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Ozone et particules fines dans les poumons des petits Parisiens

Petits Parisiens – et nanotubes. djedjenny/Pixabay

Cette semaine, une fois encore, l’air parisien est pollué par l’ozone en raison des températures élevées couplées avec le trafic automobile. Une nuisance qui s’ajoute à celle des particules fines produites par les moteurs à combustion. Ces dernières impactent de longue date la santé des Parisiens, en particulier celle des plus jeunes. Ainsi, des nanotubes de carbone ont été trouvés dans les voies respiratoires d’enfants parisiens. C’est le constat accablant que mon équipe de recherche et moi-même avons fait et publié dans la revue EBioMedecine.

Ce n’est maintenant plus une nouveauté : l’air des villes est pollué. Parmi les polluants que nous respirons, il y a les particules fines mesurant moins de 2,5 micromètres de diamètre qui pénètrent dans les voies respiratoires. Des études récentes ont montré qu’une exposition chronique à des particules, même à concentration inférieure à celle recommandée par l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS), pourraient être à l’origine de problèmes de santé graves tels que des risques cardiovasculaires, des problèmes respiratoires, du diabète ou le cancer du poumon. Une exposition plus épisodique favoriserait l’apparition de problèmes respiratoires tels que l’asthme.

Équipe franco-américaine

Mon équipe de recherche de l’Université Paris-Sud et moi-même, en collaboration avec des médecins du centre de l’asthme du groupe hospitalier Trousseau-La Roche Guyon (APHP), des collègues de l’Université Paris Diderot, ainsi que des confrères américains de l’Université Rice (Houston), avons mené une étude cherchant à caractériser les particules présentes dans les voies respiratoires d’enfants.

Pour ce faire, nous avons commencé par observer les échantillons congelés de liquides de lavages broncho-alvéolaires récoltés entre 2007 et 2011, à l’issue de dépistages de l’asthme chez 64 enfants asthmatiques parisiens (36 garçons et 28 filles) âgés entre 2 mois et 17 ans. Nous avons pris la décision d’effectuer nos recherches sur de tels patients, car le lavage broncho-alvéolaire est pratiqué en routine, en France, pour le diagnostic et le traitement de l’asthme. Il reste cependant trop invasif pour l’effectuer sur des sujets en bonne santé.

Les particules fines étant trop petites pour être analysées avec des microscopes optiques, nous avons dû nous résoudre à employer des méthodes plus puissantes telles que la microscopie électronique par transmission à haute résolution et l’analyse par spectroscopie à rayons X à dispersion d’énergie.

Quels résultats ?

Les observations n’ont pas laissé la place au doute. La totalité des échantillons contenait des particules fines, dont de nombreuses tiges d’un diamètre compris entre 10 et 60 nanomètres (un nanomètre est un milliard de fois plus petit qu’un mètre) et de plusieurs centaines de nanomètres de longueur : des nanotubes de carbone.

Un nanotube de carbone, ça ressemble à quoi ?

La congélation provoquant la mort des cellules à observer, nous avons décidé d’effectuer une seconde série de tests, cette fois-ci sur des échantillons frais avec des cellules pulmonaires intactes, prélevées après lavage broncho-alvéolaire sur cinq garçons âgés de 12 mois à 5 ans, choisis de manière randomisée. Le résultat a été le même, avec la présence de ces fameux nanotubes de carbone dans les cellules.

Des nanotubes de carbone (indiqués par les flèches rouges) observés dans des échantillons prélevés sur un pot d’échappement catalytique à gauche et à l’intérieur d’une cellule pulmonaire à droite. Kolosnjaj-Tabi, et al., EBioMedicine, 2015, Author provided

Afin d’établir l’origine de ces particules fines, nous sommes allés sur le terrain pour effectuer des prélèvements de résidus sur des pots d’échappement catalytiques de voitures et de la poussière sur des fenêtres situées au second étage d’un immeuble localisé sur la route nationale à fort trafic routier traversant Antony (Hauts-de-Seine) ainsi que sur les fenêtres au cinquième étage d’un immeuble localisé dans une rue calme et résidentielle de Nanterre (Hauts-de-Seine).

Une fois les échantillons récoltés, nous les avons soumis au même protocole d’observation que les échantillons humains. Ces nanotubes de carbone étaient présents en quantité importante dans l’ensemble des échantillons. La combustion du carburant et le passage de la fumée dans les pots d’échappement catalytiques en seraient l’origine.

Une toxicité encore incertaine

Même si la toxicité spécifique des nanotubes de carbone n’a pas été clairement prouvée, il est certain que s’ils sont présents dans les voies respiratoires d’enfants asthmatiques, ils sont aussi présents dans les voies respiratoires de personnes saines.

Une étude avait rapporté la présence de nanotubes de carbone, sans en donner la preuve formelle, dans les poumons des victimes des attentats du World Trade Center dues à l’inhalation de fumées de combustion des matériaux. Mais notre travail est le premier à avoir montré que tout un chacun est exposé de façon chronique à des nanotubes de carbone dans l’air, conséquence des activités de l’homme. Affaire à suivre, donc.

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