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Simulation numérique du trou noir Cygnus X-1. NASA/CXC/M.Weiss, CC BY-SA

A-t-on vraiment découvert un trou noir dans notre système solaire ?

Nous vous proposons de revenir sur une information que vous avez pu lire cette semaine dans plusieurs médias : des scientifiques auraient découvert un trou noir dans notre système solaire. La réponse de Yaël Nazé, Astronome à l’Institut d’astrophysique et de géophysique de l’Université de Liège.


Début 2016, une étude annonçait la présence d’une neuvième planète dans les confins du Système solaire. Ce résultat se basait sur l’étude des orbites de quelques objets de la ceinture de Kuiper (la seconde ceinture d’astéroïdes, située au-delà de Neptune). Les perturbations d’orbites constituent une technique connue : c’est de cette manière que la présence de la planète Neptune avait été dénichée au XIXe siècle. L’idée est simple : chaque objet attire ses voisins par gravité et du coup, l’orbite d’une planète, une comète ou un astéroïde dépend de son entourage. Si vous calculez l’orbite en tenant compte des voisins connus et que ça ne colle pas à l’observation, alors c’est qu’il y a peut-être un voisin inconnu…

Il restait cependant à confirmer cette proposition par une détection directe. Malgré pas mal d’observations, elle manque toujours à l’appel.

Certains, depuis, ont proposé de rejeter l’existence de cette planète,argumentant qu’elle n’était pas compatible avec l’orbite de l’astéroïde 2013 SY99, que les interactions du reste du système solaire suffisent et que tout cela résulte d’une mauvaise coïncidence.

En réponse, d’autres ajoutent plutôt une dixième planète. Bref, la situation est encore loin d’être claire.

C’est dans ce contexte de débat que vient une nouvelle proposition : et si c’était un petit trou noir primordial ? Proposés depuis 50 ans, ces petits trous noirs seraient nés moins d’une seconde après le big bang, à partir de grosses surdensités qui pouvaient alors exister. C’est leur naissance très précoce qui justifie leur nom de primordial – les trous noirs classiques naissent de l’effondrement d’une étoile massive (trous noirs stellaires, avec quelques masses solaires ou quelques dizaines) ou par effondrement d’un très gros nuage (trous noirs supermassifs, avec une masse de plusieurs millions de masses solaires). Actuellement, cette proposition théorique est un peu mise un peu à toutes les sauces – matière sombre, ondes gravitationnelles : on les retrouve partout.


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Les physiciens Scholtz et Unwin ont donc vérifié si la capture d’un tel objet par le Soleil est possible, et ils trouvent que cela serait tout aussi probable que la capture d’une planète free-floating (l’autre scénario souvent avancé : une planète, probablement éjectée d’un autre système stellaire, se balade dans l’espace interstellaire et, en passant près de notre Soleil, elle a été attirée par sa gravité et a été capturée, devenant un nouveau membre de la famille solaire). Cerise sur le gâteau, le trou noir en question serait entouré d’un halo de matière sombre.

Bien sûr, la fin de l’article montre qu’ils savent que leur proposition ne fera pas l’unanimité, mais au cas où on en aurait besoin un jour.

Reste que la perturbation orbitale doit être d’abord vérifiée sur plus d’objets de la région, ce qui permettrait de confirmer la présence d’un perturbateur puis, s’il existe, d’affiner sa position probable pour pouvoir vérifier sa présence directement. Côté matière sombre aussi, on attend toujours une détection directe ; quant aux trous noirs primordiaux, s’ils sont à la mode, ils sont très loin d’avoir été prouvés.

Alors, on peut bien sûr spéculer d’ici là – ce n’est pas le seul domaine de l’astronomie où on le fait, et cela s’avère parfois utile – mais ne mettons pas la charrue spéculative avant les bœufs observationnels.

Il est parfois dommage qu’un scénario hautement spéculatif, ou de grosses annonces prématurées, fassent la Une au détriment de vraies avancées (sans parler des démentis sur les deux premiers, relégués dans les revues spécialisées).

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