Dystopie (nom féminin) : « Société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste, telle que la conçoit un auteur donné » (Larousse).
« 1984 »
« Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait aucun moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la police de la pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis serait entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu. »
2020
« Une société où il y a 200 appartements sonorisés, on peut penser que c’est pour les criminels et les terroristes. Une société où il y en a 200 000 c’est La Vie des autres », déclarait dès 2015 Jean‑Marie Delarue, président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNDCH) depuis le 10 avril 2019, évoquant alors la loi relative au renseignement. Une référence-choc au film du réalisateur allemand Florian Henckel von Donnersmarck qui portait sur les méthodes de surveillance de la Stasi dans l’Allemagne de l’Est.
Aujourd’hui, nonobstant une absence de transparence persistante sur le quantitatif en matière de sonorisation de lieux privés, pour ce qui concerne la surveillance algorithmique généralisée prévue dans la loi renseignement – pour détecter des signaux faibles et assister le renseignement –, on peut faire deux constats :
Aucun état des lieux sur la réelle efficacité des « boîtes noires » affectées à la surveillance du net n’a été effectué. Ce dispositif était supposé être temporaire. Un état des lieux était initialement prévu le 31 décembre 2018 par la précédente majorité. Il s’agissait alors de décider de la suspension ou de la reconduction du dispositif. Ce bilan a finalement été repoussé – en aveugle – par l’exécutif actuel au 31 décembre 2020.
Sous couvert d’une – toujours hypothétique – amélioration de la sécurité des citoyens, est-il utile de préciser que cette expérimentation ne se préoccupe nullement de ses conséquences humaines ? J’invite les experts médicaux, tout comme les sociologues, à éclairer le grand public sur les potentiels impacts tant individuels que collectifs que peuvent engendrer ce type d’expériences d’apprentis sorciers. Qu’advient-il – et dans une « démocratie » en particulier – lorsque des individus se savent placés sous une surveillance techniquement et quantitativement opaque : autocensure ? Altération de la libre expression ? Trouble psychologique pour les plus fragiles ? Paranoïa ? Autres ?
À titre informel, le 23 août 2019, NextImpact révélait que, selon les informations dont ils disposaient : « seule près d’une dizaine de personnes ont été surveillées individuellement suite au déploiement des trois boîtes noires activées en France entre 2017 et le 31 décembre 2018 ». Un quantitatif faible qui – s’il s’avérait pertinent – ne doit cependant pas faire oublier la masse de données récoltées sur les usagers.
À en croire les propos de tenu en juin 2019 par Laurent Nuñez – secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur – une nouvelle loi renseignement est en gestation : « forcément, il y aura une nouvelle loi, car un certain nombre de dispositifs arrivent à échéance en 2020. Il s’agira d’en faire le bilan et de les pérenniser éventuellement ».
Quant à savoir, quand ce bilan sera initié – à quatre mois de l’échéance promise – et qui sera en charge de produire un rapport garant d’objectivité : le mystère demeure !
À suivre…