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Une foule traverse la rue, au centre-ville de Toronto. En Ontario, c'est la Commission des droits de la personne qui a comme mandat de protéger les personnes les plus marginalisées. Mais les besoins spécifiques des minorités francophones semblent dans l'angle mort. (Shutterstock)

Ontario : les droits des francophones les plus marginalisés menacés

Les droits des francophones les plus marginalisés sont-ils protégés en Ontario ?

Dans cette province, c’est la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) qui a comme mandat de les promouvoir et de les protéger, à travers l’éducation publique et les politiques publiques. C’est elle qui élabore des rapports d’enquêtes d’intérêt public sur les pratiques discriminatoires et qui fait des recommandations.

Or, si la CODP s’exerce à défaire les conditions et les dynamiques intersectionnelles complexes qui favorisent et perpétuent la discrimination systémique, les barrières et les oppressions auxquelles se heurtent les francophones les plus marginalisés semblent être un angle mort dans son travail récent.

Dans le cadre du Programme d’initiation à la recherche au premier cycle de l’Université d’Ottawa, nous avons passé au peigne fin certains rapports récents de la CODP afin d’évaluer dans quelle mesure, le cas échéant, elle prend en compte les droits des francophones les plus marginalisés dans son travail. Nous avons été déçus par ce que nous avons trouvé.

Une vaste enquête en milieu scolaire… seulement chez les anglos

En 2019, la CODP a lancé une enquête sur le droit de lire, donc l’objectif était de revoir en détail la façon dont l’éducation publique de l’Ontario répond aux besoins des élèves ayant des troubles d’apprentissage.

Dans le cadre de l’enquête, la CODP a échantillonné huit conseils scolaires publics de langue anglaise en fonction d’une variété de facteurs, dont leur taille et le type de conseil scolaire (public et catholique), la région, les données démographiques et la proportion d’élèves à dimensions identitaires multiples, selon la race, la religion, le genre et le handicap, protégées par le Code des droits de la personne et les rapports publics.

Or, aucun conseil scolaire francophone n’a fait l’objet d’examen lors de l’enquête. Il n’est donc pas surprenant que les recommandations formulées dans le rapport soient mal adaptées pour répondre aux réalités uniques des élèves francophones ayant des difficultés d’apprentissage dans un contexte de minorité linguistique. On estime tout simplement que les conclusions du rapport s’appliquent « probablement » à l’éducation de langue française, sans avoir échantillonné aucun conseil scolaire francophone ni recueilli la moindre preuve à ce sujet.

Ainsi, la force puissante assimilatrice de l’anglonormativité ne figure pas dans la liste des problèmes systémiques qui sont identifiés comme causant la marginalisation des élèves ayant des troubles de lecture. De plus, sur les 157 recommandations formulées par la CODP dans l’étude, les conseils scolaires de langue française ne sont mentionnés qu’à deux reprises.


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La langue, un vecteur important d’oppression et de discrimination

De même, les enquêtes récentes de la Commission sur le profilage racial et le logement ne contiennent aucune donnée ventilée selon la langue. Elles ne relèvent aucune preuve que les barrières uniques auxquelles sont confrontés les membres francophones des groupes protégés ont été examinées.

La recherche démontre pourtant que la langue est un vecteur important d’oppression et de discrimination sur lequel le COPD devrait se pencher. Une étude récente du Commissaire aux langues officielles du Canada révèle que les fonctionnaires fédéraux d’expression française subissent diverses formes d’exclusion et de marginalisation au travail.


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Selon le professeur Alexandre Baril, professeur féministe en travail social et expert en théories trans, « les relations de pouvoirs linguistiques diffèrent des relations de pouvoirs ethniques et raciales, mais elles y sont imbriquées et elles les transforment ». Le chercheur estime que des efforts doivent être déployés pour s’attaquer à l’anglonormativité, ce « système de structures, d’institutions et de croyances qui marque l’anglais comme la norme ».

La langue devrait être ajoutée comme motif de discrimination

Si la langue ne constitue pas un motif de discrimination expressément protégé par le Code des droits de la personne de l’Ontario, la Commission ne doit pas fermer les yeux sur les formes uniques de discrimination et d’oppression auxquelles se heurtent les francophones. Au minimum, celle qui a comme rôle de défendre les droits des minorités en Ontario ne devrait pas chercher à s’esquiver à ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français, qui vise à assurer l’égalité réelle dans la prestation de services gouvernementaux pour les francophones de la province.

De petits abris portables construits pour les sans-abri dans le parc de Trinity Bellwoods, à Toronto. Les personnes marginalisées francophones subissent un double préjudice, en Ontario, en raison de leur statut minoritaire. (Shutterstock)

L’énoncé de la CODP concernant les Francophones, la langue et la discrimination est un bon début. Mais il reste que la politique officielle de la CODP, qui n’a pas été mise à jour depuis 1996, demeure silencieuse sur les enjeux de la francophobie et de l’anglonormativité. Elle ne considère pas la langue comme vecteur de pouvoir et d’oppression.

Idéalement, la langue devrait être ajoutée comme motif de discrimination dans le Code de droits de la personne de l’Ontario et être traitée comme un vecteur d’identité, tout comme le statut social économique. La CODP, qui a comme mandat de défendre les droits des Ontariens et des Ontariennes les plus marginalisés, doit identifier et dénoncer les barrières et les formes d’oppression uniques auxquelles se heurtent les francophones.

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