentielle pour comprendre comment celui-ci est structuré et surtout quels sont les différents segments de clients. Une fois la clientèle cible identifiée, le processus se décline avec plusieurs aller-retour entre des phases d’études rationnelles et des phases d’expérimentation sur le terrain.

représentation imagée des 24 étapes d’une approche disciplinée
Approche disciplinée en 24 étapes permettant une étude de marché structurée et agile. Image tirée du livre « Disciplined Entrepreneurship » de Bill Aulet, Fourni par l'auteur

Deuxième idée reçue : l’étude de marché se résume à la mise en œuvre de questionnaires sur de larges échantillons.

En réalité, la méthode des sondages n’est pas la panacée des études de marché, bien au contraire. Contrairement à ce que suggèrent certains sites de conseil aux entrepreneurs, il s’agit de méthodes complexes nécessitant un savoir-faire spécialisé. L’utilisation de solutions en ligne gratuites, comme Google Forms, par des entrepreneurs peu expérimentés, n’apporte en réalité le plus souvent que des résultats biaisés et finalement peu utilisables.

Au regard de ces deux idées reçues, il conviendrait plutôt d’utiliser le terme « d’intelligence de marché », formulation mieux à même de traduire les deux étapes clés d’un processus pragmatique et agile adapté au contexte de création.

Les deux étapes clés pour développer une bonne « intelligence » de marché

Étape 1 : Faire une étude documentaire pour connaître son marché.

L’étude documentaire consiste à exploiter l’ensemble des connaissances déjà existantes.

Un moyen rapide et efficace consiste à se rapprocher d’organismes comme les associations professionnelles, les comités sectoriels ou encore les chambres de commerce. Ces institutions ont en effet comme mission de collecter, synthétiser et rendre accessible, pour un coût souvent très raisonnable, l’ensemble de l’information pertinente et crédible sur un secteur ou un marché donné.

Cette démarche permet d’acquérir rapidement les connaissances nécessaires pour commencer à structurer les premières hypothèses du modèle d’affaires : quels sont les différents profils de clientèles ? Quelles sont leurs attentes et leurs habitudes d’achat ? Quelles sont les offres concurrentes déjà sur le marché ? etc.

Étape 2 : Mener des études qualitatives pour amender et valider le modèle d’affaires.

Vient ensuite le temps de l’expérimentation et l’exploration terrain à l’aide de méthodes qualitatives. Ce type d’études prend la forme d’entretiens individuels ou en groupes, voire de simples observations, et permet d’approfondir les hypothèses émises suite à l’étude documentaire en allant interroger directement les acteurs sur le terrain.

Prenons l’exemple de l’Hôtel UNIQ, une offre d’hébergement éphémère lancée en 2020, afin d’illustrer quelles pourraient être les principales étapes d’une étude de marché.

Dans un premier temps, l’étude des rapports du réseau de veille de la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM et ceux de Camping Québec permettrait de constater que cette offre intéresse potentiellement les amateurs de « glamping » souhaitant concilier confort et nature. UNIQ propose en effet des genres de yourtes qui peuvent être montées et démontées dans différents espaces.

Dans un deuxième temps, il serait ensuite pertinent de réaliser des entretiens individuels ou en groupes, afin de mieux comprendre les spécificités de ce profil de clientèle en ce qui concerne leurs habitudes, leurs attentes et les possibles freins.

Cette phase d’exploration permettrait de mieux comprendre quels sont les prestations considérées comme essentielles ou encore les modes de réservation les plus couramment utilisés.

Ce type d’étude qualitative serait une étape importante pour compléter le canevas de la proposition de valeur, un outil permettant d’illustrer pourquoi les bénéfices apportés par l’offre répondront bien aux attentes du marché. Les informations ainsi obtenues permettraient également de dresser un profil précis de la clientèle prévue à l’aide de « persona », une méthode permettant de résumer les principales caractéristiques des futurs acheteurs.

Une fois cette phase d’exploration achevée, il serait alors pertinent de conclure avec une expérimentation afin de s’assurer qu’il existe bien une demande pour ce type d’offre d’hébergement éphémère en appliquant par exemple la méthode du test de concept. Simple et peu coûteux, le processus consiste à soumettre à la clientèle cible une description papier ou vidéo de la future offre afin d’étudier leurs réactions et leur degré d’intention d’achat.

Ces quelques bonnes pratiques ne font pas tout et toutes les méthodes d’études de marché ne sont pas toujours applicables dans un contexte de création. Mais comme l’ont démontré de très nombreuses recherches scientifiques, il n’en reste pas moins que bien connaître son marché est un facteur clé de réussite pour toute entreprise.

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