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Des mineurs artisanaux cherchent de l'or à la mine d'or de Bantakokouta, dans le sud-est du Sénégal. Photo: John Wessels/AFP via Getty Images

Au Sénégal, les petits exploitants d'or utilisent encore du mercure toxique : comment réduire les dégâts ?

“Ne pas pêcher dans ces eaux.” “Contient des niveaux élevés de mercure”. Ces mises en garde sont placardées devant des milliers de lacs et de rivières dans le monde, ainsi que sur de nombreux produits halieutiques.

Mais la consommation de poissons contaminés n'est pas la seule source d'exposition au mercure. L'inhalation de vapeurs de mercure, libérées lors de l'extraction d'un autre oligo-élément, l'or, est encore plus dangereuse. Les mineurs qui inhalent des vapeurs de mercure peuvent subir les mêmes effets toxiques que les personnes qui consomment des aliments contaminés par le mercure : tremblements des membres, vision trouble, perte de fonctionnalité des membres, voire la mort. Dans le monde, entre 10 et 19 millions de personnes travaillent dans les mines d'or artisanales et à petite échelle.

J'ai étudié l'impact du mercure sur l'environnement au niveau mondial au cours des huit dernières années. Mes récentes recherches ont permis de trouver un moyen efficace de réduire les émissions de mercure provenant de l'exploitation artisanale et à petite échelle de l'or au Sénégal grâce à l'éducation et à la distribution d'équipements.

Nous avons organisé des séances d'information sur les dangers du mercure et sur l'utilisation d'équipements permettant de réduire les émissions de mercure et l'exposition à cette substance. Les séances ont été tenues par des membres respectés de la communauté, dans les langues locales, à l'aide de graphiques simples. Les communautés ont également reçu des équipements : des cornues (dispositifs de capture du mercure) fabriquées par des artisans locaux à l'aide de matériaux disponibles localement. Ils ont mis ces articles en vente dans les magasins locaux.

Utilisation du mercure dans l'exploitation artisanale et à petite échelle de l'or

L'extraction artisanale et à petite échelle de l'or produit environ 20 % de tout l'or vendu sur le marché mondial. Le processus est loin d'être respectueux de l'environnement. De vastes zones de forêts sont déboisées pour faire place à l'équipement minier. La terre ou les sédiments sont extraits des puits ou des rivières. Le mercure est ensuite mélangé aux sédiments.

Le mercure est utilisé dans l'extraction de l'or parce qu'il est bon marché, facile à obtenir et efficace pour séparer l'or. Il forme une un revêtement autour de l'or, créant un amalgame mercure-or. Cet amalgame est ensuite brûlé, laissant derrière lui de l'or qui peut être vendu pour de gros bénéfices. Au cours de ce processus, d'énormes quantités de mercure sont libérées dans l'atmosphère.

L'extraction artisanale et à petite échelle de l'or est la plus grande source de pollution par le mercure au niveau mondial, émettant plus de mercure que la combustion du charbon. Elle est présente dans plus de 70 pays, dont la plupart en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. La Convention de Minamata sur le mercure du Programme des Nations unies pour l'environnement est entrée en vigueur en 2017 afin de réduire la production, le commerce et l'utilisation du mercure au niveau mondial. L'article 7 traite spécifiquement du mercure dans l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or.


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Stratégies de réduction des émissions de mercure provenant de l'extraction de l'or

Malgré la Convention, la réduction de l'utilisation du mercure et des émissions provenant de l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or n'a guère été couronnée de succès. De nombreux chercheurs et organisations ont tenté de former les utilisateurs aux dangers du mercure ou ont introduit des technologies sans mercure. Ces interventions permettent parfois de réduire l'utilisation du mercure dans un premier temps, mais ces nouvelles pratiques ne perdurent pas toujours.

Les interventions de santé publique nous enseignent que la connaissance ne conduit pas toujours à un changement de comportement. Par exemple, nous savons qu'il est dangereux de fumer, mais de nombreuses personnes continuent à le faire. Et les technologies sans mercure sont souvent coûteuses, produites avec des matériaux qui ne peuvent pas être obtenus localement, et très techniques.

Intervention au Sénégal

Dans une étude récente, j'ai travaillé avec des collaborateurs au Sénégal pour réduire les émissions de mercure provenant de l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or. Ensemble, nous avons associé une campagne éducative à la distribution d'équipements sur une période de six mois. Des enquêtes menées avant et après l'intervention ont montré que celle-ci avait permis d'améliorer les connaissances sur les dangers du mercure et d'accroître l'utilisation des technologies améliorées.

Des membres dignes de confiance de la communauté ont mené des séances d'éducation dans les langues locales. Les supports visuels ont été créés en tenant compte des commentaires des collaborateurs sénégalais locaux afin de garantir leur adéquation culturelle. La population locale a été formée pour présenter les informations aux mineurs et aux membres de la communauté et pour répondre aux questions. Ces membres de la communauté ont été rémunérés pour participer à cette formation.

Les formateurs ont ensuite organisé des sessions formelles pour discuter de ces sujets. D'autres séances éducatives informelles ont eu lieu autour d'un thé dans les communautés, dans les langues locales. Elles ont mis l'accent sur les dangers du mercure et prodigué des conseils sur l'utilisation de cornues et d'équipements de protection individuelle pour réduire les émissions de mercure et l'exposition à cette substance. Les chefs de village, les imams, les élus, les mineurs, les vendeurs, les groupes de femmes et les jeunes ont tous été ciblés par les séances d'information. L'information a également été diffusée par la radio locale, une technique efficace pour atteindre un public plus large au Sénégal.

Des équipements ont été distribués dans les magasins locaux, afin de les rendre disponibles à l'achat. L'objectif était d'accroître l'accès aux équipements susceptibles de réduire l'exposition au mercure, tout en demandant aux gens de payer pour cela, réduisant ainsi la dépendance à l'égard d'organisations extérieures pour la continuité du programme.

La distribution d'équipements s'est concentrée sur les cornues, des dispositifs qui agissent comme un couvercle sur une marmite. Dans les méthodes traditionnelles à flamme nue, l'amalgame mercure-or libère du mercure directement dans l'air. Dans une cornue, le mercure libéré se condense sur le couvercle de la cornue et passe dans un tube jusqu'à un seau d'eau, où il peut être recueilli. Cela réduit les émissions de mercure dans l'air et le mercure peut être réutilisé.

Les cornues ont été fabriquées par des forgerons locaux à l'aide d'équipements disponibles sur place. La conception a tenu compte des besoins des mineurs et de leurs commentaires. La première série d'équipements a été fournie gratuitement aux magasins, qui ont acheté du matériel de réapprovisionnement avec les bénéfices de la vente de la première série. Les cornues ont été vendues au prix de 15 000 CFA (environ 24,70 USD).


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Les conséquences de cette intervention

L'exploitation artisanale de l'or est un moyen de subsistance important pour de nombreuses personnes au Sénégal et dans le monde. Étant donné les dangers de la toxicité du mercure, il est nécessaire de réduire l'exposition élevée des mineurs et de leurs communautés. Notre étude fournit un mécanisme pour y parvenir.

Elle a suscité des réactions positives, ce qui laisse penser que des interventions similaires pourraient être efficaces dans d'autres pays où l'on pratique l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or.

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