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Gaspillage alimentaire : des PME réduisent leurs pertes de 15 %

La loi Egalim votée en octobre 2018 encourage l’industrie agroalimentaire à valoriser ses pertes alimentaires par le don, notamment aux associations. Anne-Christine Poujoulat / AFP

À l’échelle mondiale, un tiers des aliments produits pour la consommation humaine est gaspillé. En France, ils représentent 10 millions de tonnes par an.

Ces pertes ont un coût environnemental très fort, et constituent des manques à gagner considérables du point de vue économique, équivalent à 16 milliards d’euros annuels. Sur l’ensemble des pertes alimentaires, 21 % sont générées lors de la transformation par les industries agroalimentaires.

En 2018, l’Ademe a accompagné 19 entreprises françaises de ce secteur – notamment des PME – dans le but de leur montrer qu’en réduisant leurs pertes de matières et en valorisant les restantes, elles pourraient réaliser d’importantes économies.

Diagnostiquer l’origine des pertes

Tous les secteurs de l’agroalimentaire produisent des pertes, à des étapes de production distinctes. Parmi les sources de pertes qui reviennent souvent, selon l’étude de l’Ademe, on retrouve les matières premières : sur les 19 entreprises étudiées, leur coût représente 73 % des coûts complets des pertes totales. Le taux de ces pertes s’élève en moyenne à 9,4 % par site (variant de 1,2 à 25,4 %).

Certains processus de fabrication génèrent également d’importantes déperditions. Chez Soup’Ideal, l’une des entreprises accompagnées par l’Ademe, l’épluchage des légumes emportait souvent une partie du légume au-delà de sa peau. Les pannes récurrentes des machines gâchent parfois un important volume de la production ; le changement trop fréquent des produits fabriqués au sein d’une même usine peut aussi causer un gaspillage conséquent ; quant aux produits non conformes, c’est-à-dire comestibles mais ne répondant pas aux standards, ils sont souvent écartés : un biscuit qui n’a pas tout à fait la bonne forme, par exemple.

Enfin, un stockage mal géré des matières premières et une mauvaise formation du personnel peuvent générer des pertes d’efficacité considérables : le remplacement d’une personne par une autre, moins connaisseuse des processus, par exemple.

De manière générale, les pertes engendrées par l’industrie agroalimentaire sont avant tout le fruit d’une absence de suivi au sein des entreprises. Par manque de temps, elles peinent à identifier les causes, ce qui leur permettrait de mettre en œuvre des actions adaptées.

Réduire les pertes et les valoriser

Une fois les sources identifiées, il existe autant de solutions que d’entreprises, tant les problématiques sont spécifiques à chacune.

L’objectif de la lutte contre le gaspillage est double : il s’agit en priorité de réduire au maximum les pertes au cours de la production, mais ensuite de valoriser celles qui n’auront pas été évitées – par la production d’énergie (méthanisation), la valorisation en alimentation animale, et idéalement en alimentation humaine : dans le cadre de l’opération menée par l’Ademe, autour de 45 % des pertes alimentaires des entreprises du secteur allaient directement à la poubelle.

Pour chaque entreprise, l’organisme a recommandé la mise en place de 3 à 10 actions. L’exemple de Labeyrie est particulièrement marquant. Sur l’ensemble des saumons commercialisés par l’entreprise, 91 % des pertes alimentaires provenaient de la découpe des poissons, et 6 % du parage des filets fumés. En mettant en œuvre un système de mécanisation de la découpe pour la rendre plus précise, la société a augmenté de 4 % ses rendements et développé une nouvelle activité : par la récupération de la chair sur la carcasse du poisson, elle a élaboré de nouveaux produits utilisant cette pulpe.

Une fabrique de pâtisseries, qui souffrait de pertes provoquées par des pannes, a quant à elle recruté une équipe de maintenance pour développer une meilleure réactivité face aux failles techniques. La forme de certains gâteaux, trop complexe, générait également d’importantes pertes de pâte : ils les ont remplacées par des modèles plus simples.

Au total, les 19 entreprises accompagnées par l’Ademe ont réalisé sur 9 mois un gain de près d’1,3 million d’euros grâce à la réduction de près de 15 % de leurs pertes en moyenne.


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Parier sur le long terme

Un résultat encourageant, qui met en lumière le potentiel de ce type d’accompagnement. L’opération de l’Ademe n’ayant été menée que sur 9 mois, les résultats sont temporaires et les réductions de pertes pourraient être plus importantes si les mesures sont mises en place sur le long terme.

Encore faut-il que les entreprises, souvent rattrapées par les urgences du quotidien, réussissent à maintenir la lutte contre le gaspillage alimentaire comme une priorité. Les fédérations du secteur pourraient jouer un rôle dans cet accompagnement.

Il est d’autant plus nécessaire d’encourager ces actions que la moitié des entreprises ne connaît pas son taux de pertes matières, et 90 % d’entre elles ignorent le coût complet qui leur est associé, c’est-à-dire la somme de tous les coûts liés à la fabrication des produits qui deviennent ces pertes (prix des matières premières, coûts de la main-d’œuvre, prix des emballages, coût de l’énergie…).

Cette démarche peut toutefois rencontrer plusieurs types de difficultés, puisqu’elle demande du temps, parfois des investissements dans de nouveaux outils, et peut exiger de modifier le design de certains produits quitte à contrarier la demande des clients.

Par ailleurs, la valorisation des pertes requiert un travail de recherche des filières les plus performantes, dans l’idéal celles destinées à l’alimentation humaine. La loi Egalim, votée en octobre dernier, va permettre de généraliser les dons alimentaires de la part de l’industrie agroalimentaire de faire des dons alimentaires. Elle aurait tout intérêt à s’engouffrer dans la brèche, comme l’a fait la grande distribution depuis le vote de la loi Garot en 2016.

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