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Situées sur le campus d'Amazon à Seattle, ces sphères contenant des plantes tropicales sont censées améliorer la productivité des employés. Shutterstock

À qui profitent les revenus des investissements des multinationales ?

L’équilibre ou le déséquilibre extérieur d’une économie est souvent identifié au seul solde de ses échanges de biens et de services enregistrés dans le compte courant de sa balance des paiements. Pourtant, les revenus d’investissement direct à l’étranger représentent une part croissante des flux du compte courant. Au niveau mondial, ces revenus liés à l’activité croissante des multinationales génèrent des transferts de revenus substantiels. Au profit des pays riches…

Les revenus d’investissement direct à l’étranger, c’est quoi ?

Les revenus d’investissement direct à l’étrange (IDE) correspondent à la rémunération des activités des multinationales à l’étranger. Au niveau d’un pays, ces revenus d’IDE reflètent la rémunération d’un facteur de production national – le capital investi par les entreprises résidentes afin de créer, acquérir ou développer une filiale à l’étranger – et sont donc enregistrés dans la balance courante comme des revenus primaires. En 2016, ils en constituent 44 % des flux, contre 34 % pour les revenus d’investissement de portefeuille et 4 % pour les rémunérations.

Les revenus d’IDE sont composés de dividendes, de bénéfices non distribués (sous forme de dividendes) des filiales et succursales (soit l’épargne nette de ces entités après versement de l’impôt sur les bénéfices et déduction

des provisions pour la dépréciation du capital fixe), et d’intérêts sur les emprunts intragroupes. Ils sont crédités au compte du pays de l’investisseur direct, au prorata de son investissement.

Au niveau mondial, en 2016, les dividendes sont prépondérants en moyenne des flux dans la structure des revenus d’investissement (51 %), suivis par les bénéfices non distribués (36 %). Les intérêts versés ou reçus par les maison-mères occupent une part plus réduite mais en forte progression (13 %, contre 8 % en 1995).

Les revenus d’IDE ont progressé plus vite que le commerce mondial

La progression spectaculaire des échanges internationaux depuis deux décennies – les flux internationaux ont progressé à un rythme annuel moyen de 7,3 % (mesurés dans la balance des paiements par la moyenne des crédits et des débits du compte courant en valeur) contre 4,5 % pour le PIB mondial sur la période 1995-2016 –, se caractérise cependant par une remarquable stabilité quant à la structure des principaux postes de la balance courante. En 2016, les échanges de biens représentent ainsi 61 % du total (contre 65 % en 1995) et ceux de services, 19 % (contre 17 % en 2015). Le total des revenus primaires passe quant à lui de 14 % à 15 % dans le même intervalle de temps, tandis que les revenus secondaires restent stables à 4 %.

Des changements importants apparaissent cependant au sein de ces grands postes. En particulier, les revenus d’IDE, enregistrés dans les revenus primaires, connaissent la croissance la plus rapide sur la période 1995-2016, à 11,3 % en moyenne annuelle (7,2 % pour l’ensemble des investissements). La part des revenus d’IDE dans les revenus primaires double ainsi sur la période, passant de 20 % des flux moyens en 1995 à 44 % en 2016, soit de 3 % à 7 % des flux du compte courant en deux décennies. Cette multiplication par près de 10 des flux de revenus

d’IDE souligne le rôle croissant joué par les multinationales dans l’économie mondiale.

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Les pays riches en excédent mais pas les autres

Les flux permettent de caractériser les échanges de revenus mais ne disent rien sur l’importance des déficits ou des excédents des pays. En classant ces derniers par groupe, selon les critères de la Banque mondiale (en prenant le revenu national brut par habitant en 2015), il ressort que le groupe de pays à hauts revenus (à l’exclusion des paradis fiscaux et des pays de l’OPEP) est très largement excédentaire.

Cet excédent augmente au cours du temps, passant de moins de 100 milliards de dollars en 1995 à environ 400 milliards de dollars en 2016. Parmi les pays présentant les soldes de revenus d’IDE les plus excédentaires, on retrouve aussi bien des pays enregistrant des excédents courants (Allemagne, Japon, Suède, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Islande) que d’autres structurellement déficitaires (États-Unis, Royaume-Uni et France principalement).

De manière symétrique, l’ensemble des autres grandes zones affiche un solde déficitaire sur les revenus d’IDE. En particulier, les grands pays émergents et les pays à revenus intermédiaires supérieurs accusent un déficit important des revenus d’investissement direct croissant après la crise.

Comment le solde de revenus d’IDE affecte le revenu national des pays ?

Les déséquilibres sur les postes des revenus primaires se traduisent par des transferts de revenus entre pays et, au niveau national, par des différences entre revenu national brut (RNB) et PIB. Le RNB résulte de la somme du PIB (les revenus tirés de la production sur le territoire national) et des revenus primaires nets perçus du reste du monde (les revenus des agents économiques résidents à l’étranger générés par les activités productives). Un excédent est réalisé quand les revenus perçus (crédits) sont supérieurs à ceux qui sont versés (débits).

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Au niveau mondial, les déséquilibres de solde de revenus d’IDE se traduisent par des transferts conséquents au profit des pays à haut revenus (cf. graphique ci-dessus). Pour ce groupe de pays, les activités des multinationales viennent augmenter le revenu disponible brut d’environ 1 % par rapport au PIB sur la période 2010-2016. Dans cet ensemble, trois pays, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France se détachent particulièrement. À eux trois, ils représentent 90 % de l’excédent des revenus d’IDE de l’ensemble des pays à hauts revenus sur toute la période.

Pour le reste du monde, en revanche, la détérioration de ce solde est considérable jusqu’en 2008. Depuis 2011, le solde des revenus d’IDE s’améliore sensiblement grâce à des débits en baisse mais aussi à des crédits en hausse. Cependant, les revenus d’IDE ne sont pas les seuls responsables de la dégradation du solde des revenus primaires surtout à partir de 2011, même s’ils expliquent plus des deux tiers du déficit sur la période 2010-2016. Les intérêts versés sur les obligations et sur les prêts (en particulier par les grands pays émergents) constituent le tiers restant.

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