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Le premier ministre du Québec, Francois Legault, annonce son Plan pour une économie verte à Montréal, le 16 novembre. Mais comment s’assurer que le PEV et les mesures de relance économique aient une plus grande sensibilité régionale? La Presse Canadienne/Paul Chiasson

Relance économique : il faut tenir compte des différentes réalités régionales

Le gouvernement fédéral et les provinces préparent et mettent progressivement en place la relance économique post-pandémique.

Au Québec, le Plan pour une économie verte 2030 (PEV) dévoilé l’automne dernier annonce la couleur de la relance économique du gouvernement de la province. Doté d’une enveloppe de 6,7 milliards de dollars, le PEV a pour ambition d’accélérer la transition socioéconomique du Québec vers des modes de production et de consommation plus responsables sur le plan environnemental. Comme la nature et l’ampleur des mesures proposées auront des implications différentes selon la taille et la typologie des régions, comment s’assurer que le plan et les mesures de relance économique aient une plus grande sensibilité régionale ?

Ancien fonctionnaire fédéral, j’ai consacré les quatre dernières années à l’évaluation et l’audit des mesures de développement économique du gouvernement fédéral pour les régions du Québec ainsi qu’à l’enseignement de la géographie économique à l’Université de Montréal.

Qu’est-ce que le PEV ?

Le PEV cible les plus grands secteurs émetteurs de gaz à effet de serre de la province.

Dévoilé le 16 novembre 2020, il s’agit d’une bonne nouvelle pour l’environnement et le développement économique du Québec et il servira assurément de modèle pour les autres provinces canadiennes.

Le Plan propose une approche sectorielle où les investissements les plus importants sont alloués à des initiatives de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les plus grands secteurs émetteurs de la province. Ainsi, le PEV a dans sa ligne de mire les transports, par des mesures en matière d’électrification, le secteur industriel et technologique, par la valorisation de l’innovation en matière de produits et de procédés propres et la consommation énergétique, par la décarbonation des bâtiments conjuguée au développement des filières énergétiques renouvelables.

Le premier ministre François Legault, en compagnie du ministre de l’Environnement, Benoît Charette, annonce le lancement du PEV, le 16 novembre 2020. Le Plan propose une approche sectorielle où les investissements les plus importants sont alloués à des initiatives de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les plus grands secteurs émetteurs de la province. La Presse Canadienne/Paul Chiasson

Si les attentes et les cibles à l’horizon 2030 pour le Québec sont maintenant claires d’un point de vue sectoriel, elles auront une implication différente pour les 1131 municipalités du Québec. Elles n’ont ni le même point de départ, ni les mêmes défis, ni les mêmes moyens pour contribuer à cette transition.

Les grandes villes gagnantes

Avec une population de 100 000 habitants et plus chacune, les 10 plus grandes villes du Québec n’occupent que 4 % du territoire physique habitable de la province et concentrent 48 % de sa population.

Ces villes accusent une certaine longueur d’avance par rapport au reste du Québec sur presque toutes les dimensions visées par le PEV. En matière de transports, elles ont déjà commencé à investir dans l’électrification grâce à des partenariats stratégiques avec les universités, les sociétés de transport et les entreprises spécialisées sur leur territoire. Sur le plan industriel, elles sont déjà des terreaux fertiles à l’innovation grâce à un vaste réseau structuré d’acteurs diversifiés déjà bien établis, par exemple en matière de technologies propres. De plus, elles sont des lieux propices à l’expérimentation et au développement de la R&D grâce à la présence de nombreux centres de recherche et de transfert technologique.

Un des sites de construction du Réseau express métropolitain (REM), à Brossard, le 11 mai. Les grandes villes et leurs banlieues profitent largement des investissements publics en matière de transport. La Presse Canadienne/Paul Chiasson

Avec cette longueur d’avance, elles seront vraisemblablement d’importants acteurs du PEV. Elles seront aussi des bénéficiaires de premier plan puisque leur écosystème entrepreneurial est le plus apte à répondre favorablement en temps opportun aux critères de financement gouvernemental. Elles bénéficient d’une masse critique d’expertises éprouvées, de la présence de nombreux partenaires financiers, des effets de levier économique supérieurs et d’un niveau de maturité technologique supérieur.

