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Une nouvelle manière de disposer avec dignité d'un corps humain mort sera-t-elle bientôt légalisée? Shutterstock

L’inhumation, la crémation… et bientôt l’humusation ? Que nous dit le droit ?

L’inhumation et la crémation sont, pour l’heure, les deux seuls modes de funérailles légaux en France : pas d’alternative possible sur le territoire. Cette règle provient de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles et d’une suite de décrets à commencer par celui du 27 avril 1889 relatif à l’incinération, textes toujours en vigueur aujourd’hui. Pourtant, des modes alternatifs de sépulture se développent actuellement dans le monde et se font même une place dans la loi de certains États. C’est notamment le cas de l’humusation.

L’humusation est un processus destiné à permettre un retour du corps à la terre par des micro-organismes présents dans un sol préparé à cet effet. Autrement dit, il s’agit d’une technique permettant d’enterrer le corps à même le sol afin qu’il puisse se transformer en humus sain et fertile.

Pas de reconnaissance encore

Une proposition de loi d’expérimentation a été déposée début 2023 sur ce sujet à l’initiative d’Elodie Jacquier-Laforge, députée de l’Isère (MoDem). Est envisagé de procéder à une expérimentation sur le territoire français, dans les communes volontaires, afin de voir si l’humusation est un processus pouvant se concrétiser ou pas en France. Ce projet a su trouver de nombreuses personnes pour le porter, dès la même année, en témoigne cette pétition de l’association Humusation France qui a obtenu plus de 20 000 signatures.

Ce processus d’origine franco-belge n’a pour l’heure pas eu davantage de reconnaissance légale en Belgique qu’en France, malgré là aussi de nombreux efforts de la part de ses défenseurs. C’est aux États-Unis qu’un processus similaire a été légalisé pour la première fois. L’État de Washington a autorisé la méthode « recompose » en 2019, un dérivé de l’humusation. Cette évolution finira d’ailleurs par atteindre d’autres États fédérés, comme la Californie et New-York.

L’argument principal donné à cet élan de légalisation est environnemental. Il a en effet été démontré que l’humusation est un processus plus respectueux de l’environnement que l’inhumation ou la crémation. Cet argument ne manque pas d’intérêt à une époque de prise de conscience écologique. Pourrait-on techniquement imaginer cela rapidement en droit français ?

Obstacles idéologiques et juridiques

Pour répondre simplement à cette question, il faut garder en tête que le droit français accorde une place importante au corps humain privé de vie en le protégeant par le prisme de la dignité humaine, cette protection étant également étendue aux cendres humaines. Ce principe est inscrit à l’article 16-1-1 du code civil. On peut y lire :

« Les restes des personnes décédées […] doivent être traités avec respect, dignité et décence. »

Deux obstacles donc à surmonter afin de permettre l’introduction de l’humusation en droit français. Le premier obstacle est idéologique, le second est juridique.

Sur le plan idéologique, tout dépend de la position adoptée par rapport à la notion de dignité humaine. Permettre à un corps humain sans vie de retourner à la terre sans cercueil, ni autres atours, est-il compatible avec l’idée que l’opinion publique peut se faire de la dignité humaine ? C’est bien sûr une question de point de vue et les mœurs actuelles ne semblent pas incompatibles avec un tel processus.

On ne retrouve d’ailleurs pas de définition juridique précise et gravée dans le marbre de la dignité humaine en France. Cela offre une liberté d’interprétation aux acteurs du droit et aux justiciables.

Sur le plan juridique, il faut de plus se demander si l’introduction d’un tel processus aux côtés de l’inhumation et de la crémation entraînerait oui ou non un grand bouleversement législatif : faudrait-il revoir et réformer beaucoup de textes ou cela peut-il se faire plus simplement ?

Il semble qu’une telle introduction n’entraînerait pas un grand bouleversement législatif. Elle nécessiterait, a minima, l’introduction du nouveau processus dans le Code général des collectivités territoriale et l’insertion du nouveau vocable dans le code pénal (au niveau des autorisations à obtenir auprès des officiers publics). Une modification du code civil en la matière ne semble en revanche pas nécessaire puisque, comme cela a déjà été évoqué, ce n’est qu’une question de point de vue que de savoir si l’humusation est compatible, ou non, avec l’idée que dresse ce dernier de la dignité humaine après la mort. Une modification de ce texte ne serait que purement sémantique à des fins de cohérence du droit.

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