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Bien-être animal, environnement, main-d’œuvre… La filière cheval française face à de multiples défis

Cavalière au galop sur une plage
L'équitation, troisième sport fédéral, 700 000 licenciés et de multiples activités. Mélanie Guillamot, Fourni par l'auteur

La filière équine en France représente aujourd’hui un poids économique significatif, générant 66 000 emplois en activité principale dont 52 000 emplois directs, et un chiffre d’affaires global de 11 milliards d’euros. Cette filière, composée de quatre segments interdépendants (sport-loisir, course, travail et viande), lie au sein d’une même économie le secteur agricole et l’univers sportif.

Le segment des sports-loisirs, qui compte le plus de pratiquants et de chevaux, forme par exemple un vaste écosystème, réunissant une diversité d’acteurs confrontés à des défis spécifiques. Ces activités couvrent un large éventail, allant des loisirs, en passant par les compétitions sportives amateurs et professionnelles, jusqu’au haut niveau olympique et paralympique. L’élevage français brille souvent en compétition grâce à la qualité de ses chevaux. D’ailleurs, 21 000 chevaux ont été vendus à l’étranger en 2022.

Les objectifs fédéraux de démocratisation de l’équitation rendent cette pratique accessible au plus grand nombre. Ainsi, l’équitation est le troisième sport fédéral le plus pratiqué en France, avec près de 700 000 licenciés, et le premier sport féminin, avec 85 % des licenciés qui sont des femmes.

Jeune fille sautant un obstacle à cheval pendant une compétition
L’équitation, premier sport féminin en France. Pexels/Jean van der Meulen, CC BY-SA

En complément de près de 40 disciplines équestres sportives, d’autres activités de loisirs contribuent à la richesse de cette filière, telles que la randonnée et le tourisme équestre, ou encore l’équithérapie. Toutes ces expériences offrent un lien peu commun entre humains, animaux (les chevaux) et nature, soulignant la dimension hédonique de ces pratiques.

Un million d’équidés

Cependant, les activités équestres ont été confrontées à plusieurs chocs externes au cours de la dernière décennie (modification de la fiscalité, changement des rythmes scolaires, restrictions d’activités lors de la pandémie de Covid-19, etc.). Ces chocs ont modifié les comportements des pratiquants et mis en lumière la fragilité économique d’un écosystème reposant majoritairement sur des structures privées, contrairement à d’autres sports pour lesquels les infrastructures sont co-financées par différents fonds publics. Cette particularité oblige les passionnés à gérer leurs activités de manière commerciale, ce qui nécessite des compétences et des ressources variées de la part des dirigeants.

Concernant les pratiquants, on peut établir une distinction entre deux groupes majeurs qui fait l’objet de nos récentes recherches : les usagers « en structure » et les « hors structure ». D’une part, les « en structure » sont souvent des licenciés fédéraux, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Ils se différencient en fonction de leurs niveaux de compétence et de leurs tranches d’âge, bien que la majorité des licenciés se trouvent chez les femmes dans la tranche d’âge entre 9 et 16 ans.

D’autre part, les usagers « hors structure » sont des cavaliers ou propriétaires d’équidés détenant leurs animaux en dehors des structures professionnelles. Certains pratiquent des activités tournées vers l’extérieur ou non montées, d’autres sont licenciés, notamment pour leur pratique compétitive. Ainsi, environ 430 000 équidés et 220 000 usagers seraient « hors structure », pour un total d’un million d’équidés en France en 2023.

Les poneys bientôt interdits à Paris

Pourtant, les activités équines soulèvent des préoccupations qui reflètent les transformations de notre société, notamment en matière de protection animale et de bien-être équin. Toutes les utilisations des chevaux, qu’elles relèvent de la performance sportive, du travail agricole, de la production de viande ou des loisirs exigent en effet une attention accrue à leurs santés physique et mentale.

Ainsi, les critiques portées contre les conditions de vie et de travail des chevaux se multiplient jusqu’à remettre en question la durabilité de certaines pratiques traditionnelles : polémiques autour de la traction équine en ville comme à Saint-Malo en 2023 ; interdiction des balades à poneys dans Paris à partir de 2025 ; irruptions de militants au cours de compétitions sportives comme à Bordeaux en début d’année, etc.

Sur le plan environnemental, les équidés présentent de nombreux « atouts verts » générant des externalités positives. Néanmoins, les courses et les sports équestres ont des répercussions environnementales notables, notamment liées au transport de ces animaux et des publics lors des manifestations ou encore à l’arrosage nécessaire des sols pour garantir la sécurité et la conformité des conditions de travail et de compétition.

Recherche moniteurs

Dans un contexte de sensibilisation croissante de l’opinion publique à la préservation de la nature, la prise de conscience des enjeux écologiques gagne en importance au sein des acteurs de la filière équine. Ces derniers entrent actuellement dans une démarche de réinterrogation de leurs pratiques, dans un objectif de gestion plus durable limitant leur empreinte environnementale, condition sine qua none du maintien même de certaines activités hippiques et équestres (gestion de l’utilisation de l’eau pour les sols, démarche qualité en faveur de l’environnement et du bien-être avec l’outil de diagnostic CAP2er-équin et le label EquuRES).

La gestion de la main-d’œuvre dans le secteur équestre représente également un enjeu majeur. Malgré la passion qu’ils suscitent, les métiers équestres peinent à attirer de nouveaux talents, le métier de moniteur d’équitation étant particulièrement en tension. L’adaptation de la formation et l’amélioration des conditions de travail constituent donc une autre problématique pour assurer la stabilité et l’excellence de la filière.

En somme, la filière équine est aujourd’hui actuellement confrontée à une série de défis. Les principales institutions doivent ainsi l’accompagner pour pérenniser ce secteur économique qui occupe une place particulière en France.


Pascale Heydemann, chargée d’études à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), a contribué à la rédaction cet article.

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