Les petites et moyennes villes potentiellement défavorisées par le PEV

Les 1 121 municipalités restantes occupent environ 93 % du territoire physique habitable de la province et abritent la moitié de sa population. Elles sont non seulement nombreuses, mais surtout difficiles à mettre dans un même lot parce qu’elles ont des fonctions très variées.

Ainsi, près d’un millier d’entre elles sont de petits centres urbains de moins de 10 000 habitants avec d’importantes superficies agricoles ou forestières. Les municipalités restantes ont entre 10 000 et 99 999 habitants et incluent des municipalités résidentielles, industrielles et mixtes.

En raison de cette diversité de fonctions, elles ont des facteurs d’attractivité, des infrastructures et des capacités d’investissement très variés. Ainsi, l’électrification des transports, la valorisation de l’innovation et le développement des filières énergétiques annoncés dans le PEV y ont une signification différente avec des opportunités économiques et des défis différents de ceux des grands centres urbains.

Comment s’assurer que le PEV et, plus généralement, les mesures de relance économique tiennent compte de ces réalités régionales différentes ?

Les approches territoriales ciblées (place-based policy) font partie des pistes de solution étudiées dans plusieurs pays de l’OCDE où les disparités économiques interrégionales ne cessent de croître depuis maintenant 20 ans. Le Canada et ses provinces n’échappent pas à cette tendance économique.

Respecter les différences propres à chaque région

Économistes et géographes soulignent deux mises en garde concernant les approches territoriales ciblées. Premièrement, une telle approche territoriale ne doit pas consister à adopter des principes de « rattrapage » en tentant de recréer dans les plus petits centres urbains les conditions des économies d’agglomération qui caractérisent les grandes villes. Car en présupposant l’absence d’identité propre à chaque région, indépendamment de leur taille, de tels principes risquent d’éliminer des avantages comparatifs régionaux existants ou potentiels.

Deuxièmement, une approche territoriale ciblée ne doit pas non plus consister à adopter des principes de « quotas », par exemple fondés sur le poids démographique, où de petites subventions sont accordées « équitablement » à toutes les collectivités indépendamment de leur perspective économique.

Ni fondée sur des principes de « rattrapage », ni sur des principes de « quotas », une approche territoriale ciblée consiste plutôt à adapter les modalités des stratégies et des programmes, selon les besoins, les moyens et les objectifs propres à chaque région. Nos capacités d’analyse d’aujourd’hui, entre autres, grâce aux données, aux technologies et à des modèles de gouvernance novateurs, rendent possibles la conception de politiques et de programmes publics à des échelles d’intervention plus ciblées qu’avant les années 2010.

Autrement dit, il est possible aujourd’hui d’établir des critères variés selon les spécificités régionales au-delà des critères géographiquement neutres des programmes gouvernementaux pour appuyer des secteurs d’activité comme les transports, les villes intelligentes, l’énergie ou les technologies propres.

À titre d’exemple, une approche territoriale ciblée pourrait prendre la forme de stratégies et de programmes distincts pour les métropoles et pour les autres centres urbains de taille et de typologie différentes.

De cette façon, les métropoles pourront bénéficier d’un soutien véritablement à la hauteur de leurs ambitions en permettant à leur écosystème entrepreneurial de faire face à la concurrence internationale.

Et les plus petits centres urbains, notamment les plus dynamiques d’entre eux, pourront sortir de l’ombre des métropoles, faire rayonner des modèles d’affaires différents de ce que l’on observe habituellement dans les grandes villes, et être plus attractifs pour les entreprises et la main d’œuvre grâce à une plus grande visibilité.

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