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Après la défaite de Donald Trump, que va devenir le Parti républicain ?

Le 3 novembre, à Atlanta, des sympathisants républicains discutent lors d'une soirée électorale organisée par le parti. Megan Varner / Getty Images North America/Getty Images via AFP

À l’issue du cycle électoral de 2020, Donald Trump est donc battu. Les chances de succès d’une contestation de sa défaite devant les tribunaux s’amenuisent au fur et à mesure que les décomptes aboutissent, d’autant qu’il n’a jusqu’ici apporté aucune preuve de la fraude massive qu’il dénonce.

Alors que son ère à la Maison Blanche prend fin, l’avenir de son parti fait l’objet de nombreuses conjectures.

La popularité persistante de Donald Trump

Trump est, en quelque sorte, un battu populaire. S’il a perdu, à la fois au Collège électoral (214 grands électeurs sur 570) et en pourcentage de voix (47,7 %), il a toutefois amélioré son score en nombre d’électeurs par rapport à 2016. Selon un décompte encore provisoire du Pew Research Center, il a obtenu plus de 71 millions de votes, dépassant Obama en 2008 (69,5 millions de votes) et augmentant son propre score de 2016 de 9 millions de voix.

De toute évidence, Trump n’est pas pour tout le monde le repoussoir que dépeignent les Démocrates. D’autant que les électeurs trumpistes de 2020 sont plus divers qu’attendu. Selon les sondages de sortie des urnes, dont les résultats seront à affiner, 43 % des électrices ont choisi Trump, ainsi que 32 % des Hispaniques et 31 % des Asiatiques. Le président sortant a aussi remporté 42 % des suffrages des électeurs dont le foyer a un revenu inférieur à 50 000 dollars par an, 40 % des électeurs dont le foyer comporte un membre d’un syndicat, 32 % des électeurs votant pour la première fois et, enfin, 42 % des électeurs diplômés du supérieur.

Lors d’un meeting de Donald Trump à The Villages, Floride, le 10 octobre 2020. Zak Bennett/AFP

Si ces chiffres pointent indubitablement vers une défaite, ils montrent tout autant que Trump n’est pas un accident de la vie politique. Dès lors, son élection en 2016 ne peut plus être vue comme purement conjoncturelle : il bénéficie d’une large base électorale, qui n’est pas réduite aux hommes blancs sans diplômes.

Les bons résultats des Républicains

Par ailleurs, les Républicains ont, à la surprise générale, progressé à la Chambre des Représentants en gagnant 4 sièges ; et au Sénat, ils conservent de justesse leur majorité, l’écart restant à confirmer dans l’attente des résultats en Alaska et en Caroline du Nord (qui seront favorables aux Républicains) et, surtout, du deuxième tour pour deux sièges de sénateur en Géorgie, où l’un des candidats républicains est nettement en tête. Enfin, au niveau des États, les Républicains conservent l’avance dont ils bénéficient depuis 2010 : 52 % des 7 383 législateurs fédérés sont républicains, et le « Grand Old Party » contrôle 23 États, 11 autres étant « divisés » entre un pouvoir législatif républicain et un gouverneur démocrate ou l’inverse.

Bref, Trump a mené son parti à la défaite, mais les Républicains, surtout au niveau local, ont su obtenir des victoires auxquelles le président n’est pas tout à fait étranger. Si Trump a perdu, il n’a pas été répudié pour autant. Quelles conséquences cela a-t-il pour le Grand Old Party ?

Déception dans les rangs

Au vu des résultats, nombreux sont les Républicains à privilégier d’abord leur survie électorale et leur réputation personnelle en prenant leurs distances vis-à-vis de l’administration sortante, notamment quand Trump multiplie les déclarations à l’emporte-pièce, sans preuves, pour dénoncer une élection « truquée ». Les élus républicains le font d’autant plus volontiers qu’ils ont constaté que leurs scores étaient plus élevés que celui du président sortant dans leur circonscription ou leur État. L’heure est donc au sauve-qui-peut général et à l’abandon du président. Mais au-delà de cette réaction prévisible qui tient de l’opportunisme électoral bien compris, qu’en est-il pour ceux des Républicains qui, bien avant le scrutin, avaient fermement pris position contre le président ou, au contraire, lui avaient pleinement fait allégeance ?

