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Meurtres de masse, une fatalité?

A San Diego (Californie) en hommage aux victimes d'Orlando. Sandy Huffaker / AFP

Les éléments qui poussent un individu à prendre une arme et à tirer dans une foule sont aussi multiples que difficiles à cerner. Loin d’être relié directement à des troubles pathologiques, le meurtre de masse est la conséquence d’une longue souffrance dont les contours diffèrent d’un tueur de masse à l’autre. Cet acte de haine, aussi rapide dans son exécution que dans sa préparation, reste le fruit d’une longue maturation dans laquelle la haine de soi et la haine des autres tiennent une place prépondérante.

Miroirs d’aspirations inabouties

Omar Mateen, l’auteur de la fusillade d’Orlando, a un profil assez semblable aux tueurs de masse « standards ». Diplômé de droit pénal, il a finalement trouvé un poste d’agent de sécurité pour l’entreprise de sécurité G4S. Son échec au concours avait ruiné ses espoirs de devenir policier.

En échec professionnel au regard de ses diplômes, Omar Mateen était également en échec affectif. Il était divorcé depuis quelques temps. Il vivait seul, n’avait pas (ou peu) d’amis, et sa femme représentait quasiment son seul lien avec l’extérieur.

Marginalisé, Omar Mateen avait fait de la communauté gay son bouc émissaire. Il avait accumulé une véritable haine à son encontre, peut-être parce que sa religion le poussait à la rejeter mais aussi parce qu’en Floride la communauté gay pouvait certainement représenter à ses yeux la communauté privilégiée, celle qui réussit alors que lui-même était en situation d’exclusion et d’échec.

Par son acte, il a d’une certaine manière cherché à supprimer des individus qui sont autant de miroirs d’aspirations inabouties. Pour brûler une image négative qui lui est, selon lui, sans cesse opposée, le tueur de masse en supprime les vecteurs : les gays, les riches, les puissants…

Plus assidu au club de gym qu’à la prière…

Dans ce contexte, il est légitime de se demander si les institutions, notamment policières, auraient pu empêcher un tel acte. Aurait-il pu être détecté ? Comment se fait-il que le background check (vérification de la moralité de la personne) qui a été réalisé avant qu’il ne devienne un agent de sécurité n’ait pas permis de signaler quoi que ce soit ? Comment se fait-il qu’on ait pu lui accorder une licence de port d’armes alors qu’Omar Mateen était reconnu comme étant violent ?

Difficile de savoir encore si les services de police américains ont commis des erreurs. Néanmoins, à la lecture des articles déjà parus dans la presse, il paraît compliqué de les accuser. Si le tueur était un mari violent, cela n’en fait pas une personne qu’il convient de mettre sous surveillance.

Un membre du FBI inspecte l’un des murs du Pulse, à Orlando. Joe Raedle/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP

De même, ses liens avec Daech paraissent peu évidents à ce stade. Peut-être Omar Mateen s’est-il radicalisé rapidement … Toujours est-il que sa femme assure que son ex-mari était plus assidu au club de gymnastique qu’à la prière… Dans ce contexte, les outils de surveillance sont insuffisants pour éviter le passage à l’acte de ce type de tueurs de masse. Le cas d’Omar Mateen démontre que le suivi des individus dangereux est souvent complexe et ne peut donner lieu à des solutions définitives.

Sentiment d’impuissance

S’il est difficile de détecter les individus, nos sociétés devraient en revanche mettre en place des systèmes de prévention permettant de réduire le risque de passage à l’acte. A cet égard, tous les pays qui ont renforcé leur législation sur les armes après des tueries de masse (Australie, Canada…) ont vu à la fois la chute drastique de leur nombre et, surtout, quand la tuerie de masse survenait malgré tout, celle du nombre de personnes tuées. Dans des pays où la réglementation est fortement contraignante, il est beaucoup plus difficile pour les tueurs de se procurer de nombreuses armes et donc de faire des dégâts.

Enfin, le caractère soudain et inexplicable de ces actes atroces et traumatisants nous confronte à un fort sentiment d’impuissance avec lequel nous ne sommes que très rarement aux prises. Les tueries de masse obligent toutes nos sociétés à se réinterroger sur leur mode de fonctionnement (valorisation de la performance individuelle, de la mobilité, de la compétitivité…), confrontées à la difficile équation consistant à favoriser la liberté individuelle tout en réduisant le risque de désinsertion sociale.

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