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Les insectes : une nouvelle source de protéines pour les sportifs ?

Des frites, des légumes et des insectes dans une assiette
Les insectes comestibles font partie de l'alimentation humaine depuis des milliers d'années. Shutterstock

Les insectes peuvent être une nuisance pour l’homme, qu’il s’agisse des moustiques qui perturbent notre tranquillité ou des chenilles qui grignotent nos jardins, mais ce n’est pas toujours le cas. Ces animaux à six pattes jouent un rôle fondamental dans la nature et peuvent fournir de la nourriture à moindre coût environnemental.

La dépendance excessive à l’égard des protéines végétales et animales, dont la production s’accompagne d’une lourde empreinte carbone, a eu et continue d’avoir un impact négatif sur l’environnement et sur le climat. Bien que l’évolution des préférences alimentaires et l’urbanisation aient pu entraîner un déclin de l’entomophagie dans certaines sociétés, nous assistons à une sorte de résurgence moderne à mesure que les avantages de l’élevage et de la consommation d’insectes deviennent plus clairs.

Dans un monde qui comptera 9 milliards d’habitants d’ici 2050, il est nécessaire de trouver des moyens créatifs de cultiver des aliments pour répondre aux besoins nutritionnels, et en particulier à la demande de protéines.

Des élevages d’insectes pour l’alimentation

Les insectes comestibles font partie de l’alimentation humaine depuis des milliers d’années. L’entomophagie, c’est-à-dire le fait de manger des insectes, est retrouvée dans des preuves archéologiques et des documents historiques provenant de diverses cultures, notamment de la Grèce et de la Rome antiques. Les insectes consommés et leur signification culturelle varient, mais de manière générale, plus de 2 000 espèces d’insectes sont consommées par environ 2 milliards de personnes dans le monde. Contrairement à la croyance populaire, les insectes ne sont pas seulement des aliments réservés aux périodes de famine, mais peuvent être consommés par choix et entrer dans la composition d’un régime alimentaire qui présente des avantages pour la santé, l’économie et l’environnement.

On estime que les insectes contiennent entre 35 et 70 % de protéines sur la base de leur poids sec. Ils offrent les avantages de la production animale traditionnelle avec une plus grande diversité, des niveaux nutritionnels comparables, voire meilleurs, et une bioconversion efficace, tout en utilisant moins de terres, moins d’eau et en émettant moins de gaz à effet de serre par kilogramme de protéines produites.

Aujourd’hui, l’industrie de l’élevage d’insectes connaît une croissance significative, avec 71 entreprises pratiquant activement l’élevage de masse à une échelle semi-industrielle ou industrielle rien qu’en Europe. Actuellement, quatre insectes sont autorisés pour l’alimentation humaine dans l’UE, et huit autres sont en cours de réglementation.

Insect species authorized in the EU for food and feed, January 2023

De manière générale, les insectes sont riches en protéines, acides gras mono et polyinsaturés (oméga 3 et 6), minéraux (cuivre, fer, magnésium, manganèse, phosphore, sélénium et zinc) et vitamines (groupe B, A, D, E et K). La plupart contiennent également des composés bioactifs, molécules issues du vivant pouvant avoir des effets bénéfiques sur la santé, comme des antioxydants ou des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensice (ECA) connu pour leur rôle dans la régulation de l’hypertension artérielle.

Tous les insectes ne se valent pas. La composition nutritionnelle d’un insecte varie en fonction de l’espèce, du stade de développement (larves ou adultes), de la nourriture qu’il a ingérée, de l’environnement (température, humidité, photopériode), mais aussi du mode de préparation avant consommation (séché, cuisiné, frit). Lors de la production d’insectes, ces facteurs peuvent être modulés pour optimiser leur qualité nutritionnelle.

Pourquoi cibler les sportifs ?

La plupart des sportifs sont toujours en recherche de meilleure performance et certains vont avoir recours à des compléments alimentaires pour atteindre leurs objectifs. Leurs motivations sont multiples : augmenter leur masse musculaire, améliorer leur endurance, mieux récupérer après l’effort, ou simplement être en meilleure santé.

Dernièrement, le marché mondial de la nutrition sportive a connu une croissance fulgurante, passant de 28 milliards de dollars en 2016 à plus de 50 milliards de dollars en 2023, et devrait dépasser les 80 milliards d’ici 2030. Les produits les plus consommés sont les poudres de protéines, les compléments de vitamines et minéraux, les produits « prêts à boire » et les barres protéinées.