Le sentiment qui domine à la fois chez les anti-Trump et les pro-Trump est la déception. C’est tout d’abord le cas pour tous les groupes républicains qui souhaitaient une défaite franche et massive de Trump, qui n’est pas survenue. Du Lincoln Project aux Republican Voters Against Trump, sans oublier le grand nombre de gouverneurs républicains qui ont vertement critiqué Trump pour sa gestion de la crise de la Covid, tous espéraient que le milliardaire new-yorkais soit balayé dans les urnes : dans un tel cas de figure, ils auraient pu facilement relancer le parti sur une voie plus conforme à la doxa conservatrice et, ainsi, tourner la page de l’hérésie trumpiste.

Mais c’est aussi, bien entendu, un résultat décevant pour tous les émules de Trump, que ce soit au Congrès, comme les sénateurs Tom Cotton (Arkansas), Josh Hawley (Missouri) ou Ted Cruz (Texas), dans les États (Ron Desantis en Floride) ou au sein de la société civile (le « clan » Trump et notamment son fils Don Trump Jr., des figures médiatiques comme Tucker Carlson ou encore les responsables d’associations ou de groupes trumpistes, par exemple la NRA). Même si l’on ignore à l’heure actuelle ce que Trump fera une fois qu’il aura quitté la Maison Blanche et s’il se risquera à une nouvelle candidature en 2024 – il aurait alors 78 ans, l’âge de Biden en 2020 –, il est incontestable que la défaite de 2020 prive momentanément le parti de tout leader incontesté ou, plus précisément, qu’elle ouvre la voie à une multiplication des rivalités individuelles.

Quel renouvellement ?

Dans ces conditions, le Grand Old Party apparaît incapable de répondre au défi quasi existentiel auquel il est confronté : procéder à un renouvellement idéologique et intellectuel. Le parti se contente en effet de ressasser un reaganisme vieux de quarante ans : du slogan de campagne de Trump en 2016 (Make America Great Again est emprunté à la campagne de Reagan en 1980) aux thématiques qui ont émaillé sa présidence – la dénonciation d’un État dans l’État (deep state), la baisse des impôts, la déréglementation à tout crin, la loi et ordre, etc.

Ce dessin de Thomas Nast, paru en 1874, représente pour la première fois le parti républicain par le symbole de l’éléphant. Wikipedia, CC BY

L’absence totale de toute ligne idéologique a été confirmée par l’abandon opportuniste du libre-échange par Trump (alors qu’il s’agit d’un principe cardinal du conservatisme depuis les années 1980) ou encore par l’absence de programme (platform) de la convention républicaine de 2020. Sans ligne idéologique directrice, le parti risque de se retrouver sur un programme minimal fait de nationalisme et de conservatisme fiscal. Plus concrètement, il est vraisemblable à ce stade que les Républicains du Congrès fassent d’une opposition tous azimuts à l’administration Biden leur mode de gouvernement privilégié en reprenant volontiers l’accusation d’une « élection volée » afin d’une part, de panser leurs plaies et, d’autre part, de donner une illusion d’unité.

Mais les failles demeurent béantes. Le parti semble ouvert à toutes les candidatures contestataires menées par un quelconque leader charismatique désireux de désigner des boucs émissaires. Le mandat de Donald Trump annonce sans doute le futur du leadership républicain dans un contexte de vacuité doctrinale : charismatique, contestataire et clivant. Cette évolution n’empêchera pas les Républicains de gagner des élections en se positionnant comme exutoire de la colère et des craintes d’une base électorale blanche arc-boutée sur ses valeurs et son identité, surtout si l’administration Biden ne réussit pas à redresser l’économie ou si elle s’enferre dans une rhétorique de la confrontation dictée par une gauche culturelle très mobilisée. Mais le décalage grandissant qui en résulterait avec la société américaine risquerait de conduire à la marginalisation, voire à l’éclatement du Parti républicain. Signant la première caricature de ce parti en 1874, Thomas Nast choisissait l’éléphant, pour rendre hommage à son poids électoral d’alors, mais le représentait se précipitant du haut d’une falaise. Républicains, gare !

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