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Les gens pratiquent la distanciation sociale devant le mémorial de fortune dédié à la gend. Heidi Stevenson au quartier général de la GRC à Dartmouth, en N.-É. Elle est une des victimes de la pire tuerie de l’histoire du Canada. La Presse Canadienne/Riley Smith

Nouvelle-Écosse : une tuerie en pleine pandémie

Cela fait environ un mois que la pandémie de la Covid-19 prend presque toute la place dans l’actualité. La tuerie en Nouvelle-Écosse, qui a fait au moins 23 morts, se retrouve désormais à ses côtés à la une des journaux canadiens.

La pire tuerie de l’histoire du pays s’est produite à un moment où la pandémie a mis sur pause presque toute la société. Parmi les victimes, on compte deux travailleuses de la santé, une enseignante du primaire, une famille de trois personnes et une policière de la GRC.

Ce que nous savons

La police a répondu à une plainte concernant des coups de feu à 23h32 samedi le 18 avril, à Portapique, en Nouvelle-Écosse. Nous sommes encore très loin de connaître tous les détails de ce massacre perpétré sur 16 scènes de crime tant à Portapique même que dans d’autres municipalités du comté de Colchester.

Ce n’est que 12 heures plus tard, à 11 h 40 le dimanche 19 avril, que l’agresseur a été interpellé et tué par la police dans une station-service d’Enfield, juste à l’extérieur de Halifax.

Des agents de la Gendarmerie royale du Canada encerclent le suspect de la fusillade dans une station-service près de Halifax. La Presse Canadienne/Tim Krochak

Les actes du meurtrier étaient particulièrement pervers sous deux aspects.

Premièrement, si le tueur a pu se déplacer librement entre les diverses scènes de crime, c’est parce qu’il était déguisé en policier et qu’il conduisait un véhicule modifié pour ressembler à une voiture de patrouille de la GRC. Ce genre de situation est très dangereuse, car elle peut donner lieu à des « tirs fratricides » dans un cas où les policiers qui interviennent ignorent si la personne qui les approche est amie ou ennemie.

Deuxièmement, on croit que l’agresseur est passé d’un mode où il choisissait ses victimes à des meurtres guidés par le hasard.

Les mobiles du tireur ne sont pas encore clairs, mais l’attaque semble avoir été préméditée.

Selon des études du FBI, 77 % des auteurs de tueries passent une semaine ou plus à planifier leur acte, et ils sont souvent motivés par de multiples stress et griefs personnels.

Tueries au Canada

Avant la tragédie de la Nouvelle-Écosse, la pire tuerie en sol canadien était le massacre de l’École polytechnique de Montréal, en 1989, qui a causé la mort de 14 femmes.

Parmi les autres massacres récents au Canada, citons l’attentat au camion-bélier à Toronto, en avril 2018, qui a causé 10 morts, la tuerie de juillet 2018 dans le quartier de Greektown, à Toronto, avec 2 morts et 14 blessés, et l’attaque contre une mosquée de Québec, en janvier 2017, qui a fait six morts.

La pire tuerie à ne jamais avoir eu lieu en Amérique du Nord s’est déroulée à Las Vegas, quand un homme a tiré du 32e étage d’un hôtel sur des spectateurs du festival de musique Route 91 Harvest en octobre 2017. Le bilan est de 58 morts et de plus de 850 blessés.

Un triste hasard a fait qu’une résidente de la Nouvelle-Écosse qui a survécu à l’attaque de Las Vegas a été témoin d’une scène où des policiers répondaient à la fusillade, à seulement 20 minutes de Masstown, où elle habite.

La Covid-19 complique les choses

Bien que les policiers ne considèrent pas la tuerie en Nouvelle-Écosse comme un acte terroriste, ils ont déclaré qu’ils allaient évaluer si la pandémie avait joué un rôle dans l’attaque.

Le jour de la fusillade, on apprenait l’existence de 26 nouveaux cas de Covid-19, portant le total de la province à 675. Jusqu’ici, la Nouvelle-Écosse a enregistré neuf décès par coronavirus, ce qui signifie que la série de meurtres a pour l’instant causé plus de morts que la Covid-19.

Environ un mois avant le massacre, la Nouvelle-Écosse avait déclaré l’état d’urgence en raison de la pandémie, et il était toujours en vigueur le 18 avril. La police est tenue de faire respecter les ordonnances prises en vertu de la loi sur la protection de la santé dans le cadre de l’état d’urgence. En raison de l’énorme pression engendrée par la situation actuelle, les ressources de la sécurité publique étaient déjà très sollicitées avant la fusillade.

Pendant la crise de la Covid-19, les conséquences de la violence armée sur les soins de santé sont considérables. Le chef de police par intérim de Chicago, où le taux de violence armée est très élevé, a déclaré : « Il y a deux pandémies à Chicago, et une seule est causée par un virus. »

Le chef de police par intérim de Chicago, Charlie Beck. Ashlee Rezin Garcia/Chicago Sun-Times via AP

Dans sa liste des façons dont la pandémie s’entrecroise avec la violence armée aux États-Unis, Amnistie internationale prévoit que les victimes de violence armée auront besoin de soins d’urgence à court et à long terme, ce qui ajoutera de la pression sur les hôpitaux déjà pris par la lutte contre le Covid-19.

La quiétude ébranlée

Le lendemain de la pire tuerie que le Canada ait connue, les habitants d’une collectivité rurale de la Nouvelle-Écosse ont vu leur quiétude ébranlée lorsqu’ils se sont réveillés au bruit d’hélicoptères, de dizaines de véhicules de la GRC et de camions blindés de l’équipe d’intervention d’urgence.

De plus, la pandémie aggrave une situation déjà difficile, puisque les personnes qui ont perdu des proches dans la tuerie devront vivre leur deuil en s’assurant de ce pas créer un environnement propice à la propagation communautaire de la Covid-19.

La menace est bel et bien réelle, comme on a pu le voir à Saint-Jean de Terre-Neuve, où plus de la moitié des cas confirmés de la Covid-19 sont liés à des funérailles qui ont eu lieu en mars dernier.

La tuerie de la Nouvelle-Écosse a été la première grande catastrophe à se produire au Canada depuis le début de la pandémie.

Pas si, mais quand

La question n’est pas tant de savoir si d’autres catastrophes vont se produire, mais quand elles arriveront. Des désastres naturels, comme les inondations, les intempéries et les incendies de forêt, sont courants au printemps et pourraient survenir à tout moment. Il en va de même pour les catastrophes technologiques comme les fuites de produits chimiques ou les pannes d’électricité. Ces défis particulièrement difficiles pour une population en confinement risquent d’accentuer la pression sur les premiers intervenants et les systèmes de soins de santé déjà mis à rude épreuve.

Les effets cumulés du coronavirus, combinés à d’autres désastres, vont éprouver les systèmes d’intervention d’urgence d’une manière à laquelle ils ne sont probablement pas préparés. Du point de vue de la santé publique et de la gestion des urgences, nous ne pouvons qu’espérer qu’il n’y aura pas d’autres catastrophes.

Le Canada semble toutefois vouloir prendre certaines mesures pour empêcher que de tels drames ne se reproduisent. Après la tragédie de la Nouvelle-Écosse, le premier ministre Justin Trudeau a réaffirmé son intention d’interdire les armes d’assaut afin d’éviter d’autres tueries de masse.

Global News.

This article was originally published in English

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