En France, les produits à base d’insectes pour les sportifs sont difficiles à trouver. À l’étranger, le choix est plus important. Les poudres de protéines d’insectes se retrouvent au même rang que la whey ou les poudres de protéines végétales.

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Le dégoût est un des freins principaux à la consommation d’insectes. Les inclure dans la préparation des poudres de protéines ou des barres protéinées pourrait permettre de réduire l’appréhension à consommer les insectes puisque réduits en poudre il ne reste rien de leur apparence et leur goût est relativement neutre. En 2022, 60 % des athlètes européens étaient prêts à intégrer les insectes à leur alimentation.

Il existe un rejet des insectes dans l’inconscient collectif occidental. Néanmoins, les perceptions évoluent, en particulier depuis que la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) promeut leur consommation en vue d’assurer la sécurité alimentaire mondiale. En effet, les insectes peuvent s’avérer efficaces, par exemple, pour nourrir les animaux d’élevage. Un usage relativement accepté ; en France, dans un sondage réalisé pour l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) plus de 70 % des sondés accepteraient d’intégrer les farines d’insectes dans l’alimentation animale. Chez les 30 % restant un des arguments principaux des personnes ne voulant pas voir apparaître une production industrielle d’insectes serait la peur d’une crise sanitaire similaire à celle de la vache folle.

Toutefois, quand il s’agit de nos assiettes, le dégoût des insectes est toujours présent et les producteurs d’aliments à base d’insectes en sont pleinement conscients. Pour charmer les consommateurs malgré ce rejet, certaines stratégies sont utilisées : par exemple, proposer des dessins d’insectes sur les produits plutôt que des photos, ou bien vendre des produits à base de farine plutôt que des insectes entiers (les barres protéinées en sont la parfaite image), les consommateurs étant moins réticents à goûter ces produits lorsque les insectes ne sont pas visibles dans leur assiette.

Quelques défis encore à relever

Le secteur de la production d’insectes est confronté à de nombreux défis. Selon Nathan Preteseille, un expert de l’industrie mondiale de l’élevage d’insectes, l’un des plus difficiles à relever en Europe, vient du fait que les insectes entrent dans la catégorie des « nouveaux aliments ». Cette catégorie s’accompagne d’un plus grand nombre de tests et de procédures administratives, ce qui allonge considérablement les délais d’approbation avant l’utilisation pour la consommation humaine. Ceci dit, cela permet d’approfondir la recherche sur des pratiques d’élevage qui soient plus sûres.

Dans les élevages d’insectes, les conditions d’élevage peuvent favoriser l’apparition de maladies entomopathogènes. C’est pourquoi, comme pour l’élevage animal, il est nécessaire de veiller au contrôle de la qualité des installations. Par ailleurs, il existe une demande croissante pour que le bien-être des insectes soit pris en compte, non seulement sur le plan de la santé, mais aussi en ce qui concerne leur traitement éthique dans ces installations, avec des questionnements autour de la perception de la douleur chez les insectes.

Pour la santé humaine, au-delà des avantages cités plus haut, les allergies alimentaires peuvent constituer un risque auquel il convient de prêter attention. En raison des régimes alimentaires occidentaux depuis longtemps exempts d’insectes, il est par exemple possible que certaines personnes n’aient plus les enzymes nécessaires à la consommation de chitine contenue dans les insectes et les crustacés. Ainsi, il est probable que les personnes déjà allergiques aux fruits de mer, comme les mollusques et les crustacés, le soient également aux insectes.

Consommer des insectes devrait devenir de plus en plus populaire et accepté dans le monde occidental. Les stratégies de commercialisation des produits à base d’insectes contribuent à améliorer la perception de la consommation de produits à base d’insectes. Les politiques s’améliorent et des associations mondiales telles que International Platform of Insects for Food and Feed (IPIFF), Asian Food and Feed Insect Association (AFFIA) et la FAO travaillent à l’amélioration des cadres réglementaires, non seulement pour la production d’insectes, mais aussi pour l’utilisation des produits à base d’insectes sur un marché en pleine expansion. Alors, êtes-vous prêt·e·s à essayer la prochaine boisson protéinée à base de grillons et aromatisée au chocolat ?


Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

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