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Villes côtières : les plans d’adaptation au changement climatique tiennent-ils la route ?

À quoi ressembleront les grandes villes de demain sous l’influence du changement climatique ? David Blackwell/Flickr, CC BY-NC-ND

En 2006, des villes pionnières telles que Londres, au Royaume-Uni, et Durban, en Afrique du Sud, ont adopté des politiques et des mesures afin de préparer leurs infrastructures, communautés, écosystèmes et institutions aux probables conséquences du changement climatique. De nombreuses villes leur ont emboîté le pas dans le monde entier.

D’importants réseaux urbains régionaux et mondiaux ont été créés (C40) pour lutter contre ce phénomène et des engagements planétaires comme le Pacte mondial des maires ont été signés.

Mégalopoles ou petites villes, chacune a son mot à dire. C’est pour cette raison que les villes jouent un rôle de plus en plus important dans les négociations internationales. On l’a ainsi vu à l’occasion de l’accord de Paris, en 2015, où la contribution significative des acteurs non étatiques dans la lutte contre le réchauffement climatique a été reconnue.

Seules 47 % de 885 grandes villes européennes ont élaboré des plans

Des études pertinentes tentent de suivre les progrès réalisés à ce jour en matière d’adaptation urbaine. L’une d’elles, portant sur 885 villes européennes, récemment publiée dans The Conversation, a révélé qu’à peine 47 % ont pris des mesures, axées sur l’adaptation (26 %) ou associant adaptation et atténuation (réduction des gaz à effet de serre).

Une étude antérieure s’appuyant sur les données de 401 villes de plus d’un million d’habitants dans le monde entier indiquait que seules 18 % avaient pris l’initiative en matière d’adaptation. D’autres études spécifiques ont été réalisées au Canada, aux États-Unis, en Espagne, en Italie, ou au Royaume-Uni. La plupart entretiennent des préjugés importants vis-à-vis des pays développés et se basent avant tout dans leur évaluation sur la mise en place de mesures adaptées.

Comment peut-on vraiment savoir si ces mesures auront une réelle incidence sur la réduction des risques ?

L’évaluation des villes

Il faut tout d’abord s’assurer que ces mesures sont fiables, c’est-à-dire politiquement et économiquement viables, qu’elles se fondent sur des données scientifiques solides et que les agents de la ville sont prêts à soutenir les projets et activités prévus, au même titre que la société civile.

Une nouvelle méthode d’évaluation a été proposée et testée dans quatre villes pionnières (Durban, Quito, Copenhague et Vancouver).

Avec cette approche, nous disposons d’indicateurs utiles pour estimer la fiabilité des politiques d’adaptation selon leur soutien financier, l’exactitude des estimations climatiques et la prise en compte de l’opinion des citoyens.

Certains sont plus exposés que d’autres aux conséquences du réchauffement climatique et de la pollution. Makoko, au Nigéria, dans la région de Lagos, est un bidonville sur la lagune.

La légitimité des politiques d’adaptation est cruciale : il est indispensable que les actions publiques soient transparentes, que les politiques reposent sur un processus participatif, mais aussi – notamment en ce qui concerne l’adaptation – que les plus exposés aux conséquences du réchauffement climatique soient protégés.

Les mesures d’adaptation sont en outre susceptibles de bénéficier à certaines communautés et pas à d’autres : il faut tenir compte des gagnants et des perdants en la matière.

Nos conclusions ? Il y a encore du travail à faire, même parmi les villes les plus développées, surtout dans la mise en place de processus légitimes impliquant acteurs et communautés mais aussi de systèmes de contrôle adéquats, dans l’établissement d’un budget viable pour y parvenir, et dans la prise en compte des risques et des incertitudes liés au changement climatique.

Le calcul des risques

À cet égard, une étude récente a calculé la probabilité des répercussions climatiques et des dommages économiques afférents en lien avec la montée du niveau de la mer au XXIe siècle dans 120 grandes villes côtières du monde entier.

On a constaté que l’incertitude joue un rôle décisif dans la prise de décision : entre des événements improbables entraînant de gros dégâts économiques et des événements à faible impact ayant une haute probabilité d’occurrence, on a tendance à prendre des mesures pour ces derniers et à négliger les premiers. Si l’on considère les 5 % des cas les plus graves, le contrecoup risque d’être important pour les villes dans la mesure où les conséquences pourraient être désastreuses et insurmontables d’un point de vue économique, social ou environnemental. Citons par exemple l’ouragan Sandy, en 2012, à la suite duquel New York avait déclenché le plan « New York, ville forte et résiliente ».

Le besoin de définir le niveau de risque que les villes sont prêtes à prendre a aussi été identifié. Comme n’importe quel type de risque, il n’est pas possible d’éliminer totalement les risques climatiques à l’aide de moyens raisonnables. Il existe une différence entre ce qui est possible et ce qui est faisable.

Pour prendre un exemple extrême, il est toujours possible de construire des murs de quatre mètres de haut pour lutter contre les crues. Ce n’est pourtant ni réaliste ni pratique d’un point de vue économique, environnemental ou social. La ville de Bilbao, en Espagne, a ouvert le canal de Deusto afin de réduire les risques d’inondation dans les zones les plus exposées de la ville. L’ampleur des conséquences liées aux fortes précipitations et aux marées hautes s’en verra atténuée, mais sans doute pas totalement éliminée.

Les mesures d’adaptation actuellement prises par les villes envisagent-elles les risques en ces termes ? À quel niveau de risque se préparent-elles ?

Vue sur le canal de Deusto à Bilbao, en 2016. L’ampleur des inondations sera atténuée, mais sans doute pas totalement éliminée. Joserra de la Mar/Wikimedia, CC BY

Suivre les villes

Pour répondre à de telles questions, le projet sur lequel je travaille, « Are cities preparing for climate change ? » (« Les villes se préparent-elles au changement climatique ? ») propose une analyse mondiale sur le suivi de l’adaptation urbaine de 136 villes côtières. Nous nous sommes tout d’abord attachés à documenter les mesures prises par ces 136 villes qui ont un impact sur la gestion côtière.

En matière de gestion du littoral, il est particulièrement important de prendre en compte les politiques locales aussi bien que les politiques régionales ou nationales. Nous allons évaluer leur mise en place et leur durabilité sur le long terme (viabilité), puis nous verrons si les mesures prévues sont capables de réduire les risques.

À Montevideo (Uruguay), par exemple, nous avons analysé plusieurs politiques locales et nationales relatives à l’adaptation. Nous sommes notamment en train d’examiner le Plan climatique de la région métropolitaine uruguayenne, d’en estimer la viabilité et de voir la façon dont les mesures côtières ont été définies pour répondre à leurs risques spécifiques.

Vue aérienne de Montevideo, en Uruguay. Rabble/Flickr/Wikimedia, CC BY

Le fait de protéger la biodiversité et les écosystèmes côtiers et de surveiller l’urbanisation dans les zones ayant tendance à s’éroder, comme c’est le cas à Montevideo, est un bon indicateur de la future adaptabilité à des phénomènes extrêmes.

Si nos résultats définitifs ne sont pas attendus avant 2020, nous espérons que l’étude de suivi sera largement reproduite dans d’autres secteurs que l’adaptation urbaine côtière, et utilisée par les villes afin d’améliorer leurs compétences en matière de planification climatique et d’ajuster leurs stratégies en fonction du risque qu’elles auront à prendre en vue d’atténuer le changement climatique dans un avenir de plus en plus proche.


Traduit de l’anglais par Catherine Biros pour Fast ForWord.

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This article was originally published in English

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