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Les RH dans tous leurs états

Piloter la performance dans une organisation matricielle, ou comment ne pas être aspiré par la matrice

La matrice…

Beaucoup se souviennent du blockbuster “Matrix” (Lana et Lilly Wachowski, 1999), qui retrace l'histoire de Thomas/Neo hanté par le secret de la Matrice.

Au sein des entreprises, la matrice questionne également. Quel est son fonctionnement et quelles sont les conséquences sur le management?

Une organisation est dite “matricielle” quand les salariés dépendent de plusieurs managers. Il peut s’agir d’un rattachement fonctionnel ou hiérarchique voire même les deux. Les managers se partagent donc un “pool» de salariés. Deux chefs peuvent avoir le même subordonné…

Organisation matricielle.

Cette organisation a des conséquences organisationnelles bien sûr mais également managériales. L'organigramme est modifié. Le découpage de l’activité se fait selon deux critères: la fonction ou le projet (ou le service).

Vers un management partagé

L’autorité étant partagée, le salarié est mis en commun, ce qui fait de lui un vecteur de communication et lui confère un pouvoir informel.

Les organisations traditionnelles ont été longtemps basées sur une structure hiérarchique, avec une unité de commandement. Ceci s’appliquait dans les entreprises au sein de directions disposant d’une forte autonomie. Désormais le fonctionnement matriciel s’impose dans les entreprises qui fonctionnent en réseau ou en mode projets.

La performance au coeur des préoccupations

L’entreprise qui poursuit plusieurs objectifs stratégiques simultanément adoptera plutôt une organisation matricielle. Ce type d’organisation est mis en place afin d'accroitre l'efficacité des missions RH dans chaque département de l'entreprise.

Comment déconnecter de la matrice ?

L'entreprise qui met en oeuvre une nouvelle organisation, est à la recherche de performance. L'organisation matricielle, en théorie, permet de fonctionner en mode projet et d'accroître l'efficacité des acteurs.

Et les salariés dans tout çà ?

Les salariés sont souvent critiques sur cette innovation managériale et reprochent la difficulté à identifier la hiérarchie et les objectifs. Les salariés sont également parfois débordés par des objectifs irréalistes qui s'empilent en millefeuille, provenant de leurs différents supérieurs hiérarchiques. Il est difficile d'organiser la communication, de gérer les priorités lorsque l'on répond à plusieurs interlocuteurs. Les salariés sont alors contraints de multiplier les réunions inutiles.

Lorsqu'arrive le temps des évaluations, la situation se complique et parfois se bloque. Le salarié rapporte à plusieurs personnes, il est donc évalué plusieurs fois. Ceci peut s'avérer très déstabilisant et peut parfois conduire à une situation où ordres et contre-ordres fragilisent la relation managériale.

Le salarié se conforme à des objectifs fixés par des personnes différentes. Cela peut engendrer des difficultés de compréhension de la stratégie de l’entreprise et les messages sont parfois brouillés. Les enjeux de pouvoir et les stratégies d’acteurs peuvent également trouver un écho négatif dans la relation manager/collaborateur, créant une situation délicate et parfois inconfortable.

Concrètement, pour un salarié, cela signifie :

  • À l'embauche : rencontrer tous ses futurs responsables (au minimum deux, et donc convaincre des managers différents

  • Il sera évalué par plusieurs personnes

  • Avec un peu de chance son entretien professionnel (obligatoire tous les deux ans), se déroulera avec le service RH

  • Au moment de l'attribution des primes, plusieurs responsables seront autour de la table pour décider

  • Lors de son départ, qui négociera avec lui? Probablement le service RH.

Ce type d'organisation implique une bonne répartition des tâches et une délimitation précise des « territoires ». Le risque est la dispersion de l'énergie, les luttes de pouvoirs entre les responsables. Les décisions seront ralenties et l'entreprise sera confrontée à une relative inertie. S'en suivront stress et conflits. En revanche, si les informations sont bien partagées, les équipes auront un pouvoir de décision accrues car on aura procédé à une décentralisation.

« Il s’agit de favoriser les relations transversales entre salariés et de les faire collaborer sur des programmes spécifiques, la conception d’un véhicule, par exemple. Les membres de ces équipes pluridisciplinaires – qui ne cessent de se recomposer – confrontent leurs points de vue et leurs méthodes, chacun en profitant pour élargir son champ de compétences. »

Adaptations ou retour en arrière?

Les entreprises se veulent aujourd'hui apprenantes et seraient un lieu où

« les personnes augmentent continuellement leurs capacités de créer les résultats qu’ils désirent vraiment, où de nouveaux modèles de pensée sont développés, où les aspirations collectives sont encouragées et où les individus apprennent continuellement comment apprendre ensemble ».

Le modèle matriciel, complexe, a dévié de son objectif initial d'amélioration continue. Ainsi, lors du colloque 2011 de l’Observatoire des cadres CFDT, un syndicaliste d’Alcatel-Lucent évoque le site de Lannion, où 286 salariés du pôle des contrats grands comptes devaient reporter à 49 managers répartis sur 17 sites dans le monde !

Certaines entreprises ont fait preuve d'adaptabilité avec un retour en arrière et souhaitent désormais davantage de simplification. C'est le cas de Zurich Insurance Group qui a pris en 2016 la décisions sous l’impulsion de son nouveau CEO, Mario Greco d'abandonner la structure matricielle au profit d’une organisation plus focalisée et orientée autour de la clientèle. Cette capacité à s'amender témoigne de la volonté de ne conserver dans l'organisation que ce qui concourt à sa performance.

Gageons que les managers responsables et raisonnables suivront cet exemple et qu'ils sauront garder un juste équilibre entre la notion d'organisation, de performance et de management.

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